Une petite fille privilégiée (
Francine Christophe) aux éditions Pocket
C'est le deuxième livre relatant les conditions d'un enfant dans les camps de concentration que je lis le premier étant le monument hongrois d'
Imre Kertész : Un
être sans destin dont je parlerai dans une autre critique.
Francine est née en 1933, elle a à peine 6 ans lorsque le conflit débute. Elle écrira ce livre en 1967 soit à l'âge de 34 ans. Pour cela elle va utiliser ses notes d'enfant qu'elle consigne dès l'âge de 12 ans. Elle ressent déjà malgré son jeune âge le besoin de témoigner. Elle choisira lors de l'écriture de ce livre un style narratif brut de décoffrage, sans littérature comme elle se plait à l'écrire.
On peut distinguer 3 époques de taille inégales dans ce livre, l'avant camp où les contours du récit sont peu détaillés cela s'explique par son jeune âge, cette époque où elle relate des jours assez insouciants, mais aussi la capture de son père par l'armée adverse.
Ensuite la période des camps. Elle sera trimballée de camps en camps. Tout commence à Poitiers, ensuite à Drancy, suivi du camp de Pithiviers, ensuite le camp de Beaune-la-Rolande (près de Montargis) pour ensuite partir à Bergen-Belsen.
Tous ces voyages sont décrits avec de plus en plus de précision sur l'horreur qu'elle a vécu comme des millions de déportés. Une longue partie est aussi consacrée à la vie ou plutôt à sa non vie dans le camp. Cependant pendant toute cette durée, elle se sentira privilégié car le statut de son père, prisonnier de guerre lui octroi quelques « faveurs ».
Prisonnière avec sa mère dans les camps, elle va décrire sa vie sous forme d'image. Jamais on ne tombe dans le pathos. le style est enlevé toujours au présent. Cette accumulation d'image reflète la vision d'une jeune enfant dans les camps. On est pris aux tripes, on a envie de pleurer.
« On dit que la nuit, ils doivent se dévêtir, poser leurs rayés au centre de la baraque et dormir tout nus. Comme ça, on ne perd pas de temps à déshabiller les morts le matin. Les réveillés doivent enfiler le premier pantalon qu'ils ramassent devant eux. Et quand on sait à quel point la dysenterie ne se retient pas »
Le récit montre cette jeune enfant avec une certaine lucidité pour son âge.
« Mon coeur bat fort, mon coeur fat terriblement fort, parce qu'il sait qu'il va s'arrêter. Toc, mon horloge de douze ans, on va lui bloquer son balancier »
La troisième partie de ce livre relate la libération avec tout son contexte de difficultés à affronter la vie courante, le retour à la vie normale. On voit que la jeune fille a grandi, ses remarques sont plus poussées, ses réflexions plus étayées.
« Quelques déportés meurent de joie »
… « Ils mangent pendant les guerres, eux. Et ils boivent quelquefois à cent mètres d'où l'on brûle des hommes. Ils doivent bien entendre les cris, non ? » …
Non je ne suis plus de votre monde, je suis d'un monde à part, je suis du monde des camps »
On termine ce livre avec une note positive inscrite dans l'avenir, son avenir.
« Ecoutez vieux gardiens de camp qui vivez encore !
Ecoutez, je l'ai ma Victoire ; j'ai des enfants, et des petits enfants »