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Citations sur Parfums (139)

Le chat glisse sous la pierre plate posée en porte-à-faux contre les clapiers. Des gouttes isolées donnent les premières notes, mates, près du poulailler, et c'est le gros de la troupe, armée oblique et drue de soudards qui sabrent sans vergogne les dernières tulipes, déchirent les feuilles encore fragiles des cerisiers, humilient les pivoines en les forçant à courber leurs têtes crémeuses avant de les écraser au sol, grêlent la terre de millions de cratères gros comme l'ongle d'un pouce. Massacre élémentaire. Pilonnage. Cataracte. L'eau fraîchit l'air et le sabre. C'est le mufle d'un monstre qui nous souffle à plein visage sa trop chaude haleine de tropique. Des fleuves minuscules charrient leurs eaux brunes dans les allées, et des mers vaporeuses se forment au pied des framboisiers. On grelotte un peu, et on sourit, tandis que, à l'abri de l'orage, on inspire le fumet que le massacre délivre, humus de marais, tourbe, sève, sucre des corolles des lys dont les pétales en pleurs sont comme des haillons, poils de bêtes aux abois et qui meuglent en choeur au loin, soupe de terre relevée par le frisson des lavandes vertes mais dont l'orage a excité la nature, résine venue d'on ne sait où, et le vent enfin levé, revanchard, brasse tout cela avec les dernières gouttes de pluie tout en poussant vers l'est, encore paisible à cette heure, le fatras des nuages crevés et les coups de tonnerre.
Pluie d'orage

Je lis à m'en crever les yeux. Je n'ai plus ni lieu ni âge. Je tourne les pages dans l'odeur de papier ancien (...) Sans doute est-ce là, dans cette bibliothèque surannée, au profond du silence (...) que j'entre dans un pays, celui de la fiction et de ses mille sentiers, que je n'ai depuis jamais vraiment quitté. Je suis comme les livres. Je suis dans les livres. C'est le lieu où j'habite, lecteur et artisan, et qui me définit le mieux.
Remugle

Les sapins nous enveloppent de leurs basses branches. C'est un monde de quiétude, de bruissements d'abeilles, de cheminements de limaces, de fourmilières pharaoniques, de geais qui filent, bleus, laissant parfois tomber une plume blanche chamarrée de gris que je plante dans mes cheveux. Je fouille les mousses qui retiennent même au plus chaud de l'été toujours un peu d'humidité, une spongiosité tourbée. J'en arrache parfois des coussinets et les pose sur mes cuisses. ici, je peux me salir, me rouler dans les fougères, me grimer en barbouillant mes joues de terreau qui sent la racine de bruyère. J'ai le droit. Je caresse le tronc des sapins. Mes paumes se poissent d'une résine qui ressemble à des larmes. Je détache des cristaux odorants comme des bonbons pour la gorge et qui s'agglutinent sur les plaies de l'arbre.
Sapin
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La cuisine connaît notre vérité profonde. Elle nous voit le matin avec notre visage mâchouillé par la nuit, et le soir quand, après une trop longue journée, nous baissons la garde, desserrons la ceinture, et montrons nos faiblesses.
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Charbon

... chaque hiver le camion de chez Aubert vient nous livrer. Des dizaines de sacs, en toile de jute crasseuse, portés par deux hommes aux visages de ténèbres où seul le blanc des dents et des yeux jette un peu d'humanité, mais une humanité inquiétante, de tueur ou de dévoreur d'enfants. L'un au nom de Dieu nordique, Odin. Leurs mais à tordre des cous empoignent les sacs sur le plateau du camion, et d'un mouvement de reins, ils les basculent à demi sur leur épaule pour les descendre à la cave d'un pas régulier et lent. La tâche achevée, ils essuient la sueur de leur front d'un revers de main sale. Mon père leur propose un verre de rouge qu'ils sifflent cul sec, debout, sans mot. Briquettes ou boulets, ou bien encore en vrac. Le tas de charbon voisine avec le tas de pommes de terre. Les deux diminuent conjointement au fil des semaines. On peut ainsi mesurer l'épuisement de la saison froide.
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Bien voyager c'est se perdre, se défaire du connu pour renaître sans repères et laisser ses sens apprivoiser la terre. Sentir alors, comme jamais, l'haleine des pays nouveaux.
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Nos corps par moments confondus ne peuvent malgré tout se confondre.
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On grelotte un peu, et on sourit, tandis que, bien à l'abri de l'orage, on inspire le fumet que le massacre délivre, humus de marais, tourbe, sève, sucre des corolles des lys dont les pétales en pleurs sont comme des haillons, poils de bêtes aux abois et qui meuglent en coeur au loin, soupe de terre relevée par le frisson des lavandes vertes mais dont l'orage a excité la nature, résine venue d'on ne sait où, et le vent enfin levé, revanchard, brasse tout cela avec les dernières gouttes de pluie tout en poussant vers l'est, encore paisible à cette heure, le fatras des nuages crevés et les coups de tonnerre.
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Creuser, c'est apprendre à mourir.
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La mort décidément pense à tout.Elle sait vivre.Elle épouse le temps,change d'atours.Innove.On la comprend.Elle aussi doit s'ennuyer.Gagner à tous les coups ce n'est pas du jeu.
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On dit du Vosgien qu'il est mi-homme mi-sapin,pour se moquer de son caractère taiseux et sa rudesse.
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Les doigts et les lèvres qui viennent rêver sur le sexe des femmes gardent longtemps, longtemps, le souvenir de leur parfum, comme si celui-ci ne voulait pas mourir, comme nous-mêmes ne voulons pas mourir sinon, peut-être, comme dans les plus beaux songes, tout au creux de leurs cuisses.
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