Avec la relecture de "
La Dame à la Licorne" s'achève mon voyage sur les terres de
Tracy Chevalier, au coeur des romans que, parmi sa bibliographie, j'ai aimé à la folie et que j'aime encore infiniment.
Si "
La jeune fille à la perle" se hausse sur la troisième place de mon podium, je dois avouer que j'ai bien du mal à savoir qui, de "
La Vierge en bleu" ou de "
La Dame à la Licorne" est chez moi couronnée d'or…
"
La Dame à la Licorne", c'est bien sûr une parenthèse, une machine à remonter le temps qui nous dépose au Moyen-âge, en 1490, à l'orée du XVI° siècle et j'ai pour cette période une affection que rien n'altère jamais.
C'est aussi une plongée dans le monde de l'Art qui ausculte à sa manière, sensible et romanesque, la création d'une oeuvre fascinante que j'ai tant aimée détailler lors de mes virées parisiennes au musée de Cluny. J'aimerais pouvoir écrire que les tapisseries m'ont fascinées avant le romans, comme d'autres expliquent être tombé amoureux du livre avant d'avoir vu le film, mais ce serait mentir car ma faiblesse pour les tapisseries est bel et bien née du livre de
Tracy Chevalier...
"
La Dame à la Licorne", ce sont donc une oeuvre et une époque mais ce sont aussi et surtout des personnages subtilement esquissés, souvent poignants si ce n'est déchirants et ce que je préfère chez cette auteure: une mélancolie qui point tout au long du livre, une amertume qui survit longtemps après la dernière page, une grâce et une fragilité qui -doucement et de manière insidieuse- broient le coeur...
En filigrane se dessinent aussi et tout aussi subtilement une réflexion sur la condition féminine au Moyen-âge qu'on soit riche ou pauvre, servante ou aristocrate ainsi qu'un très beau tableau du monde méconnu et difficile des lissiers qui m'a passionnée, moi que la technique n'intéresse pourtant jamais.
C'est Nicolas des Innocents qu'on pense détestable et sur qui le destin se referme aussi, c'est Jean le Viste tellement de son époque, c'est le destin brisé de Geneviève et celui de Claude, fracassé, sacrifié… C'est
Marie-Céleste qui n'en finit pas de souffrir et dont le coeur se racornit comme peau de chagrin, c'est Aliénor et ses silences, les désirs qu'elle tait si fort et sa douleur d'être au monde telle qu'elle est, ce sont les mains et les silences aussi de Philippe, trop doux sans doute. C'est George, l'angoisse qui le tenaille.
C'est eux "
La Dame à la Licorne" et cette mélancolie éparse qui dit si bien que toutes les belles histoires ne trouvent pas de fins heureuses... Une douleur diffuse à la grâce fragile qui pour moi nimbera à jamais de son aura la salle du musée de Cluny où les Dames ont enfin trouvé un regard qui les caresse et les aime à leur juste beauté, celle du corps et celle de l'âme.