En Chine, au XIXe siècle, a vécu un puissant homme d'affaires, qui se nommait Charlie Soong (1861-1918) et qui a eu 3 filles dont le destin a été incroyablement fabuleux :
1) Song Ailing (1890-1973), l'aînée ou "Big Sister" a épousé Kong Xiangxi (1881-1967), l'homme le plus riche de la Chine et Premier ministre de la république chinoise en 1938-1939 ;
2) Song Qingling (1893-1981), la seconde ou "Red Sister" a été l'épouse du père de la Chine moderne,
Sun Yat-sen (1866-1925) et
3) Song Meiling (1898-2003), la benjamine ou "Little Sister" est devenue la femme de Tchang Kaï-chek (1887-1975), président de la "Première République de Chine", puis de Taïwan.
Sur la dernière, j'ai lu et critiqué de
Hannah Pakula "
The Last Empress" (la dernière impératrice), le 6 août 2017. Un livre fort circonstancié et peut-être trop détaillé de 841 pages, quand bien même si Meiling a réussi à vivre le XXe siècle de bout en bout.
L'ouvrage de
Jung Chang est, en comparaison, non seulement moins long (374 pages), est aussi plus scientifique sans être ennuyeux pour autant, avec ses 22 pages de notes, une bibliographie de 14 pages et un index de 16 pages en fin de volume. Chang a en plus ajouté 16 pages de photos, et certaines photos sont remarquables et rares.
Les livres de
Jung Chang sont synonymes de sérieux et de qualité, que ce soit son roman autobiographique de 1991 "
Les cygnes sauvages", sa biographie historique de l'impératrice Cixi, de 2015, ou l'ouvrage historique qu'elle a écrit ensemble avec son mari, l'historien britannique
Jon Halliday, en 2005, "
Mao : L'histoire inconnue".
Commençons par le père. Charlie, à 14 ans, a fui la pauvreté, la misère et la saleté de l'île Hainan pour débarquer aux États-Unis. En Caroline du Nord, il a été le premier Chinois à se faire baptiser par le révérend Thomas Ricaud, en 1880. À l'université Vanderbilt au Tennessee, il s'est entraîné pour devenir missionnaire méthodiste dans son pays.
À 24 ans, il rentrait en Chine et s'installa à Shanghai où, comme analphabète en Chinois, il se mettait à l'étudier sérieusement en même temps que quelques dialectes régionaux, pour mieux prêcher la bonne parole.
Charlie était un personnage que tout le monde trouvait sympa, peut-être à cause de sa petite taille (1,50 mètre) et sa gentillesse avec tous. À 27 ans il maria son grand amour Ni Kweit-tseng de 18 ans, dont les ancêtres avaient appartenu à l'élite de la dynastie Ming (1368-1644) et qui sera la mère des 3 fameuses filles et 3 garçons connus sous leurs initiales T.V., T.L. et T.A. En 1892, à 31 ans, pour soutenir son ménage, il démissionnait comme missionnaire et se lança dans les affaires avec un succès considérable.
Politiquement, il avait horreur de la dynastie mandchoue au pouvoir et était favorablement impressionné par la personnalité de
Sun Yat-sen qui oeuvrait pour l'instauration d'une république moderne. Financièrement il aidait l'homme qui allait devenir son beau-fils (mais dont la future épouse n'était qu'au moment de leur rencontre qu'un bébé d'un an).
Pour son aide à Sun, Charlie n'a jamais rien demandé en retour (fonction ou titre), mais il a très mal pris que Sun courtise et marie, en 1915, sa 2e fille, Song Qingling, qui avait 27 ans de moins que son époux. Il était, toutefois, impuissant, puisque les 2 s'aimaient.
Un incident dramatique interviendra ultérieurement qui mettra cet amour à rude épreuve, mais Song Qingling ne négligera jamais son rôle au premier plan comme Madame
Sun Yat-sen, comme elle insistait à être nommée. Une fausse couche traumatique aura comme effet qu'elle ne pourra plus, à son énorme regret, avoir des enfants.
En cette période se situe l'épisode Mikhaïl Borodine, l'envoyé spécial de Staline en Chine avec mission l'avènement du communisme. Borodine, un excellent organisateur, a grandement aidé
Sun Yat-sen. Comme remerciement le tsar rouge l'a envoyé, En tant que Juif (il était né Gruzenberg en Biélorussie) en Sibérie, où il est mort, pratiquement oublié, dans un camp de travail horrible près d'Irkoutsk en 1951. Il était le héros du livre "
Les Conquérants" d'
André Malraux, bien que les 2 ne se sont jamais rencontrés. Song Qingling s'entendait très bien avec Borodine et son épouse. C'est ainsi qu'elle est devenue une admiratrice de
Lénine et a gagné le sobriquet de "Red Sister".
Charlie est décédé d'un cancer en 1918, à l'âge de 55 ans. Ses 3 fils ont repris ses affaires et en ont fait un vaste empire industriel et commercial, avec des ramifications en Asie et en Amérique.
Avec la mort du "père de la nation", d'un cancer du foie, le 12 mars 1925, à l'âge de 58 ans, j'arrête mon abrégé.
Une partie importante de l'ouvrage est évidemment consacrée à l'histoire de "Little Sister", Song Meiling et son mari Tchang Kaï-chek, que j'ai résumé à l'occasion du livre précité d'
Hannah Pakula.
Et soyez sans crainte, l'auteure n'a pas oublié l'arrivée sur la scène politique de
Mao Zedong (1893-1976), le Grand Timonier avec ses grands bonds en avant, son petit livre rouge et son intelligente révolution culturelle !
Le sous-titre de l'ouvrage important de
Jung Chang donne : "Trois femmes au coeur de la Chine du XXe siècle" et c'est tout à fait cela, sauf que ces 3 femmes étaient des véritables soeurs.
Il s'agit d'un livre absolument passionnant. C'est à la fois une grande page cruciale de l'histoire d'un pays-clé, doublé d'un roman captivant.
Une traduction française ne saurait tarder.