Ames sensibles s'abstenir.
Ce n'est pas un thriller noir, mais une histoire de vie dont on pense qu'elle n'arrivera qu'aux autres enfants, mais pas aux siens.
C'est très violent, c'est brut, c'est cru !
C'est une histoire qui dérange.
C'est une énorme claque que j'ai reçue et dont mon coeur garde encore l'empreinte des doigts.
Mais c'est à la mesure du sujet qui est traité.
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Joffrine Donnadieu n'a pas été avare de mots, surtout pour décrire l'immonde.
J'ai pensé m'arrêter au début du roman, tellement ses propos m'étaient presque insupportables.
Puis l'idée saugrenue m'a pris d'aller lire des commentaires sur Babelio, sur ce livre. Ce que je ne fais jamais d'habitude, car il y a vraiment beaucoup trop de gens qui spoilent les livres en déposant leurs commentaires.
Là, le spoil m'a plutôt servi car j'ai appris un évènement qui allait me permettre de continuer ma lecture.
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Pour un premier roman,
Joffrine Donnadieu a tapé terriblement fort, en évoquant le sujet tabou et brutal de « la pédophilie féminine », dont on parle très peu en France.
Son récit est si puissant, est si sauvage qu'il m'en fut fascinant. J'ai lu ce livre, une fois de plus en apnée.
La jeune auteure a pris aussi un risque insensé de décrire toute la cruauté des faits et des événements, sans jamais travestir ni enjoliver la réalité des choses.
Et en conséquence, elle a pris le risque de s'exposer, dès le départ, à des critiques virulentes et désapprobatrices, émises par des lectrices et des lecteurs choqués par la rédaction du roman.
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Je me suis moi-aussi interrogé pourquoi
Joffrine Donnadieu s'était attardée dans les détails sordides et scabreux du viol.
Peut-être était-ce un moyen pour expurger certains mots et certains maux. Pour les consigner et les utiliser pour envoyer très fort un message ou un témoignage.
J'avais ouvert ce livre pour venir à la rencontre d'une histoire et non pour en juger l'auteure.
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C'est dans la première partie du livre que nous faisons connaissance de Romy, neuf ans.
Cette petite fille qui est en manque évident d'amour, avec un père militaire autoritaire et distant, qui est souvent en mission et une mère fragile et malade, qui passe beaucoup temps à l'hôpital et ne peux s'occuper pleinement de sa fille. Même les grands-parents de Romy manquent d'un vif d'intérêt pour leur petite-fille.
C'est ainsi que Romy sera le plus souvent confiée au couple d'amis de ses parents dont le père est militaire et ami de son papa. Et que l'enfant trouvera de la chaleur, de l'attention et de l'amour en la personne de France, l'épouse et mère de deux enfants.
France semblait en apparence être une femme au-dessus de tous soupçons. Mais sous ses gestes de tendresse et de sensualité, elle se révélera être une impitoyable prédatrice. Une âme noire prête à imposer avec douceur, à la petite Romy, des jeux et des attouchements des plus pervers.
Romy qui ne connaît pas encore son corps, prendra les caresses sexuelles de France pour un trop plein d'amour.
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La seconde partie du roman, écrite avec une grande efficacité, est pour moi encore plus frissonnante, encore plus déchirante.
France qui va suivre son époux muté, disparait entièrement et soudainement de la vie de Romy
Le monde de Romy alors s'écroule. le manque et l'absence de France vont avoir un effrayant effet dévastateur sur la petite fille.
Joffrine Donnadieu raconte alors, toujours avec ce réalisme qui glace le sang, et qui a encore eu une grande résonance en moi, la lente et longue descente en enfer de l'enfant Romy.
La détresse moral et psychologique de la petite fille est si bien décortiquée et si bien décrite, que l'auteure m'a fait oublier que ce roman était en partie une fiction.
J'étais avec la petite, j'avais mal pour elle de la savoir abandonnée, de la sentir livrée à elle-même, sans plus aucun repère, sans soutien.
Une petite fille qui allait très vite sombrer dans le désespoir, dans l'incompréhension.
Une petite fille qui allait s'effondrer dans le monde lugubre de la solitude, du désamour, de la détestation de son propre corps.
Romy qui à neuf ans, commencera pour une dizaine années, son vrai chemin de croix, à vivre dans cette cruelle ambivalence entre le plaisir charnel et le dégout sexuel.
Romy qui cherchera en vain des échappatoires à ses souffrances. Romy, une jeune fille à l'abandon qui passera par différents stades d'autodestruction, qui lui causeront des dégâts irréversibles.
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C'est un message très fort que l'auteure nous envoie à travers son roman.
Nous devons tous prendre conscience que notre responsabilité d'adultes envers toutes les petites filles et tous les petits garçons, est une charge considérable, importance et cruciale.
Nous nous devons d'être irréprochables et être sans aucune équivoque envers tous les enfants.
C'est notre devoir moral, c'est notre premier devoir d'humain, car c'est leur avenir et leur équilibre vital que nous possédons entre nos mains.
Une pulsion non maitrisée, une caresse anodine trop appuyée et cela sera peut-être l'engrenage.
Un engrenage qui glissera vers l'ignominie et qui deviendra ce monstre au pouvoir démesuré, celui de détruire des chemins de vie.