Philippe Claudel (né en 1962) est un de nos plus talentueux écrivains contemporains. On lui doit au moins trois livres d'une grande qualité (l'avenir confirmera si ce sont des chefs-d'oeuvre) :
Les Ames grises (2003),
La Petite fille de Monsieur Linh (2005) et
le rapport de Brodeck (2007)
La Petite fille de Monsieur Linh est un roman très court, une longue nouvelle, pourrait-on dire, mais d'une intensité telle que le lecteur en ressort abasourdi, assommé.
L'histoire est difficilement racontable si on ne veut pas, comme on dit en français moderne, "spoiler" la fin (remarquez que "divulgâcher" n'est pas plus heureux!) Sachez seulement que c'est l'histoire dramatique de Monsieur Linh et de sa petite fille Sang Diu. Chassé de son pays natal par la guerre, qui a tué toute sa famille à l'exception de la fille de son fils, Monsieur Linh, après une pénible traversée en bateau, arrive dans un pays indéterminé où il affronte l'hostilité des habitants, la méfiance envers les étrangers, le rejet de l'autre. Quelques personnes secourables lui viennent en aide, mais Monsieur Linh ne semble vivre que pour sa petite-fille et ses souvenirs. Un homme en particulier, nommé Bark, s'intéresse à lui.
Le thème du roman est très clair : il s'agit de l'exil, et de son corollaire, l'accueil dans un pays étranger. Il prend encore plus d'acuité à l'époque actuelle où les migrations de populations déplacées par la guerre et la famine se multiplient. Tout le roman se place du point de vue de l'exilé qui se raccroche à sa mémoire pour survivre. Enfermé dans son monde, il se coupe de la société, la communication devient difficile, même avec des personnes pleines de bonne volonté à son égard.
Philippe Claudel dresse un tableau pathétique de cette tragédie moderne. le lecteur, impuissant, assiste au drame. La question qui se pose est double : à quoi se raccrocher quand tout s'effondre ? Et nous, comment répondre à cette détresse ?
La réponse est simple : on doit se raccrocher à tout ce qui peut nous faire survivre : la foi, chez certains, l'amour, chez d'autres, ou encore la mémoire, tant qu'il y en a... Quant à la deuxième question, la réponse est "solidarité"
La Petite fille de Monsieur Linh : court roman, mais grand roman, qui vous bouleverse, et vous bouscule, et vous empêche de faire l'autruche devant la misère du monde.