C'est parti pour un univers plutôt original dans la littérature de l'imaginaire.
Avec ce recueil de deux nouvelles,
P. Djèli Clark nous entraîne à La Nouvelle Orléans et Au Caire l'aube du XXe siècle. Mais l'Histoire ne s'est pas déroulée de la même manière que pour nous.
Dans la Première nouvelle, Les tambours du dieu noir, la guerre de sécession n'a pas cessé. le Sud et le Nord sont toujours en conflit et certaines parties des États-Unis sont devenues indépendantes, comme La nouvelle Orléans.
Dans la deuxième, L'étrange affaire du djinn du Caire, un savant égyptien irresponsable a réussi, près de cinquante ans plus tôt à ouvrir un portail vers un monde parallèle peuplé de créatures surnaturelles : djinns, goules, anges… Cet événement a permis à l'Égypte de se débarrasser de la présence anglaise et de devenir une des premières puissances du monde.
A ces uchronies originales, l'auteur rajoute d'importants éléments steampunk dans la première nouvelle surtout avec ces dirigeables géants qui remplacent les navires et ces machines à vapeur omniprésentes. Mais plus intéressant encore, il fait intervenir des éléments de fantasy avec ces dieux africains de la première nouvelle qui peuvent envoûter les humains et en faire des êtres augmentés en quelques sortes, genre super héros magiques. Dans la deuxième nouvelle, c'est l'essence même de la divergence uchronique qui apporte cette touche fantasy avec cette immersion des êtres issus du folklore moyen-oriental (les djinns sont les génies que nous retrouvons dans l'histoire d'Aladin par exemple).
Ce mélange uchronie-steampunk-gaslamp cajun ou oriental, comme l'a proposé BazaR dans sa critique, même si ce n'est pas totalement original, apporte un peu de fraîcheur dans la production actuelle.
Dans ces mondes construits avec intelligence, l'auteur nous embarque dans deux intrigues assez dynamiques de 90 et de 40 pages.
Les tambours du dieu noir flirte avec le roman d'apprentissage mâtiné d'espionnage et d'aventure exotique. Jacqueline La Vrille, gamine des rues de la Nouvelle Orléans est embringuée dans un complot à base d'arme terrifiante que les Nordistes ou les Sudistes veulent acquérir afin de remporter enfin cette satanée guerre de Sécession. Mais cette arme pourrait aussi détruire la Nouvelle Orléans et La Vrille, aidée de plusieurs autres femmes hautes en couleur, en lien avec une divinité africaine ancestrale qui la hante et qui peut influencer le climat (bonjour la référence à Tornade des X-Men) va tout faire pour sauver sa ville.
La nouvelle commence doucement afin de laisser le lecteur s'immerger dans ce monde nouveau pour lui et en comprendre les rouages et les mécanismes. Puis l'action s'accélère jusqu'à donner un peu le tournis à la fin. Les personnages principaux sont quasiment exclusivement féminins (là aussi, cela apporte une fraîcheur bienvenue) alors que les ennemis sont presque tous des hommes. Les unes veulent sauver quand les autres veulent détruire.
Le style est plutôt agréable mais la lecture est ralentie par l'utilisation du créole (ou du cajun) dans les dialogues. Et il faut lire de façon un peu plus concentrée pour bien comprendre tout ce qu'ils se disent. Cela fait plus « réaliste » mais je comprend que cela puisse rebuter certains lecteurs.
L'étrange affaire du Djinn du Caire est un récit plus lumineux et l'humour léger se mêle à une intrigue policière. Fatma el-Sha'arawi, agente du ministère de l'Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles enquête sur le supposé suicide d'un djinn. Plus que l'intrigue policière, l'intérêt de cette deuxième nouvelle est dans l'ambiance de cette Égypte incroyable et des personnages rencontrés. Toutefois, là encore l'action va crescendo et là encore une machination est mise à jour.
Une lecture très agréable au final. Une petite préférence personnelle pour la deuxième histoire et cela tombe bien car l'auteur a décidé de remettre le couvert dans une autre nouvelle que je vais commencer pas plus tard que tout de suite.