Dans les sociétés vieillissantes et déclinantes d'Europe occidentale, la tentation est bien courante d'un certain passéisme. Les jeunes d'ici n'ayant connu d'autres catastrophes que d'avoir été abusés par les promesses de prospérité du modèle sociétal de la génération précédente, ils se sentent désabusés et incapables de trouver dans l'avenir un espoir d'amélioration de leur condition. Mais qu'en est-il ailleurs ? À bien y réfléchir, la décennie 1990 a été saturée d'atrocités politiques : guerre au Liban, en ex-Yougoslavie, génocide rwandais, guerre civile en Algérie, désespoir en Russie, Première Guerre du Golfe, aggravation de la situation dans les territoires palestiniens... Entre 2005 et 2019
Aurélie Charon, jeune journaliste originaire du Centre de la France, a beaucoup voyagé. Elle va à la rencontre des jeunes de sa génération, filles et garçons entre 20 et 30 ans, qui, dans leur enfance et jusqu'à ce moment-là, ont vécu les conséquences de ces atrocités et en portent des séquelles dans leur corps et dans leur esprit. Ils parlent le même langage et pourtant ils ont grandi tellement différemment. Puis elle rentre en France, effectue la même démarche auprès de jeunes des quartiers nord de Marseille, de ruraux du Nord, de réfugiés de la banlieue parisienne, de filles voilées, de celles et ceux qui ont vécu une immense joie d'enfant comme champions du monde en 1998, et « une émotion d'adulte, [qui] dure moins longtemps que celle d'enfant », en 2018... Enfin, véritable synthèse et admirable initiative, elle a entrepris de faire se rencontrer le plus grand nombre possible des jeunes étrangers et français connus au fil des interviews, en France ou dans des pays tiers, où les entretiens et les visites du monde se sont poursuivis : une Bosniaque et un Indien à l'Île Maurice, à Johannesburg, une création de rap entre le Picard et le Marseillais, des lettres de soutien pour l'obtention de la nationalité française, une tentative de dialogue israélo-palestinienne en langue française...
Dans la meilleure tradition des entretiens journalistiques, ce livre est formé des rencontres avec ces jeunes et de leur rapport avec l'avenir et avec les espoirs qu'il nourrissent. Il ne néglige pas non plus les récits de voyage de l'autrice, qui se place de manière égalitaire avec les autres personnages du livre et vit, le temps de la découverte, les séquelles de l'Histoire : comme d'être descendue dans un hôtel thermal à proximité
De Višegrad, cadre du fameux _Le Pont sur la Drina_ d'Ivo Andrić, qui servit durant la guerre de lieu de tortures, de viols et de sévices de femmes bosniaques, où elle ressent un certain inexplicable malaise qui la conduit à découvrir le passé du bâtiment, occulté par le guide du Routard.
Les chapitres sont courts. le style est assez déroutant. Des réflexions fulgurantes se mêlent à un discours dont on ne perçoit pas toujours l'intérêt, qui semble même décousu, répétitif et qui semblerait même plat s'il n'était pas exprimé par des formules un peu trop « à effet ». L'aspect « générationnel » a certainement provoqué la connivence admirable entre ces personnages et l'autrice à laquelle le lecteur a aussi envie d'adhérer, pour faire de ces belles personnes roboratives d'espoir nos propres « potes »...