Parfois, dans les boîtes à livres, on y découvre de jolis trésors…
Publié aux éditions Stock en 2005, puis aux éditions le Livre de Poche en 2007, »
La petite fille de Monsieur Linh « de
Philippe Claudel est un songe à l'amour et à la tendresse, sous une écriture poétique et épurée.
Lorsqu'il débarque un peu perdu et hébété sur ce continent inconnu, Monsieur Linh sert dans ses bras, sa petite-fille, Sang diû.
p. 10 : » L'enfant est sage. C'est une fille. Elle avait six semaines lorsque Monsieur Linh est monté à bord avec un nombre infini d'autres gens semblables à lui, des hommes et des femmes qui ont tout perdu, que l'on a regroupés à la hâte et qui se sont laissé faire. »
Placés dans un centre d'accueil provisoire, Monsieur Linh et Sang diû cohabitent avec d'autres familles. D'un naturel très discret et introverti, il reste enfermé dans son coin avec l'enfant. Elle est tout ce qui lui reste ; la fille de son fils.
p. 17 : » La petite ne se révolte pas. Elle ne pleure jamais, ne crie pas davantage. C'est comme si, à sa façon, en réprimant ses pleurs et ses désirs impérieux de nourrisson, elle voulait aider son grand-père. C'est ce que pense le vieil homme. «
Mais les journées lui semblent longues, enfermés ainsi. Il se dit que la petite aurait besoin de prendre l'air. Alors il quitte le centre et brave le froid, à la découverte de ce paysage si différent ! Les voitures, les gens, la langue… il est complètement perdu dans cette ville immense !
p. 34 : » Il n'a jamais faim. Il serait seul, il ne mangerait pas. D'ailleurs, s'il avait été seul, il ne serait même pas là, dans ce pays qui n'est pas le sien. «
Il décide de s'asseoir sur un banc, près du parc, pour se reposer un moment. Un gros homme s'y trouve déjà. En l'apercevant, ce dernier commence à parler. Mais Monsieur Linh ne comprend pas cette langue. Alors, il l'écoute, patiemment. Puis il le salue et s'en va. Au centre, personne ne lui adresse la parole. Les enfants sont brusques avec la petite Sang diû. le vieil homme lui accorde toute son attention et la rassure.
p. 44 : » Je suis ton grand-père, lui dit Monsieur Linh, et nous sommes tous les deux, nous sommes deux, les deux seuls, les deux derniers. Mais je suis là, n'aie crainte, il ne peut rien t'arriver, je suis vieux mais j'aurai encore la force, tant qu'il le faudra, tant que tu seras une petite mangue verte qui aura besoin du vieux manguier. »
Il retrouve le gros homme le lendemain, assis sur le même banc. Monsieur Bark se présente, et, maladroitement, comprend que Monsieur Linh se nomme Monsieur Tao-Laï. Il lui explique que s'il vient chaque jour ici, c'est pour voir le manège que sa femme tenait dans le parc. Son métier, c'était de donner la joie aux enfants.
Malgré la barrière de la langue, les deux hommes continuent de se retrouver sur ce banc. Une complicité naît, faite de pudeur et de respect. Monsieur Bark se prend d'affection pour la petite. Il trouve ce duo à la fois étrange et attendrissant.
Mais le centre d'accueil était une situation provisoire, comme le lui rappelle l'interprète et la responsable. Il doit se tenir prêt à changer de lieu.
p. 128 : » Pourquoi faut-il donc s'éloigner de tant de choses ? Pourquoi la fin de vie n'est-elle que disparition, mort, enfouissement ? « se demande, lassé, Monsieur Linh.
Sans s'imaginer que c'est peut-être la dernière fois qu'il voit son ami, monsieur Bark emmène le vieil homme et la petite Sang diû voir la mer. Là-bas, il lui fait un aveu terrible. Un aveu qui lui pèse sur le coeur depuis tant d'années…
p. 95 : » Je le connais votre pays, Monsieur Tao-Laï, je le connais… »
C'est un récit terriblement poignant que nous propose
Philippe Claudel dans ce roman. Concis, il est empli de non-dits, de silences, lourds de sens. J'ai aimé cette pudeur constante. Bien que ma lecture de ce livre soit tardive depuis sa parution, elle n'altère en rien la puissance des émotions. Il est parfois bon de laisser passer du temps, de découvrir certains livres après le flot médiatique. A découvrir !!!
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