Mangé par la vermine et vêtu de linge sale, Giacomo fut conduit à l'école de l'abbé Gozzi. Le digne prêtre, ému par l'intelligence et la détresse de son nouveau pupille, se prit pour lui d'une agissante amitié. L'élève fit de rapides progrès en grammaire et en latin, et étendit ses aptitudes à des disciplines moins respectables. Il volait saucisses et harengs pour assouvir sa faim dans la cuisine de sa logeuse et des œufs dans le poulailler. Ses petits larcins se révélaient pourtant insuffisants à calmer son appétit. Le génie des escrocs vola alors au secours du jeune blouseur surdoué. Il inventa une industrie jusqu'alors peu connue, mais promise à un bel avenir : le racket par intimidation.
Elle est la Vénus intacte que le péché n'a jamais souillée et que la faute originelle a épargnée, et elle abrite des enfants ingénus. La farce, le raffinement, le théâtre, l'amour y ont établi leurs tréteaux, pour rire, jouir, ne jamais mourir et s'abîmer sans fin dans la volupté. Le libertinage prend ici une saveur de rose, l'éternité est le moment de l'étreinte amoureuse et le temps qui passe n'est que l'écart entre deux baisers. Ici, pas de révolte, pas de défi à la statue du Commandeur, pas de défi à Dieu : seulement de la virtuosité, de la séduction.
Ces rares vertus familiales, Casanova les a recueillies et exaltées jusqu'au chef-d'œuvre. Il les a ciselées en professionnel d'un art magique, sans contrition, sans remords, avec la naïveté de ceux qui osent tout parce qu'ils ignorent les conventions et n'obéissent qu'à leurs désirs. De tels tempéraments ne peuvent avoir une vie unie, un caractère lisse, une carrière toujours heureuse.
La naissance de l'encyclopédie - Guy Chaussinand-Nogaret