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La légende de l'ours esprit

Une photo. Un portrait de femme en kimono. Hannah est chamboulée. Elle vient de reconnaître sa mère sur ce cliché déposé sur le palier de sa porte par un inconnu.
Hannah s'est refugiée il y a plus de dix déjà dans une maison inaccessible sur les hautes terres au creux d'une vallée protégée par des montagnes aux flancs escarpés. Presque personne ne sait qu'elle vit ici.
Cette photo ravive de nombreux souvenirs qui dévalent avec la force d'un torrent démentiel sur une quiétude chèrement acquise après une vie très chaotique.
Car Hannah revient de loin, de très loin. Jack, le creekwalker qui veille sur les forêts fleuves de la Colombie-Britannique, l'a retrouvée un jour inconsciente et griffée par un animal qui n'existe que dans les légendes autochtones. Un ours blanc.
Avant de déposer cette photo, l'inconnu a attendu de longues minutes devant une porte restée close. Il est ensuite reparti en faisant la promesse de revenir dès le lendemain...

Ce roman en forme de patchwork entremêle de manière époustouflante la fresque historique avec la magie des contes et légendes.
Une histoire sauvage, imprégnée par des histoires amérindiennes et nippones fabuleuses, qui ne s'apprivoise qu'au fil des pages et qui évoque en même temps la difficile situation vécue par les Japonais et les Canadiens d'origine Japonaise au Canada durant la première partie du vingtième siècle.

Les mangeurs de nuit, petites lucioles qui illuminent les contes japonais, brillent dans ce récit telles des lanternes au milieu des ténèbres en sauvant de l'oubli ceux qui sont partis bien trop loin.
Fantastique !

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L'histoire s'ouvre sur un éventail de situations aussi disparates qu'étalées dans le temps : Hannah subit l'attaque d'un ours, Aïka aspire à un avenir radieux sur le bateau qui l'amène en Colombie britannique à la rencontre de son futur mari, tandis que Jack écoute la forêt en compagnie de son chien.

Quels liens futurs ou passés unissent ces personnages aussi différents, avec pour seul point commun le lieu qu'ils foulent de leurs pas ? Il faudra revenir sur le passé d'un pays qui, après avoir écrasé de son mépris les populations amérindiennes jusqu'à les anéantir, s'en est pris aux japonais exilés, dont la communauté a subi les mêmes pressions et s'est vu privée peu à peu de ses droits les plus élémentaires.

Tous ces destins éprouvés par les sursauts de l'Histoire, sont incarnés par des personnages extrêmement attachants, dont le courage et la pugnacité forcent l'admiration. Si les malheurs répétés les ont incités à vivre en solitaire , ils n'en restent pas moins profondément humains et respectueux de la nature, ayant compris que seul le respect n'authentifiera le pacte tacite d'entraide mutuelle qui permettra la survie.

S'y ajoute le charme des légendes amérindiennes, contées au chevet des enfants, pour le plus grand plaisir du lecteur.


L'écriture est somptueuse, les descriptions de paysage font appel à tous les sens, avec une érudition qui transparaît dans des termes pointus (pétrichor, empyreume) et les mots hérités du joual apportent un exotisme qui allège le propos.


Magnifique histoire de destins fragilisés par la folie des hommes, ce roman est une très belle découverte de cette autrice que je n'avais pas lue jusqu'ici.

304 pages L'Observatoire 4 janvier 2023
Sélection Prix Orange 2023

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Contes des amérindiens Tsimshian d'une part et contes nippons d'autre part, Marie Charrel part à l'assaut de rêves peuplés des créatures fantastiques et d'une nature sauvage, prolifique et mystérieuse.
Dans les pas de Jack, creekwalker en Colombie-Britannique chargé du comptage du nombre de saumons dans les rivières. Des pas solitaires pour cet amoureux de la nature, qui, s'il l'écoute et la comprend mieux que personne, a des difficultés à communiquer avec les siens, en particulier sa belle-mère et son frère qu'il n'a pas réussi à dissuader de partir faire la guerre.
Des années 20 aux années 50, sur les ailes d'Aika, une picture bride, une jeune-fille japonaise de dix-sept ans, que son futur mari canadien a choisi sur une photo. Quelle humiliation à la descente du bateau de découvrir que celui qu'elle imaginait jeune et riche est en réalité un homme pauvre qui a menti sur son âge en envoyant une photo datée de quinze ans.
Ce roman raconte le destin de ces immigrés japonais, isei pour Aika (la première génération), nisei pour Hannah sa fille (la deuxième génération) en Colombie-Britannique, qui ont subi racisme, humiliations, privations de libertés.
J'ai découvert tout un pan de l'histoire qui m'était inconnu ; plus de vingt et un mille japonais et canadiens d'origine japonaise ont été internés dans des camps au Canada pendant la seconde guerre mondiale.
Ce récit s'est révélé enchanteur pour toutes les histoires et croyances transmises, en particulier celle du Moksgm'ol, l'ours esprit, ours blanc car porteur d'un gène rare, animal totem des Gitga'at, l'un des peuples tsimshian.
J'ai regretté cependant que l'autrice fasse d'inutiles allers-retours dans le passé, car s'ils ne nuisent pas à la compréhension du récit, ils l'alourdissent inutilement.
Des visions oniriques, des animaux fantastiques, une nature sublimée, des hommes perclus de violence et de haine, des femmes soumises qui se révèlent guerrières, tous les ingrédients d'un conte narré au coin du feu dans une petite maison de pierre perdue au fond des bois. Merci à Marie Charrel pour ces poétiques et terrifiantes histoires mêlant avec subtilité les petites et la grande.

« -Mon père aimait les histoires lui aussi, dit-elle après un long moment. Ma mère ne comprenait pas. Lui disait qu'elle ne les entendait pas pleurer.
-Qui ?
-Les histoires. Mon père affirmait qu'elles sont des filles du vent, pareilles à de petites fées errant dans l'immensité du ciel, perdues, jusqu'à ce qu'elles rencontrent un conteur disposé à les libérer par ses mots.
- C'est une belle histoire sur les histoires.
- Il aurait aimé celle des Tsimshian. Il est mort avant d'avoir pu me raconter toutes celles qu'il portait en lui. »
(p.190)
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Au début du XXème siècle, les “picture bride” affluent au Canada. Ces japonaises qui ont quitté leur pays et traversé l'océan dans l'espoir d'une vie meilleure, ne connaissent de leur futur mari que la photo qu'on leur a montrée et la lettre qui l'accompagnait... Comme pour Aika, nombre de ces mariages arrangés commencent ainsi par une désillusion. Choc des cultures, déracinement, mari décevant, situation misérable, le rêve s'effondre très vite pour laisser place à une réalité toute autre, dans laquelle l'intégration est presque impossible tant le racisme est omniprésent. Mais le pire est sans doute pour la génération qui suit, à laquelle appartient Hannah, née au Canada mais qui ne parvient pas à s'intégrer et ne se reconnaît pas pour autant dans la culture japonaise… Alors, quand le Japon devient l'allié des allemands dans la guerre, la peur et la haine se libèrent et les immigrés deviennent des cibles toutes trouvées. Mais, quel est le lien entre Hannah et Jack, ce creekwalker taiseux, élevé au coeur de la nature par une belle-mère amérindienne et bercé par ses légendes et ses croyances?

Pour le découvrir, il vous faudra plonger dans ce fabuleux roman qui dresse avec justesse le portrait passionnant d'une époque et d'une communauté. le sujet m'a au début fait penser au magnifique roman de Julie OtsukaCertaines n'avaient jamais vu la mer” qui décrit, à travers de nombreuses voix de femmes, la traversée de ces japonaises vers les Etats-Unis, leurs rêves, leurs espoirs et la désillusion qui s'ensuit. Mais passée cette première partie sur l'immigration, on pénètre dans un roman tout autre, plus sauvage, plus troublant, plus proche d'un récit de Jack London ou de Laura Kasischke et dans lequel les sensations et l'osmose avec la nature et avec ce qui nous entoure prennent le pas sur les mots. le roman s'ancre alors au coeur de la forêt canadienne, dans des paysages recouverts de neige et bercés par le bruit des torrents et le souffle du vent dans la cime des arbres. Une nature sublime et dangereuse, qui cache en son sein des créatures redoutables, gouvernées par leurs instincts… Un monde à la vie rude, bien souvent solitaire, mais qui offre la grâce à qui sait la recevoir.

Le texte est prenant, parfaitement rythmé par les allers retours entre les époques. On oscille sur près de 50 ans, avide de découvrir les événements qui ont conduit nos personnages à cette rencontre improbable. Les liens se tissent, les protagonistes se révèlent à nous, mais surtout à eux-mêmes. La langue de Marie Charrel est de toute beauté, ses mots vibrent et résonnent à travers les légendes et les croyances qui nous sont contés. Impossible de ne pas succomber au charme de cette mythologie, à sa puissance évocatrice et à ce qu'elle dit de ce que nous sommes. C'est beau, c'est intense et c'est avec une pointe de regrets que l'on referme cette histoire… Une magnifique découverte!
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Premières pages : une jeune femme se fait attaquer par un ours blanc en Colombie Britannique. Il sera mis en doute plus loin que les ours blancs n'existent pas dans cette partie du monde. L'explication ne viendra jamais. Ormis cette petite contrarié, le reste m'a bien plu et surtout cette belle rencontre, sans sexe, de deux êtres si différents, une chinoise et un amérindien, une soignée et un soigneur. Deux êtres qui ont souffert du racisme et de l'exclusion. Ces deux taiseux vont s'ouvrir en se côtoyant. Révoltant de découvrir ce pan de l'histoire où on a fait venir des nippones au Canada par l'intermédiaire de lettres pour les exploiter puis les persécuter. de belles légendes amérindiennes nous sont contées. La nature y est sublimée. À découvrir.
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Les mangeurs de nuit sont, dans la mythologie des Issei (ces japonais nés au Japon mais ayant émigré à l'étranger, mais c'est aussi le prénom du célèbre couturier et du cannibale qui n'ont rien à faire dans notre histoire), de grosses lucioles un peu féériques.
Elles sont, en quelque sorte, au centre du récit de Marie Charrel.
La chronologie de celui-ci s'étend de 1926 à 1956 mais, comme se serait trop facile, alors on commence "in ultima res" puis on analepse puis "in médias res" puis on analepse et ainsi de suite...mais le récit est particulièrement fluide, on se perd juste comme il faut...
Nous allons donc suivre les destins croisés de deux individus singuliers, atypiques, solitaires et parfois solaires quelque part entre Vancouver et la Grande forêt pluviale.
Sans trop rentrer dans les détails, ce serait trop dommage:
- Il y a Hannah, fille d'AÏka qui a traversé le pacifique pour rejoindre un époux dont elle n'a vu que la photo. C'est le sort de milliers de japonaises précaires(les "picture brides") qui se marient par correspondance à des immigrés japonais de Colombie britannique, supposément riches.
-Il y a Jack dont la belle-mère Ellen (qui l'a élevé) est une Gitga'at, une autochtone.
Hannah et Jack, pour des raisons différentes vont être ostracisés, stigmatisés.
Hannah connaitra la vindicte, l'exil, les camps de réfugiés : il y a eu Pearl Harbour bien sur, mais le racisme anti-"jaune" pré-existait.
Jack, orphelin de mère a un demi-frère (qui a du sang indien donc, j'espère que je ne vous ai pas perdus!) Mark. Ce dernier sera, comme beaucoup de natifs, christianisé de force dans les internats de l'horreur.
Jack est un creekwalker, un patrouilleur qui recense le nombre de saumons de sa zone de responsabilité.A la fois névrosé, autiste et timide, Il évoluera vers une symbiose sylvestre pour devenir une sorte d'anachorète de la forêt.
Evidemment Jack et Hannah vont se rencontrer, se percuter de plein fouet, et changer le tracé de leurs vies:
"Guérir serait revenir à l'état initial. On n'efface pas de telles blessures ; on plonge dedans, on s'immerge dans la douleur et l'obscurité jusqu'à les traverser. Lorsque l'on est passé de l'autre coté, seulement alors, on peut recommencer à marcher"
Marie Charrel nous livre un texte très inspiré, qui relève du "Nature writing" et de l'épopée chamanique. Il y a une sorte d'hybridation de Pete Fromm et de Nastassjia Martin.
On s'indigne bien sur de toutes ces haines xénophobes mais on s'émerveille devant ces résiliences déroutantes, semi-magiques qui tiennent beaucoup des contes et légendes indiennes et japonaises (Tsimshian et Issei donc) .
L'autrice raconte les mythes fondateurs de peuples que tout éloignent mais que tout rassemblent à l'intérieur des récits fondateurs.
C'est beau, troublant, exotique, rythmé mais il m'a manqué un poil d'émotion pour m'attacher vraiment aux protagonistes. Ce n'était d'ailleurs peut-être pas l'intention de Marie Charrel...
Hannah et Jack deviennent des personnages d'anthologie qui s'éloignent inexorablement du lecteur.
Restera le Moksgm'ol, l'ours esprit, qui prend parfois la forme d'un gros nounours blanc, fantomatique et omniscient.
Une lecture déroutante, étrangement rayonnante.
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Jack, Hannah et l'ours blanc

Dans son magnifique septième roman, Marie Charrel revient sur un épisode oublié de l'histoire canadienne, la chasse aux immigrés japonais avant et surtout après la Seconde guerre mondiale. Un Récit initiatique enrichi de contes et légendes.

Aika a 17 ans quand elle part pour le Canada. Elle est une «fiancée de papier», promise à partir d'une photo à un Issei. C'est le nom que l'on donne à la première génération des immigrés japonais. Son mari lui a fait miroiter une situation aisée de pêcheur, mais une fois débarquée à Vancouver, elle va vite déchanter et va finalement épouser un pauvre bûcheron dont le seul trésor sont les légendes nippones qu'il ne va cesser de transmettre, en particulier à sa fille Hannah. Quand il meurt, Aika ne sait comment elle va survivre dans un environnement de plus en plus hostile. «J'ignore ce que je ferai de toi plus tard: aucun homme ne voudra prendre pour épouse une fille des bois. Les lucioles, les fourmis, les arbres: tu es comme ton père. Tu racontes trop d'histoires.»
Face à la montée de l'intolérance, aux actes racistes et à la multiplication des lois promulguées à leur encontre, Hannah se sent perdue. Elle n'est pas faite pour ce monde. «Elle ne comprend pas que ni la politesse, ni l'humilité dont les Japonais font preuve ne les protégera contre la sauvagerie prête à s'abattre sur eux.» Avec Aika, elle est brutalement chassée de Vancouver et doit rejoindre le camp de Greenwood. C'est de là qu'avec trois compagnes, elle va décider de fuir. S'enfonçant dans la forêt, elle va se retrouver nez à nez avec un ours blanc.
Quand elle se réveille, Jack lui explique qu'elle a été blessée et qu'il l'a retrouvée inconsciente. Tout en soignant la jeune fille, ce creekwalker, c'est-à-dire un agent chargé par le gouvernement de recenser le nombre de saumons dans sa zone pour définir les quotas de pêche, découvre qu'elle est «habitée», qu'elle est pourvue de dons surnaturels transmis par «l'ours esprit».
Dès lors, c'est ce couple très particulier, l'enfant élevé par une amérindienne de la nation Gitga'at, devenu ermite après la mort de son demi-frère à la guerre qui vit désormais seul dans la forêt avec ses chiens et cette Nisei, c'est-à-dire une Japonaise de la seconde génération, née au canada et nourrie de contes nippons qui va chercher à se construire en se nourrissant de leurs cultures respectives et en communiant avec la nature. «On accueille les histoires puis on les libère en les racontant, de façon à ce qu'elles réparent d'autres que soi.»
Marie Charrel, à l'instar d'Hannah, a compris que face à la fureur, à la haine, au deuil et au martyre, il n'y a qu'un seul remède, les mots.
«Voilà ce qu'elle doit faire: écrire leurs histoires à tous avant qu'elles ne s'évaporent ; l'histoire d'Aika, d'Hatsuharu, des semeurs d'espoir et des mangeurs de nuit, du petit prince et des hommes-saumons ; celles des Issei, des Nisei, de Greenwood et les légendes tsimshian. Les contes des mondes engloutis. (…) Elle récoltera les bribes de vie, les reflets au bord du chemin et les éclats d'étoile, puis sèmera les mots. (…) Elle sera la femme-esprit, la femme-mémoire, plus tout à fait humaine – un peu de l'ours est entré en elle. Une créature ni d'ici, ni d'ailleurs. Un pont entre les mondes. » Laissez-vous porter par ce roman initiatique à la construction audacieuse, qui oublie la chronologie au bénéfice des émotions, et découvrez derrière ce morceau d'histoire peu glorieux – le gouvernement canadien attendit 1988 pour présenter des excuses officielles et dédommager les survivants – l'une des oeuvres les plus romanesques et les plus riches de 2023.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Je ne souviens plus qui a écrit cette chronique dithyrambique, lue sur les réseaux, qui m'a décidé à me lancer dans ce livre. Mais, je souhaite avant tout le remercier et je suis ravi d'avoir suivi ces conseils avisés.

« Les mangeurs de nuit » nous raconte le destin d'exilées japonaises arrivées sur le sol canadien dans l'espoir d'un avenir meilleur. Se situant entre deux périodes, le récit retrace le sort qui a été réservé à ces immigrés avant, pendant et après la seconde guerre mondiale.

Cette aventure montre qu'en période de conflit ou de crise, les pays se referment sur eux-mêmes et les étrangers sont toujours les premiers coupables désignés. Ces personnes en quête d'intégration se retrouvent montrées du doigt et stigmatisées, souvent de manière violentes. Ancré dans L Histoire, cette aventure a le mérite de nous ouvrir les yeux sur ces évènements dramatiques qui ont eu lieu en Amérique du Nord à cette époque.

Outre son côté enrichissant, ce texte est une pépite parce qu'il m'a émerveillé de bout en bout, sur le fond comme sur la forme. La langue de l'écrivaine est magnifique. Ces mots ont le pouvoir de transcender la nature et les hommes qui l'habitent. Les descriptions du décor sont de toute beauté au point d'en devenir presque charnelles. On s'attache aux personnages, esprits brisés débordants d'humanité.

Saupoudré de croyances indigènes et japonaises, cette fresque familiale et historique est un vrai régal de lecture. Je suis passé par toutes les émotions, ébranlé par la dualité de l'Homme, capable de la pire cruauté comme de la plus belle fraternité.

Je ne connaissais pas Marie Charrel mais je peux l'affirmer haut et fort : elle a un talent exceptionnel, que vous devez absolument découvrir ! Elle nous offre avec son deuxième roman, une histoire bouleversante dont je ne suis pas sorti indemne. Un livre d'une grande puissance littéraire, comme on en lit peu !
Lien : https://youtu.be/WfO9w8gic58
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Ode à la nature mais surtout ode à la vie plutôt qu'à celle de la seule beauté physique.

Marie Charrel, journaliste et écrivaine, est publiée depuis 2010 mais je n'avais lu aucun de ses précédents romans. Celui-ci a donc été une belle découverte d'autrice toute en rondeur. Les thèmes qu'elle aborde ici sont empreints de cette empathie qui manque souvent à l'humanité vis-à-vis de l'imperfection.
Sa description des paysages est si fine, si douce que même celui qui n'est pas un amoureux fou de la nature le deviendra au fil du livre. Les paysages, la faune et la flore en général, font partie intégrante du récit. Sans eux ce roman n'aurait certainement pas cette profondeur. Au travers de la beauté entourant les personnages principaux, Marie Charrel les rend quelque part plus beaux, plus intenses. La nature va, à sa manière, jouer un rôle dans la guérison d'Hannah et Jack.

L'incipit relate un fait dramatique, une jeune femme attaquée par un improbable ours blanc et entrainée au fond de l'eau. Notre curiosité est immédiatement attisée.

Le récit va papillonner entre 1926, année de mariage des parents d'Hannah, 1945 année de présentation des deux personnages principaux et 1956, l'histoire et son dénouement.
En 1926, Aika, la mère d'Hannah, est, comme beaucoup de ses congénères japonaises à l'époque, attirée au Canada par une proposition alléchante de mariage. Aika, ayant un père ruiné après avoir fait fortune dans la pêche, s'est vue embarquée dans cette spirale. A l'époque, les dites fiançailles par correspondance et organisées sur simple échange de photos (réalistes ou arrangées, c'est selon), font légion. Aika va immédiatement déchanter en voyant l'homme qui l'attend à son arrivée et après un long périple en bateau en provenance du Japon. Cet homme, Kuma, deviendra le père d'Hannah. On sent dès cet instant que la tristesse fera partie du décor.

On saute ensuite en octobre 1945 en Colombie-Britanique afin de nous faire connaitre Jack, patrouilleur dans des eaux riches en saumons, ses chiens Buck et Astrée, et Mark, ce demi-frère qui génère chez lui de douloureux souvenirs.

Puis on arrive en 1956 dans une maison des Hautes Terres canadiennes où ce sera au tour d'Hannah de nous être présentée : Hannah, la jeune femme de l'incipit.
L'arrivée d'un troisième personnage va réellement lancer l'histoire.

Les drames du passé vont progressivement remonter à la surface. On va lire de belles phrases telles :
« Elle a désappris les choses simples, les relations humaines »
Ou « Ecrire, lire et marcher pour s'éloigner des fantômes ».

Et le livre se referme sur une dernière précision « Vingt et un mille japonais et canadiens d'origine japonaise furent internés durant la Seconde Guerre Mondiale dans des camps comme Greenwood en Colombie-Britanique. En 1988 seulement des excuses et des dédommagements du gouvernement. »
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Marie Charrel décrit avec une infinie poésie les arbres, le ciel et le lac, les parant d'une aura sibylline alors que des légendes amérindiennes et japonaises s'invitent dans ces pages. Celles-ci éclairent les héros d'un jour nouveau, faisant des minorités qu'ils représentent des passeurs d'histoires, des peuples à l'héritage malmené par le racisme du siècle passé. Humains, touchants, les protagonistes sont pourtant écrits d'une plume bien plus prosaïque que les mythes qu'ils relatent, que la forêt où ils vivent (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2023/03/30/les-mangeurs-de-nuit-marie-charrel/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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