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EAN : 9782265117266
368 pages
Fleuve Editions (20/09/2018)
4.35/5   24 notes
Résumé :
Lausanne, hôtel Beau-Rivage, 1970. Une jeune femme, algérienne par sa mère, afro-américaine par son père, est missionnée par les Black Panthers pour approcher un " gros poisson " et obtenir de celui-ci de quoi alimenter les caisses du parti. Mais le " gros poisson " en question, Jean Seberg au sommet de sa gloire, de sa beauté et de ses fragilités, se révèle moins facile que prévu à amadouer. Elizabeth tombe sous le charme de l'actrice qui, l'espace d'une nuit, boul... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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La nuit de décembre 1970, à Lausanne, Elisabeth rencontre Jean Seberg, adhérente dès quatorze ans à la National Association for Advanced of Colored People (N.A.A.C.P.).
Elisabeth, ou Lisa ou Eli, c'est la narratrice, une grand mère métissée afro-américaine, juive et algérienne, qui s'est engagée autrefois contre la ségrégation des Noirs aux U.S.A.

Plusieurs thèmes sont brassés et documentés par la journaliste Marie Charrel. Ils sont sourcés dans une annexe de 4 pages : la violence policière au métro de Charonne en 1962, les attentats de 2015, la radicalisation et la déradicalisation, les "revenants" qui ont quitté la Syrie suite au recul de Daesh, le voyage des réfugiés, les destructions d'oeuvre d'art à Palmyre, le mouvement des Black Panthers et comment le FBI a détruit cette organisation, les liens de Jean Seberg avec les mouvements de protestation, la relation entre l'actrice et le romancier Romain Gary...

Le roman relie en miroir la trajectoire de Jean, celle d'Elisabeth et celle de son petit fils Alexandre, jeune métis marqué par les attentats du café de la Belle équipe qu'il fréquentait avec ses amis. La richesse du roman est de créer un écho entre les générations avec des faits réels de diverses époques, avec un rythme sans temps mort.

Une jolie écriture soutient une narration tendue et dynamique ; ce roman nous accroche par des procédés narratifs recherchés, chassé croisé passionnant entre des souvenirs et des événements du temps actuel.
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Une découverte qui fait chaud au coeur, une inoubliable petite et rare pépite.

Une belle fiction extrêmement bien écrite et captivante, pour nous plonger dans L Histoire, et rappeler à nos mémoires les combats politiques, menés au péril de vies, pour que la liberté puisse être semée et récoltée, que la peur soit éradiquée, que l'humanité reprenne tout son sens : l'humain au coeur des considérations. TOUS LES HUMAINS. Vaste combat; les erreurs du passé semblent se reproduire... Comment faire pour éradiquer la connerie (terme emprunté à Romain Gary), les mégalomaniaques, les démons, la bêtise humaine, le racisme, les inégalités, l'injustice ?
En ce jour d'anniversaire des droits universels de l'Homme, le texte de Marie Charrel résonne fort, comme un message d'espoir, celui de se dire que le chemin, même s'il semble long et périlleux, pourrait aboutir à un monde meilleur, qui donne envie d'y vivre, d'y voir grandir nos enfants et petits enfants.
Je découvre la plume journalistique, non dénuée de poésie, de Marie Charrel, avec beaucoup de plaisir. La structure de ce texte est incroyable, l'autrice réussit à amener le lecteur d'une époque à une autre, du passé de la narratrice à l'époque actuelle de son petit-fils « un révolté au coeur sensible », d'un personnage fictif à un autre réel, d'un fait divers réels à un autre, sans le perdre en route.

Un texte politique, engagé, dense, enrichissant, sensible, profondément humain.

NB : ce texte n'est pas une biographie de Jean Seberg. Bien au-delà de la belle actrice, épouse de Romain Gary., ce sont ses combats, ses révoltes qui sont au coeur du sujet. Et c'est un peu à travers le regard de cette femme forte que Marie Charrel nous raconte L Histoire. J. un pétale de fleur posé sur le monde. Un don du ciel. ... la personne la plus délicate et complexe qu'Elisabeth ait rencontrée.

« Je suis une petite femme qui a réussi. Je couche avec qui je veux et donne mon argent à qui m'importe. Ça agace, you know. Ça rend fous certains hommes, ça. Cette liberté. »
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Fin juillet dans une maison de pierres épaisses:

La déconnexion relative que m'apporte ce lieu au coeur de la campagne et dans le vrai silence m'incite à la lecture. Je garde un souvenir lumineux d'une lecture qui faisait partager le souffle d'un destin dans le précédent roman de Marie Charrel. On s'était salués à Nancy lors du salon bondé du livre sur la place, aussi timides l'un que l'autre. On s'est revus il y a quelques mois. J'étais encore intimidé et dans l'exubérance de la préparation d'un livre, j'avais parlé beaucoup, je veux dire beaucoup plus qu'à mon habitude. J'étais nerveux encore. J'aimais les mots de Marie Charrel et je me comportais comme un admirateur. Elle souriait. Je me suis calmé. Elle m'a parlé du livre qu'elle finissait alors, Une Nuit avec Jean Seberg, publié chez Fleuve. de nouveau, la connivence d'inspiration fut évidente.




Ce livre elle l'a écrit pour sortir de la nuit. Après s'être immergée profondément dans la tragédie du destin de Yo Laur, peintre méconnue dont elle ravivait le talent, morte dans les camps nazis. Ce fut le 13 Novembre et sa stupeur. Marie venait de finir Je suis ici pour vaincre la nuit. Elle fut saisie –comme moi- par l'urgence du moment, la nécessité de s'en sortir, d'écrire quelque chose, comme source d'engagement, d'inspiration et d'espoir. Une obligation de regarder le monde en face. Tel qu'il était. Bouleversé. L'urgence de sortir de l'indolence et d'un univers dont on avait le sentiment qu'il était devenu fou. Revenir à l'essentiel. A l'écriture. A l'idéal.

Au début, j'ai cru qu'elle s'était attelée à une sorte de biographie romancée de Jean Seberg. L'icône de la Nouvelle Vague dont le « New York herald Tribune ! » résonne dans l'éternité, la belle épouse de Romain Gary et leur histoire romantique, la fragile femme détruite par ses combats idéologiques, sa dépression et sa paranoïa dans les années 70.

Marie Charrel me regarde en souriant, débitant ma leçon d'un air enthousiaste et infatué, fier de mes idées reçues et de mes certitudes sur le sujet. Elle me fait comprendre que ce n'est pas exactement ça qu'elle a fait. Qu'elle a voulu faire un pas de côté. Qu'elle a voulu se servir de cette femme tourmentée et profondément intelligente, lui rendre sa dignité et son intégrité, ne pas en faire la créature d'A bout de souffle ou celle de Gary, mais dépeindre à travers des scènes fortes, sa portée politique et historique. Et grâce à elle, éclairer le présent.

Elle me parle des Black Panthers, à qui l'actrice fut associée. A l'image de Marlon Brando ou de Jane Fonda, cette radicalité qui était la conscience politique des années 70 et incitait des artistes en vue à soutenir ce genre de combat. La volonté du FBI à noyauter ces groupes, les discréditer et briser l'élan qu'ils pouvaient créer pour ne pas remettre en cause le monde tel qu'il était et tel qu'il ne tournait pas rond.

Le souvenir de cette conversation m'a frappé à la lecture. de cette rencontre incroyable où, passé l'embarras, on s'était mis à refaire le monde comme deux insoupçonnables utopistes, planqués dans ce café près des Halles. Ça aurait presque pu être une scène de son roman, une continuation. Car cet ouvrage ne parle pas vraiment de Jean Seberg. Mais de la force de ses convictions. de sa volonté à changer le monde, à se confronter à son impitoyable violence, à ses inégalités, à son racisme et à ses injustices.

L'histoire s'ouvre avec Elizabeth, une grand mère au coeur de Paris en 2016. Elle a connu tous les combats qui ont marqué la France des années 60. D'abord contre la guerre d'Algérie et dans les manifestations terriblement réprimées par Maurice Papon. Elle y a perdu un être cher. Elle a émigré aux Etats-Unis. Elle a fini par se joindre à la radicalité d'alors. Jusqu'à se joindre aux Black Panthers.

On ne le sait pas d'emblée. Son petit fils Alexandre a disparu. Elle est sa confidente. Les parents du jeune homme craignent qu'il ne se soit radicalisé, tant leur fils est idéaliste et exalté. Il a disparu. Les profils de ses réseaux sociaux sont nets, presque trop. On craint le pire. C'est à travers la recherche de son petit-fils que le passé d'Elizabeth va ressurgir en des flash-backs fulgurants comme des époques dont le souvenir revient soudainement. Les temporalités qui se mêlent finissent par tisser une trame. L'éternel retour des combats sans cesse à mener. L'urgence du présent et des questions qu'il ne cesse de ressasser à une humanité oublieuse de ses racines et de ses devoirs. le chemin d'Alexandre et sa prise de conscience en face des migrants et le sort terrible qui leur est fait, entre en résonnance avec la trajectoire passée de sa grand-mère.

On pourrait croire à un prétexte, un artifice pour approcher Jean Seberg. Ce n'est pas le cas. L'apparition de l'actrice dans la vie d'Elizabeth à Lausanne, dans un hôtel dans les années 70 ressemble à celle d'un choeur antique. Partageant le deuil inconsolable d'un nouveau né, les deux femmes vont se lier d'une amitié intense et évidente, lors de trois nuits d'ivresse où elles vont chacune profondément explorer leurs blessures. Leurs convictions. Leurs déceptions aussi.

Les héros charismatiques auxquels on emboite le pas peuvent n'être que des manipulateurs narcissiques. Et à combattre le système, il peut menacer tout ce qui vous est cher qu'il prenne les traits hideux de J. Edgar Hoover, ou celui tout aussi monstrueux de ces pays qui ferment leurs frontières à des gens en détresse pour ne pas contrarier le racisme ordinaire et la « connerie » (pour reprendre le mot de Romain Gary évoquant la haine des noirs aux Etats-Unis) de leurs opinions publiques.

Il y a des auteurs qui savent saisir le souffle d'une époque, des forces souterraines qui la conditionnent. Des gens comme Gaelle Nohant. Ces gens qui rendent l'histoire frissonnante, palpitante, à fleur de peau et sous le voile très fin et très superficiel du présent. Marie Charrel fait dialoguer les obsessions du présent avec celles du passé. On a la sensation d'un temps retrouvé, des questions qui imposent leur cohérence et leur urgence. Des bégaiements de l'histoire comme on les a assez rarement aussi brillamment exprimés. Pour autant, elle est avant tout une impressionnante force romanesque qui transcende tous les motifs qui nous pousseraient d'abord vers elle.

J'étais intéressé par tout cela, ces combats, ces icones, on avait en commun pas mal d'obsessions. Une amitié de mots extrêmement forte, une complicité impressionnante, comme elle me l'a dit dans sa touchante dédicace. Je ne m'attendais pourtant pas à pareilles tempêtes et à autant d'enjeux, un regard d'une si grande profondeur posé sur notre monde, sa violence, les forces contradictoires qui le tourmentent et les démons et le chaos qui le menacent depuis si longtemps. Dans cet ouvrage il y a tout ça.

Et l'envie de combattre au delà de la colère et de la révolte légitimes, pour qu'un peu d'humanité, un peu de lumière et un peu d'espoir nous permettent de continuer à aimer nos lendemains.
Lien : http://www.nicolashouguet.co..
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J'ai découvert cette auteure avec son précédent roman « Je suis ici pour vaincre la nuit ».

C'est donc avec grand plaisir que je l'ai retrouvée ici. Si l'univers change complètement dans ce roman, Marie Charrel mêle à nouveau avec grand brio l'Histoire à l'histoire.

Elisabeth a des origines algériennes par sa mère et afro-américaine par son père. Si elle est aujourd'hui une vieille dame rangée, elle a toujours été engagée politiquement.

Elle vit à Paris et voit très régulièrement son petit-fils Alexandre avec qui elle a tissé des liens affectifs très forts. le jeune homme sait qu'il peut tout dire à sa grand-mère. Aussi quand quelques mois après les attentats du 13 novembre 2015, le jeune homme disparaît, Elisabeth ne comprend pas. Surtout que les éléments trouvés dans sa chambre laissent à penser qu'il aurait pu rejoindre la Syrie.

La vieille dame fera tout pour entrer en contact avec lui par email et se décidera à lui raconter, ce qu'elle a toujours tu à son propre fils : son engagement politique et activiste auprès des Black-Panthers et ce qu'a été sa vie pendant toutes ces années là.

Ce roman est passionnant car il confronte les points de vue des deux personnages principaux.

D'un côté, il y a Alexandre, jeune métis, sidéré par les attentats et qui prend tout à coup conscience de sa couleur de peau : » Désormais, les gens me considèrent comme un musulman potentiel et se méfient de moi. Dans le métro, dans la rue, les magasins, le regard des inconnus s'arrête sur moi un peu plus longtemps qu'il y a un mois. La différence est subtile mais elle est bien là et c'est insupportable. le regard des Parisiens traîne sur mon visage une demi-seconde de plus qu'avant le 7 janvier 2015 parce qu'ils me jaugent… (…) Ils étudient mes cheveux frisés mais pas crépus. Ils sondent mes origines : Antilles Françaises ? Passe encore. Maghreb ? Plus dangereux. »

De l'autre côté, Elisabeth s'est engagée très jeune dans la lutte et l'a payé très cher dans sa vie privée. Elle nous raconte comment le début de la guerre d'Algérie en 1954 l'a poussée à militer puis à faire partie des Black Panthers.

Tout le génie de l'auteure est de nous faire comprendre de façon très documentée et fouillée toute cette période, comment les événements se sont déroulés, leurs tenants et leurs aboutissants, sans jamais ennuyer son lecteur. Bien au contraire.

Elle aborde dans la dernière partie le sort actuel réservé aux réfugiés , la problématique de ceux partis faire la guerre aux côtés de Daech désireux de revenir en France.

Je ne me suis pas ennuyée une seule minute à la lecture de ce livre. Au contraire, j'ai eu le sentiment d'avoir compris beaucoup de choses. Ce roman est passionnant.

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Marie Charrel brillante journaliste et auteure talentueuse nous a déjà conquis avec ses précédents livres.

Personnellement j'apprécie cette écrivaine pour sa plume mais aussi pour sa personnalité et ses convictions.

Ce nouveau roman était pour moi attendu.

« Une nuit avec Jean Seberg » va au-delà de toutes mes attentes, c'est une perle rare.

Une fiction certes mais tellement bien documentée et captivante que la plongée dans l'histoire est totale, impossible d'en émerger.

Elisabeth et les quatre générations de sa famille sont le portrait d'un siècle, le portrait « des possibles ».

Marie Charrel nous fait voyager dans le temps, les époques changent mais le lecteur n'est jamais perdu, tout a un sens, tout se tient.

Lisa est métisse: son arbre généalogique inclus des origines algériennes par sa mère et afro-américaines par son père.

Après les bouleversants événements du 8 février 1962 à Paris et la mort de son jeune ami Daniel ( Inspiré par Daniel Fay militant communiste mort à 16 ans lors de la dramatique manifestation qui est décrite dans le livre ) une rage immense commence a envahir la jeune fille.

J'ai pensé en lisant cette partie du livre à la chanson italienne de Francesco Guccini La locomotive : « …peut être une rage ancienne, générations sans nom qui crièrent vengeance et lui aveuglèrent le coeur, il oublia la bonté et égara sa pitié … ».

Notre Elisabeth vivra dans cet ouvrage beaucoup d'épreuves dans ses années de jeunesse quand la force de l'âge se confond avec les certitudes et sera troublée et changée par sa rencontre avec Jean Seberg en 1970.

Un corps plus fragile mais toujours une force d'esprit hors du commun, elle est prête, quand son petit-fils Alexandre disparaît, à replonger dans le passé pour réparer le présent.

Elle s'éveille comme Paris ( magistrale description du Paris nocturne et matinal page 108 du livre qui fait écho à la chanson « Paris s'éveille » de Jacques Dutronc ).
J'ai eu, jeune étudiante, la chance de rencontrer Ethel Kennedy, femme de Bob Kennedy qui venait parler d'une biographie dédié à RFK « le rêve brisé ». Elle nous a expliqué que très souvent images du passé et événements du présent lui semblaient se superposer tout comme pour Elisabeth qui rue Charonne ne peut que se revoir à 15 ans lors de sa première participation à une manifestation. Ethel a continué le combat De Robert contre la peine de mort et soutenu Barack Obama.

Paul Beatty auteur afro-américain vainqueur du Man Booker Prize en 2016 écrit dans Moi contre les États-Unis d'Amérique : « C'est le problème avec l'histoire, on se plaît à penser que c'est un livre – qu'on peut tourner cette page qui nous hante et passer à autre chose. Mais l'histoire n'est pas le papier sur lesquel on l'imprime. L'histoire c'est la mémoire, le temps, les émotions, une chanson. L'histoire c'est ce qui te colle à la peau ».

Son amie Jean, la confidente de quelques nuits, colle à la peau d'Elisabeth et l'accompagnera tendrement tout au long de sa vie.

J. est engagée politiquement mais sa fragilité la conduira dans une inexorable descente aux enfers.

Romain Gary le plus connus de ses époux et figure essentielle dans sa vie ne la sauvera pas, beaucoup profiterons de la belle actrice.

L'humanité qui vit toujours dans la peur de l'autre dans la crainte de la différence est aussi un fil conducteur de ce récit : éradiquer la bêtise n'est pas chose simple.

Le final que la plume de Marie Charrel nous offre est sublime mais évidemment je vous laisse le découvrir.

Une note de l'auteure nous propose des idées d'approfondissement sur les sujets traités et cela peut être un moyen d'aller plus loin avec, comme le ferait Elisabeth, une pensée pour J.

« Une nuit avec Jean Seberg » sortira le 20 septembre et je vous le conseille vivement, c'est un énorme coup de coeur.

Les madeleines après cette lecture ne vous feront plus penser uniquement à Proust.
Lien : https://blog.lhorizonetlinfi..
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
Paris, 21 juillet 2016

Confrontés pour la première fois au démon de l'heure noire, le sombre succube tirant les âmes fragiles du sommeil pour les jeter dans les affres hallucinés de l'errance nocturne, la plupart d'entre nous se consolent en allumant la lumière, en comptant les moutons, ou en avalant un somnifère. Elisabeth Robinson préfère le whisky.
Elle déteste ces minutes suspendues entre nuit et jour où la ville cesse de respirer. Ces instants où plus aucune règle ne tient, si bien qu'il n'est pas exclu de croiser l'un de ces fantômes blafards quêtant la chaleur des corps. A son age, Elisabeth a tout essayé pour chasser le démon de l'heure noire. La lumière, le somnifère et les moutons sont pour les néophytes. Lorsque l'on atteint un stade aussi avancé que le sien, la lutte requiert les armes de l'unique chance. Pour Elisabeth, il s'agit d'un verre d'Ardbeg écossais. Les volutes de tourbe marine chassent la créature sombre plus vite que la goétie d'une sorcière vaudoue.
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Jamais il ne lui viendrait à l'esprit de tout quitter pour retrouver la terre de nos aïeux. Lorsque je l'interroge, il perd patience et change de sujet. Il est convaincu que l'on peut se construire en se tournant uniquement vers le futur. Il a tort. Chaque fois que je regarde mon visage basané dans le miroir, je vois tous les ancêtres noirs et arabes se tenant derrière moi. Ils sont les fantômes qui hantent mes pas. Je suis leur prisonnier.
« Mon arrière-grand-père était un juif d'Algérie. Il s'appelait Simon. Il a épousé Lalla, une musulmane. Pas simple, tu imagines. Ma grand-mère Assia est née à Alger. Après la guerre, ils ont débarqué tous les trois à Paris. Un beau bordel. David me dévisage comme si je lui révélais cette information pour la première fois. Puis il sourit d'un drôle d'air. Je poursuis :
- J'aurais pu me sentir juif si j'avais été blanc. Le regard des autres me force à me sentir musulman parce que je suis basané. C'est con, n'est-ce-pas ? À quoi ça tient.
- Oui, tu aurais pu te sentir juif, comme moi je me sens juif : parce que le nom que je porte laisse peu de doute sur le sujet. Je n'ai pas le choix non plus. Même si je suis athée.- On peut être juif et athée, on peut être arabe et athée, mais va expliquer ça à ces tarés. Tu sais ce qui me rend dingue ? Entendre parler de « musulmans modérés », en opposition aux fondamentalistes. Comme si il n'y avait rien entre les deux. Bonjour les nuances. Ça ne présage rien de bon.
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Le problème noir aux Etats-Unis pose une question qui le rend pratiquement insoluble : celui de la Bêtise. Il a ses racines dans les profondeurs de la plus grand puissance spirituelle de tous les temps, qui est la connerie. (Romain Gary)
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J. avec qui je viens de passer la nuit. J. que je connais à peine, et pourtant...On n'a pas tous les jours la chance de croiser les pas d'un ange. De respirer son parfum en récitant des incantations secrètes dans l'espoir que le temps se suspende, comme si vivre dans le sillage de ce séraphin à la peau de nacre permettait d'échapper au monde, de frôler rien qu'une seconde le refuge céleste. Si ce n'est pas un malentendu, Reggie est un monstre. Pis encore : si je saisis bien les mots couchés sur ce bout de papier, le combat auquel je me consacre à coeur perdu depuis des mois, trop pressée de réparer les erreurs de nos pères, n'aura été qu'une illusion. Je me sentais de marbre. J. a fait trembler mon corps comme celui d'une brindille balayée par le vent. J'imaginais avoir tout vu, tout vécu, expérimenté l'homme. J. a descellé mes paupières et semé la vie sur min coeur stérile. J'étais convaincue de tout savoir. J. a révélé que je ne savais rien, et cette découverte a ramené la chaleur là où le froid avait tout détruit.
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Mais il ne faut pas se voiler la face : le pacifisme a échoué. Les tentatives d'intégration n'ont servi à rien. Pendant un temps, les intellectuels algériens ont imité les Français. Ils sont allés dans les mêmes universités, ont lu les mêmes livres et ont expliqué à Paris pourquoi il fallait accorder l'égalité à leur peuple. Mais ça n'a pas fonctionné, vus savez pourquoi ? Parce que la colonisation, c'est d'abord l'exploitation des ressources. L'exploitation des ressources, c'est le capitalisme. Le capitalisme, c'est la domination. Dans ces conditions, impossible d'obtenir l'égalité ou la liberté en discutant gentiment autour d'une table. La seule solution, c'est les armes. La violence pour atteindre la liberté. C'est ce que le FLN a fait en Algérie, et il a obtenu l'indépendance.
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Les Éclaireurs de Dialogues, le podcast de la librairie Dialogues, à Brest.
Dans cet épisode, nos libraires du rayon littérature, Julien, Rozenn, Laure et Nolwenn, vous livrent leurs premiers coups de coeurs de la rentrée de janvier 2024.
Voici les romans conseillés dans cet épisode :
La Fille de Lake Placid, de Marie Charrel (éd. Les Pérégrines) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23109440-la-fille-de-lake-placid-marie-charrel-les-peregrines ;
Ceux qui appartiennent au jour, d'Emma Doude van Troostwijk (éd. Minuit): https://www.librairiedialogues.fr/livre/23012111-ceux-qui-appartiennent-au-jour-emma-doude-van-troostwijk-les-editions-de-minuit ; 
Du même bois, de Marion Fayolle (éd. Gallimard) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22871516-du-meme-bois-marion-fayolle-gallimard ;
Mon nom dans le noir, de Jocelyn Nicole Johnson (éd. Albin Michel) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23047285-mon-nom-dans-le-noir-jocelyn-nicole-johnson-albin-michel ; 
Une simple intervention, de Yael Inokai (éd. Zoé) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23113442-une-simple-intervention-yael-inokai-zoe ; 
La Langue des choses cachées, de Cécile Coulon (éd. L'Iconoclaste) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23140391-la-langue-des-choses-cachees-cecile-coulon-l-iconoclaste ; 
Arctique solaire, de Sophie van der Linden (éd. Denoël) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22914881-arctique-solaire-sophie-van-der-linden-denoel ; 
Kintsugi, d'Isabelle Gutierrez (éd. La Fosse aux ours) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23109315-kintsugi-isabel-gutierrez-fosse-aux-ours.
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