Mais je ne suis pas dans les conditions ordinaires
je ne suis pas entré dans ce monde par les portes de la matrice
ma naissance a été une lutte horrible
une guerre affreuse
un péché sans nom
J'ai nagé dans un fleuve de pus
qui n'existait pas
et fut créé sur place et jeté vers moi
pour m'empêcher de passer
et le corps
obscène
de cette humanité voulut refermer sur moi sa couture,
quand mon corps était déjà fait
et n'avait besoin de rien ni de personne
que d'un peu de temps
pour existe.r
L'ombilic des Limbes
Une fatigue renversante et centrale, une espèce de fatigue aspirante. Les mouvements à recomposer, une espèce de fatigue de mort, de la fatigue d'esprit pour une application de la tension musculaire la plus simple, le geste de prendre, de s'accrocher inconsciemment à quelque chose
à soutenir par une volonté appliquée.
Une fatigue de commencement du monde.
Des corps
qui mangèrent,
digérèrent,
dormirent,
ronflèrent une fois par nuit,
chièrent
entre 25 et 30.000 fois,
et en face de 30 ou 40.000 repas,
40 mille sommeils,
40 mille ronflements,
40 mille bouches sures et aigries au réveil
ont à présenter chacun 50 poèmes,
vraiment ce n'est pas assez,
et l'équilibre entre la production magique et la production automatique est très loin d'être maintenu,
il est absolument rompu,
mais la réalité humaine, Pierre Loëb, n'est pas cela.
Nous sommes 50 poèmes,
le reste ce n'est pas nous mais le néant qui nous habille,
se rit de nous d'abord,
vit de nous ensuite.
Ci-Gît.
Moi, Antonin Artaud, je suis mon fils,
mon père, ma mère
et moi