AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,3

sur 622 notes
5
86 avis
4
34 avis
3
8 avis
2
5 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La légende de l'ours esprit

Une photo. Un portrait de femme en kimono. Hannah est chamboulée. Elle vient de reconnaître sa mère sur ce cliché déposé sur le palier de sa porte par un inconnu.
Hannah s'est refugiée il y a plus de dix déjà dans une maison inaccessible sur les hautes terres au creux d'une vallée protégée par des montagnes aux flancs escarpés. Presque personne ne sait qu'elle vit ici.
Cette photo ravive de nombreux souvenirs qui dévalent avec la force d'un torrent démentiel sur une quiétude chèrement acquise après une vie très chaotique.
Car Hannah revient de loin, de très loin. Jack, le creekwalker qui veille sur les forêts fleuves de la Colombie-Britannique, l'a retrouvée un jour inconsciente et griffée par un animal qui n'existe que dans les légendes autochtones. Un ours blanc.
Avant de déposer cette photo, l'inconnu a attendu de longues minutes devant une porte restée close. Il est ensuite reparti en faisant la promesse de revenir dès le lendemain...

Ce roman en forme de patchwork entremêle de manière époustouflante la fresque historique avec la magie des contes et légendes.
Une histoire sauvage, imprégnée par des histoires amérindiennes et nippones fabuleuses, qui ne s'apprivoise qu'au fil des pages et qui évoque en même temps la difficile situation vécue par les Japonais et les Canadiens d'origine Japonaise au Canada durant la première partie du vingtième siècle.

Les mangeurs de nuit, petites lucioles qui illuminent les contes japonais, brillent dans ce récit telles des lanternes au milieu des ténèbres en sauvant de l'oubli ceux qui sont partis bien trop loin.
Fantastique !

Commenter  J’apprécie          11020
L'histoire s'ouvre sur un éventail de situations aussi disparates qu'étalées dans le temps : Hannah subit l'attaque d'un ours, Aïka aspire à un avenir radieux sur le bateau qui l'amène en Colombie britannique à la rencontre de son futur mari, tandis que Jack écoute la forêt en compagnie de son chien.

Quels liens futurs ou passés unissent ces personnages aussi différents, avec pour seul point commun le lieu qu'ils foulent de leurs pas ? Il faudra revenir sur le passé d'un pays qui, après avoir écrasé de son mépris les populations amérindiennes jusqu'à les anéantir, s'en est pris aux japonais exilés, dont la communauté a subi les mêmes pressions et s'est vu privée peu à peu de ses droits les plus élémentaires.

Tous ces destins éprouvés par les sursauts de l'Histoire, sont incarnés par des personnages extrêmement attachants, dont le courage et la pugnacité forcent l'admiration. Si les malheurs répétés les ont incités à vivre en solitaire , ils n'en restent pas moins profondément humains et respectueux de la nature, ayant compris que seul le respect n'authentifiera le pacte tacite d'entraide mutuelle qui permettra la survie.

S'y ajoute le charme des légendes amérindiennes, contées au chevet des enfants, pour le plus grand plaisir du lecteur.


L'écriture est somptueuse, les descriptions de paysage font appel à tous les sens, avec une érudition qui transparaît dans des termes pointus (pétrichor, empyreume) et les mots hérités du joual apportent un exotisme qui allège le propos.


Magnifique histoire de destins fragilisés par la folie des hommes, ce roman est une très belle découverte de cette autrice que je n'avais pas lue jusqu'ici.

304 pages L'Observatoire 4 janvier 2023
Sélection Prix Orange 2023

Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          800
Au début du XXème siècle, les “picture bride” affluent au Canada. Ces japonaises qui ont quitté leur pays et traversé l'océan dans l'espoir d'une vie meilleure, ne connaissent de leur futur mari que la photo qu'on leur a montrée et la lettre qui l'accompagnait... Comme pour Aika, nombre de ces mariages arrangés commencent ainsi par une désillusion. Choc des cultures, déracinement, mari décevant, situation misérable, le rêve s'effondre très vite pour laisser place à une réalité toute autre, dans laquelle l'intégration est presque impossible tant le racisme est omniprésent. Mais le pire est sans doute pour la génération qui suit, à laquelle appartient Hannah, née au Canada mais qui ne parvient pas à s'intégrer et ne se reconnaît pas pour autant dans la culture japonaise… Alors, quand le Japon devient l'allié des allemands dans la guerre, la peur et la haine se libèrent et les immigrés deviennent des cibles toutes trouvées. Mais, quel est le lien entre Hannah et Jack, ce creekwalker taiseux, élevé au coeur de la nature par une belle-mère amérindienne et bercé par ses légendes et ses croyances?

Pour le découvrir, il vous faudra plonger dans ce fabuleux roman qui dresse avec justesse le portrait passionnant d'une époque et d'une communauté. le sujet m'a au début fait penser au magnifique roman de Julie OtsukaCertaines n'avaient jamais vu la mer” qui décrit, à travers de nombreuses voix de femmes, la traversée de ces japonaises vers les Etats-Unis, leurs rêves, leurs espoirs et la désillusion qui s'ensuit. Mais passée cette première partie sur l'immigration, on pénètre dans un roman tout autre, plus sauvage, plus troublant, plus proche d'un récit de Jack London ou de Laura Kasischke et dans lequel les sensations et l'osmose avec la nature et avec ce qui nous entoure prennent le pas sur les mots. le roman s'ancre alors au coeur de la forêt canadienne, dans des paysages recouverts de neige et bercés par le bruit des torrents et le souffle du vent dans la cime des arbres. Une nature sublime et dangereuse, qui cache en son sein des créatures redoutables, gouvernées par leurs instincts… Un monde à la vie rude, bien souvent solitaire, mais qui offre la grâce à qui sait la recevoir.

Le texte est prenant, parfaitement rythmé par les allers retours entre les époques. On oscille sur près de 50 ans, avide de découvrir les événements qui ont conduit nos personnages à cette rencontre improbable. Les liens se tissent, les protagonistes se révèlent à nous, mais surtout à eux-mêmes. La langue de Marie Charrel est de toute beauté, ses mots vibrent et résonnent à travers les légendes et les croyances qui nous sont contés. Impossible de ne pas succomber au charme de cette mythologie, à sa puissance évocatrice et à ce qu'elle dit de ce que nous sommes. C'est beau, c'est intense et c'est avec une pointe de regrets que l'on referme cette histoire… Une magnifique découverte!
Commenter  J’apprécie          580
Jack, Hannah et l'ours blanc

Dans son magnifique septième roman, Marie Charrel revient sur un épisode oublié de l'histoire canadienne, la chasse aux immigrés japonais avant et surtout après la Seconde guerre mondiale. Un Récit initiatique enrichi de contes et légendes.

Aika a 17 ans quand elle part pour le Canada. Elle est une «fiancée de papier», promise à partir d'une photo à un Issei. C'est le nom que l'on donne à la première génération des immigrés japonais. Son mari lui a fait miroiter une situation aisée de pêcheur, mais une fois débarquée à Vancouver, elle va vite déchanter et va finalement épouser un pauvre bûcheron dont le seul trésor sont les légendes nippones qu'il ne va cesser de transmettre, en particulier à sa fille Hannah. Quand il meurt, Aika ne sait comment elle va survivre dans un environnement de plus en plus hostile. «J'ignore ce que je ferai de toi plus tard: aucun homme ne voudra prendre pour épouse une fille des bois. Les lucioles, les fourmis, les arbres: tu es comme ton père. Tu racontes trop d'histoires.»
Face à la montée de l'intolérance, aux actes racistes et à la multiplication des lois promulguées à leur encontre, Hannah se sent perdue. Elle n'est pas faite pour ce monde. «Elle ne comprend pas que ni la politesse, ni l'humilité dont les Japonais font preuve ne les protégera contre la sauvagerie prête à s'abattre sur eux.» Avec Aika, elle est brutalement chassée de Vancouver et doit rejoindre le camp de Greenwood. C'est de là qu'avec trois compagnes, elle va décider de fuir. S'enfonçant dans la forêt, elle va se retrouver nez à nez avec un ours blanc.
Quand elle se réveille, Jack lui explique qu'elle a été blessée et qu'il l'a retrouvée inconsciente. Tout en soignant la jeune fille, ce creekwalker, c'est-à-dire un agent chargé par le gouvernement de recenser le nombre de saumons dans sa zone pour définir les quotas de pêche, découvre qu'elle est «habitée», qu'elle est pourvue de dons surnaturels transmis par «l'ours esprit».
Dès lors, c'est ce couple très particulier, l'enfant élevé par une amérindienne de la nation Gitga'at, devenu ermite après la mort de son demi-frère à la guerre qui vit désormais seul dans la forêt avec ses chiens et cette Nisei, c'est-à-dire une Japonaise de la seconde génération, née au canada et nourrie de contes nippons qui va chercher à se construire en se nourrissant de leurs cultures respectives et en communiant avec la nature. «On accueille les histoires puis on les libère en les racontant, de façon à ce qu'elles réparent d'autres que soi.»
Marie Charrel, à l'instar d'Hannah, a compris que face à la fureur, à la haine, au deuil et au martyre, il n'y a qu'un seul remède, les mots.
«Voilà ce qu'elle doit faire: écrire leurs histoires à tous avant qu'elles ne s'évaporent ; l'histoire d'Aika, d'Hatsuharu, des semeurs d'espoir et des mangeurs de nuit, du petit prince et des hommes-saumons ; celles des Issei, des Nisei, de Greenwood et les légendes tsimshian. Les contes des mondes engloutis. (…) Elle récoltera les bribes de vie, les reflets au bord du chemin et les éclats d'étoile, puis sèmera les mots. (…) Elle sera la femme-esprit, la femme-mémoire, plus tout à fait humaine – un peu de l'ours est entré en elle. Une créature ni d'ici, ni d'ailleurs. Un pont entre les mondes. » Laissez-vous porter par ce roman initiatique à la construction audacieuse, qui oublie la chronologie au bénéfice des émotions, et découvrez derrière ce morceau d'histoire peu glorieux – le gouvernement canadien attendit 1988 pour présenter des excuses officielles et dédommager les survivants – l'une des oeuvres les plus romanesques et les plus riches de 2023.

Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          441
Je ne souviens plus qui a écrit cette chronique dithyrambique, lue sur les réseaux, qui m'a décidé à me lancer dans ce livre. Mais, je souhaite avant tout le remercier et je suis ravi d'avoir suivi ces conseils avisés.

« Les mangeurs de nuit » nous raconte le destin d'exilées japonaises arrivées sur le sol canadien dans l'espoir d'un avenir meilleur. Se situant entre deux périodes, le récit retrace le sort qui a été réservé à ces immigrés avant, pendant et après la seconde guerre mondiale.

Cette aventure montre qu'en période de conflit ou de crise, les pays se referment sur eux-mêmes et les étrangers sont toujours les premiers coupables désignés. Ces personnes en quête d'intégration se retrouvent montrées du doigt et stigmatisées, souvent de manière violentes. Ancré dans L Histoire, cette aventure a le mérite de nous ouvrir les yeux sur ces évènements dramatiques qui ont eu lieu en Amérique du Nord à cette époque.

Outre son côté enrichissant, ce texte est une pépite parce qu'il m'a émerveillé de bout en bout, sur le fond comme sur la forme. La langue de l'écrivaine est magnifique. Ces mots ont le pouvoir de transcender la nature et les hommes qui l'habitent. Les descriptions du décor sont de toute beauté au point d'en devenir presque charnelles. On s'attache aux personnages, esprits brisés débordants d'humanité.

Saupoudré de croyances indigènes et japonaises, cette fresque familiale et historique est un vrai régal de lecture. Je suis passé par toutes les émotions, ébranlé par la dualité de l'Homme, capable de la pire cruauté comme de la plus belle fraternité.

Je ne connaissais pas Marie Charrel mais je peux l'affirmer haut et fort : elle a un talent exceptionnel, que vous devez absolument découvrir ! Elle nous offre avec son deuxième roman, une histoire bouleversante dont je ne suis pas sorti indemne. Un livre d'une grande puissance littéraire, comme on en lit peu !
Lien : https://youtu.be/WfO9w8gic58
Commenter  J’apprécie          430
Ode à la nature mais surtout ode à la vie plutôt qu'à celle de la seule beauté physique.

Marie Charrel, journaliste et écrivaine, est publiée depuis 2010 mais je n'avais lu aucun de ses précédents romans. Celui-ci a donc été une belle découverte d'autrice toute en rondeur. Les thèmes qu'elle aborde ici sont empreints de cette empathie qui manque souvent à l'humanité vis-à-vis de l'imperfection.
Sa description des paysages est si fine, si douce que même celui qui n'est pas un amoureux fou de la nature le deviendra au fil du livre. Les paysages, la faune et la flore en général, font partie intégrante du récit. Sans eux ce roman n'aurait certainement pas cette profondeur. Au travers de la beauté entourant les personnages principaux, Marie Charrel les rend quelque part plus beaux, plus intenses. La nature va, à sa manière, jouer un rôle dans la guérison d'Hannah et Jack.

L'incipit relate un fait dramatique, une jeune femme attaquée par un improbable ours blanc et entrainée au fond de l'eau. Notre curiosité est immédiatement attisée.

Le récit va papillonner entre 1926, année de mariage des parents d'Hannah, 1945 année de présentation des deux personnages principaux et 1956, l'histoire et son dénouement.
En 1926, Aika, la mère d'Hannah, est, comme beaucoup de ses congénères japonaises à l'époque, attirée au Canada par une proposition alléchante de mariage. Aika, ayant un père ruiné après avoir fait fortune dans la pêche, s'est vue embarquée dans cette spirale. A l'époque, les dites fiançailles par correspondance et organisées sur simple échange de photos (réalistes ou arrangées, c'est selon), font légion. Aika va immédiatement déchanter en voyant l'homme qui l'attend à son arrivée et après un long périple en bateau en provenance du Japon. Cet homme, Kuma, deviendra le père d'Hannah. On sent dès cet instant que la tristesse fera partie du décor.

On saute ensuite en octobre 1945 en Colombie-Britanique afin de nous faire connaitre Jack, patrouilleur dans des eaux riches en saumons, ses chiens Buck et Astrée, et Mark, ce demi-frère qui génère chez lui de douloureux souvenirs.

Puis on arrive en 1956 dans une maison des Hautes Terres canadiennes où ce sera au tour d'Hannah de nous être présentée : Hannah, la jeune femme de l'incipit.
L'arrivée d'un troisième personnage va réellement lancer l'histoire.

Les drames du passé vont progressivement remonter à la surface. On va lire de belles phrases telles :
« Elle a désappris les choses simples, les relations humaines »
Ou « Ecrire, lire et marcher pour s'éloigner des fantômes ».

Et le livre se referme sur une dernière précision « Vingt et un mille japonais et canadiens d'origine japonaise furent internés durant la Seconde Guerre Mondiale dans des camps comme Greenwood en Colombie-Britanique. En 1988 seulement des excuses et des dédommagements du gouvernement. »
Commenter  J’apprécie          423
Après Les danseurs de l'aube,Marie Charrel m'a à nouveau passionnée avec Les mangeurs de nuit. L'intrigue et le décors de ce roman sont bien différents du premier, mais les points communs sont l'écriture magique qui emporte dans un autre monde,la profondeur des personnages, et le drame de la persécution qui,malheureusement, se répète à toutes les périodes et tous les coins du monde avec la même bêtise et le même acharnement.
Ce roman se situe en Colombie Britannique entre 1926 et 1956.
Aïka, jeune japonaise de 17 ans va quitter son pays et sa famille pour aller retrouver celui qui doit devenir son mari,sur la base d'un simple échange de photos, comme des milliers d'autres femmes japonaises. Cependant, ces photos promettent bien autre chose que la réalité que ces femmes vont trouver. J'ignorais cette page de l'histoire canadienne qui débute en 1907 avec une émeute anti nipponne liée à un racisme qui avait persécuté les nippons puis bloqué l'immigration des japonais en dehors d'un accord plusieurs années après pour faire venir des femmes. Cependant, le positionnement du Japon durant la seconde guerre mondiale exacerbe ce racisme et ce rejet jusqu'à diaboliser les japonais et finit par les parquer dans des camps. C'est dans ce contexte qu'évoluent les personnages du roman. Tout d'abord avec Aïka et son mariage avec un homme tellement eloigné de ce qu'elle en attendait qu'elle ne peut l'aimer bien qu'il soit un homme bon,un véritable conteur pour qui les mots ont le pouvoir de changer le monde. Puis la naissance de leur fille Hannah. C'est autour d'elle que s'ancre véritablement l'histoire. Sa trajectoire de vie est hors du commun,semée de chagrins mais aussi de luttes,d'amitiés et surtout de la rencontre aussi dangereuse que merveilleuse avec un ours blanc. Son chemin croisera alors celui de Jack,un " creekwalker " qui la guidera vers une nouvelle naissance.
Beaucoup d'autres personnages peuplent ce roman et tous sont passionnants. Parmi eux ,la nature qui tient peut-être le rôle principal tant Marie Charrel lui donne vie à la fois par la réalité de sa prégnance dans cette région, mais aussi par le souffle de la culture amérindienne et nippone qui ne trace aucune frontière parmi le vivant et mêle l'esprit,le rêve et le vécu en toute évidence et intelligence.
L'humanité qui se dégage de cette histoire, entrecroisée de cette pluri-culturalité m'a beaucoup fait penser aux romans de Richard Wagamese.
Je recommande vivement la lecture de ce roman qui est un coup de coeur.
Commenter  J’apprécie          330
Le récit s'ouvre sur une scène particulièrement intense, où une jeune femme est victime de l'attaque d'un ours, et tous deux plongent dans l'eau glacée… Ensuite, les récits vont s'entrecroiser, pour remonter dans le passé, le présent des personnages.

On fait la connaissance d'Hannah, qui vient de trouver devant sa porte la photo d'une jeune femme en kimono, qui n'est autre que sa mère. Comment cette photo a-t-elle bien pu arriver devant chez elle, une maison où elle vit recluse depuis des années ? Cela va faire remonter des souvenirs et nous permettre de connaître son histoire.

Hannah est la fille de Aïka, qui a quitté son Japon natal pour aller épouser un homme en Colombie Britannique, dont elle n'a vu que la photographie. Mais son père ayant perdu beaucoup au jeu, il s'agit de sauver l'honneur perdu et il sera impossible à Aïka de trouver un mari. Elle fait partie de ce que l'on appelle les « Picture Bride » jeunes filles immigrées pour se marier.

Après une traversée difficile, où elle fait la connaissance d'autres jeunes femmes comme elles, elle rencontre enfin son époux, mais on est loin de l'homme jeune et riche : la photo date de quinze ans, et Kuma est pauvre… ils auront un enfant Hannah…

On fait également la connaissance de Jack, dont on apprendra qu'après le décès de sa mère, son père a épousé Elle, une amérindienne, plus exactement une Gitga'at qui l'a élevé ainsi que son petit frère Mark. Jack est un « Creekwalker, il recense les saumons que la surpêche a mis en danger et parcours ainsi forêts, rivières, avec des rencontres souvent agressives.

Marie Charrel nous fait vivre des années 1920, avec l'arrivée de Aïka, première génération de Japonaises arrivant en Colombie Britannique, qu'on appelle les Isseï, la discrimination qui les a accueillies, alors que tous se faisaient discrets, et travaillaient dur, relégués le plus loin possible. Puis la deuxième génération avec Hannah, qu'on appellera les Niseï, pour lesquels ce ne sera pas facile non plus, car la seconde guerre mondiale et Pearl Harbor font encore monter d'un cran (voire plusieurs) l'hostilité envers les « sales jaunes » comme les Blancs les surnomment.

De son côté, Jack subi la même discrimination, car sa belle-mère est amérindienne, et son petit frère Mark va être enlevé pour être confié à un orphelinat pour les christianiser, et où la maltraitance va le traumatiser à vie.

L'auteure nous entraîne dans un univers passionnant, avec un hymne à la Nature sauvage, les mythes et légendes, qu'elles soient japonaises comme les histoires que racontait le père d'Hannah ou les contes et croyances amérindiens Tsimshian notamment le Moksgm'ol, l'ours esprit qui est en fait un ours qui est blanc car il est porteur d'un gène rare, ce qui fait douter de son existence.

J'ai failli oublier : le titre est magique, les Mangeurs de nuit désigne en fait des grosses lucioles, qui éclairent l'obscurité de la nuit.

Je connaissais un peu l'histoire de ces jeunes Japonaises arrivées en Amérique du Nord : au Canada mais aussi aux USA, mais je n'avais jamais abordé la deuxième génération et connaissant la discrimination et le rejet de toutes les communautés par les Blancs, cela ne surprend guère : après avoir exterminé les Amérindiens pour prendre leurs terres, toutes les personnes différentes d'eux ne pouvaient qu'être soumises à représailles.

J'ai vraiment adoré ce roman, l'écriture splendide de Marie Charrel, les termes parfois obscurs qu'elle utilise pour décrire cette nature sauvage, même si parfois les allers et retours à différents époques peuvent désorienter un peu, cela ajoute à la magie du récit. J'aime ce genre de récit qui allie la petite et la grande histoire, les mythes et légendes, la sagesse des autres cultures.

Je remercie infiniment l'équipe de la médiathèque car, si je n'avais pas aperçu ce roman en exposition, je n'aurais peut-être pas été tentée de le découvrir… maintenant que ma curiosité est éveillée, je me laisserais bien tenter par son roman précédent « Les danseurs de l'aube ».

Bref, vous l'aurez compris, il faut se précipiter sur ce roman !
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          302
En Colombie-Britannique, aux coeurs des forêts, dans le silence des rivières, au coin d'un feu ou sous le vent glacial, existent des êtres à part. Pas vraiment ici, mais pas de l'au-delà non plus, ils vivent de lumières, de murmures, du bruit des arbres et des craquements de la terre. Jack et Hannah sont de ceux-là. Peu de mots les décrivent, ils en ont tellement en eux, dans leur coeur comme dans leur âme… Et leur rencontre sera leur salut…

Je suis entrée dans l'univers de Marie Charrel grâce à son très beau roman, Les danseurs de l'aube. En vraie conteuse, elle a un réel talent pour nous emporter dans ses histoires, au plus près de ses personnages, au coeur d'une époque. Avec Les mangeurs de nuit, la magie a de nouveau opéré…

Cette fois, on embarque pour la Colombie-Britannique, province la plus à l'ouest du Canada. On va y croiser des peuples aux valeurs bien différentes.
Hannah, une Nisei, fille des premiers émigrés japonais de Vancouver, grandit au milieu des bûcherons jusqu'à son emménagement au coeur de la ville et sa confrontation au racisme, aux préjugés et à la haine.
Jack, un creekwalker, est un marcheur de ruisseau. Il est le garant des espèces de la forêt, pour limiter leur extinction.

Tous deux sont des êtres solitaires, à l'écoute du monde qui les entoure et de celui de l'invisible. Ils ont été bercés par les contes et légendes de leur peuple respectif. Ils ont fait leur les héros des temps anciens, les histoires des origines et les fondements d'une vie en harmonie avec la nature.

Avec une écriture toute en finesse, en poésie, Marie Charrel nous offre avec pudeur l'histoire de deux êtres pour qui les mots, mêmes rares, mêmes difficiles, ont un sens.
Deux âmes blessées qui accueillent les légendes, ces filles du vent, qui, pareilles à des petites fées, errent dans l'immensité du ciel. Perdues, elles cherchent des conteurs disposés à les libérer par des mots…

Ces pages sont des trésors… Prenez-en soin…
Commenter  J’apprécie          302
Marie Charrel, dont on avait beaucoup aimé les danseur de l'aube entrelace les destins de deux personnages aux vies cabossées et nous raconte un épisode méconnu de l'histoire du Canada.
A travers les destins d'Hannah (jeune canadienne née de parents immigrés japonais) et Jack (creekwalker canadien) elle nous livre un hymne à la nature, à l'humanité et aux histoires, et met la lumière sur une partie plutôt méconnue de l'histoire du Canada.
Marie Charrel joue avec habileté les époques et les récits, offrant un déroulé fluide et pertinent qui dit raconte deux trajectoires qui finissent par se rejoindre.
Son roman est formidable : à la fois fresque historique, des années 1920 à l'après-guerre, une ode à la nature et à la fraternité où s'entremêlent contes japonais et légendes amérindiennes.
Marie Charrel avec Les mangeurs de nuit de (L'Observatoire) est la lauréate du 87ème Prix Cazes.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          280




Lecteurs (1383) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3205 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}