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EAN : 9782365123198
250 pages
Editions du Croquant (11/01/2022)
3.67/5   3 notes
Résumé :
Fruit d'un solide travail d'enquête dans plusieurs régions de Russie, cet ouvrage apporte un éclairage original sur une Russie que l'on n'a pas l'habitude de voir sous cet angle : celui du potentiel critique dont sont porteuses les classes populaires souvent soupçonnées dans la vulgate médiatique de faire le lit des autocrates à la Poutine. La démonstration est subtile et convie les lecteurs à un voyage au plus profond de la Russie, donnant la parole à des personnes... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Bientôt un mois que j'ai reçu ce livre, dans le cadre d'une masse critique. Ce livre, je crois bien que c'est le seul que j'avais demandé. Il faut dire que je venais de lire une ou deux semaines avant un article rédigé par Karine Clément sur la situation en Russie, et que cet ouvrage était mentionné dans l'encadré présentant l'auteur de l'article. C'est peu dire que je tenais à lire ce livre. Une fois la lecture commencée, j'ai réalisé que c'était un ouvrage très universitaire dans sa forme, ce qui ne rend pas la lecture aisée. D'autre part cet ouvrage date de janvier, autant dire, vu les événements actuels, une éternité, un autre monde. Et puis, comment parler de ce livre sans commenter son contenu, donner son avis ou sans spoiler ? Extrêmement difficile. Pour la forme j'ai été un peu déçue, j'aurais apprécié plus d'extraits d'entretiens retranscrits, même si cela aurait augmenté le nombre de pages, cela aurait allégé une lecture quelque peu ardue en l'état. le sujet est intéressant, plus qu'intéressant, passionnant. Une étude sociologique sur la contestation sociale et le nationalisme qui repose sur un travail effectué moins de deux ans avant l'invasion du pays voisin, je ne suis pas sûre que les historiens trouvent souvent cela sous la main (et j'espère qu'ils pourront avoir accès à la matière première, les transcriptions d'entretien). Toujours est-il que cet ouvrage repose sur une masse de travail d'enquête très conséquent vu la taille de la Russie.
Je vais juste indiquer quelques idées majeures qui ressortent de cette étude :
* le projet nationaliste de l'État et de Poutine est très peu précis : pour l'essentiel il repose sur l'idée qu'il est très positif d'être patriote, sans que pour autant le patriotisme reçoive la moindre définition, ce qui permet à un maximum de personnes d'adhérer sans le moindre débat ni la moindre friction. Ce nationalisme « d'en haut » est vide de toute idéologie (rien sur la composition de la nation, rien sur les droits qu'implique l'appartenance nationale). Il ne reste que l'attachement au glorieux passé historique et à la grande culture russe, ainsi que la défense des valeurs traditionnelles.
* Pour la plupart des Russes le « nous » national s'oppose à un « eux » qui désigne surtout l'Occident, et surtout les Etats-Unis, mais aussi les libéraux. Il n'existe pas de courant qui en appelle à plus d'autonomie nationale par rapport à la mondialisation. Ce qui domine plutôt c'est le sentiment d'une ingérence occidentale dans les années 90 pour imposer des choix politiques. Tous ces sentiments sont susceptibles d'être instrumentalisés par la propagande. Il est notable que racisme et xénophobie sont déconnectés du sentiment nationaliste, le « nous » national ne s'oppose pas à « eux », les étrangers, les musulmans,les …
* L'élite, les gens cultivés, l'intelligentsia, qu'elle soit nationaliste ou antinationaliste, considère que l'immense majorité des Russes accorde une foi naïve à la propagande d'État. Elle fait presque preuve d'une sorte de racisme social. le « nous » s'oppose dans l'élite intellectuelle presque toujours à « eux », la masse passive et moutonnière du peuple. L'intelligentsia de gauche est réduite à la portion congrue et n'est pas non plus tournée vers le peuple, pour elle, tous ceux qui s'appuient sur le peuple sont des populistes, au mauvais sens du terme. La critique sociale de l'intelligentsia ne remet pas du tout en cause l'inégalité sociale mais seulement les critères sur lesquelles celle-ci repose : elle met dans le même sac les « nouveaux riches » et les plus pauvres et souhaiterait une société basé sur le mérite et les capacités intellectuelles ou spirituelles et non sur l'argent !
* le peuple, quand à lui, exprime des opinions qui ne sont pas si éloignées des Gilets jaunes ou des indignés, mais il y a clairement un déficit de mobilisation collective (qui n'est pas dû à un loyalisme moutonnier) lié à un sentiment d'impuissance et à la crainte de voir sa situation matérielle se dégrader s'ils font quelque chose. Il y a par ailleurs une résurgence d'un marxisme vernaculaire qui semblait disparu dans les années 90 et qui réapparaît au fur et à mesure que les structures sociales capitalistes deviennent plus visibles. le peuple s'est aussi plusieurs fois mobilisé à l'échelle locale ou régionale, mais cela n'a jamais été médiatisé et donc tout changement d'échelle ou soutien d'autres régions a été étouffé dans l'oeuf.
Du coup, et là ce n'est pas dans le livre, mais un avis personnel : les russes de base zombifiés qui soutiennent Poutine ne sont probablement pas si loyaux qu'ils en ont l'air, mais le sont juste ce qu'il faut pour qu'une bonne partie de l'intelligentsia soit complètement paniquée, et hélas aussi, renforcée dans son mépris du peuple. Dans l'article de Karine Clément que j'avais lu après l'invasion de l'Ukraine, elle expliquait que les gens qui soutiennent vraiment Poutine sont ceux qui ont connu avec Poutine une trajectoire sociale ascendante (probablement pas si nombreux que ça).
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Chouette, chouette, un peu de réseau. Non pas qu'au coeur de la Bretagne, on ne reçoive pas Internet :-)) mais depuis notre villégiature estivale, je dois admettre que c'est un peu difficile de se connecter. Je publie hop, hop mon billet afin de respecter les délais d'une masse critique. J'en profite pour remercier Babelio et les Editions du croquant pour cet envoi


Voici un essai bien intéressant mais qui arrive je crois un peu tard. L'invasion de l'Ukraine par la Russie en mars dernier ayant provoqué moult commentaires, analyses, je ne m'avancerai pas en affirmant que tout a été dit mais...
Après une 1ere partie, bien longue, consacrée aux différents courants sociologiques d'analyse de la critique sociale ordinaire, entendre la critique des gens d'en bas, Karine Clément expose une synthèse construite après des entretiens tenus auprès de quelques 250 personnes afin de dresser un portrait de l'homo sovieticus.
Pour résumer ? Les gens d'en bas ont du bon sens né de l'expérience de la vie concrète. Et oui...
Et quand ils émettent des critiques ils le font "à bas bruit" (j'aime bien cette expression) non pas par crainte de l'autoritarisme ambiant mais à cause des risques matériels que provoquerait une protestation ouverte. Bah ça... Pour dire les choses plus simplement, ils ne craignent pas le goulag mais de perdre le peu qu'ils ont.
Et que contestent ils, me demanderez-vous ?
L'autorité de Poutine ? Un peu mais selon K C. le maître du Kremlin n'est pas le maître. Ce sont les oligarques (tiens, tiens. On ne s'en serait pas douté) qui concentrent tous les griefs : accaparement des richesses nationales à leur seul profit, pillages des régions et détournement vers Moscou ou St Petersbourg, blocage de l'ascenseur social né péniblement du chaos des années 90 au profit de leurs rejetons...
J'ai trouvé tout ça bien long alors que l'ouvrage ne compte que quelques 150 pages.
J'ai trouvé ça bien répétitif. La même notion, analyse déclinée au fil des pages d'un même chapitre...
Je n'ai découvert aucune révélation sur les sentiments que le peuple russe formule "à bas bruit".
Enfin, d'un côté K. C. affirme que les craintes d'une politique expansionniste de la Russie n'était pas fondée (raté) mais prend beaucoup de précautions quand il s'agit de formuler le ressenti du peuple "les inégalités sociales sont pensées comme un rapport d'exploitation.. Les plus riches ne travaillent pas et tient leur richesse de la privatisation des ressources nationales et de l'exploitation des travailleurs qu'ils font travailler beaucoup"...
Je suis un peu déçue mais pas au point de regretter pas ma lecture..
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Il y a quelques jours, j'ai lu Contestation sociale à bas bruit en Russie, écrit par Karine Clément et publié aux éditions du Croquant. de nombreux chercheurs et étudiants russes ont collaboré avec l'autrice pour la collecte des données nécessaires à l'élaboration de cet ouvrage fouillé, que j'ai trouvé très intéressant.

Karine Clément, qui a vécu en Russie, propose de démontrer la richesse de la pensée critique des classes populaires, sur la base de 247 entretiens d'environ une heure. En mobilisant des imaginaires sociaux, les personnes issues de ces catégories nourrissent une réflexion "critique, pratique et ancrée dans les corps et le bon sens" pour contester l'État à bas bruit, dans un pays autoritaire.
Ces contestations sont donc de l'ordre de l'infrapolitique, car elles ne font pas forcément l'objet de mobilisations et sortent ainsi des cadres institutionnels. Il est aussi intéressant de noter que les personnes sont souvent plus intéressées par ce qui est matériel et concret (la vraie vie quoi), que par les discussions d'élites bourgeoises sur la manière de diriger un pays. Les principaux résultats des travaux menés à l'issue de l'enquête de terrain sont présentés dans ce livre, à travers un développement dont le coeur concerne la critique sociale ordinaire de bon sens, alimentée par un imaginaire populaire et héritage d'un marxisme vernaculaire. Ainsi, l'autrice propose d'appréhender la critique sociale en lien avec un nationalisme qui ne reproduirait pas toujours le discours nationaliste de l'État. Ce nationalisme "par en bas" nourrirait ainsi un esprit critique envers les dominants et le partage inégal des richesses.
C'est pour répondre à une commande institutionnelle que le nationalisme a été étudié dans cet ouvrage, ce qui a permis d'avoir des fonds pour les recherches effectuées. Celles-ci suivent aussi la conviction que le nationalisme en Russie peut dériver à l'impérialisme et à un renforcement de l'autoritarisme. Pour l'autrice, les recherches auront en grande partie confirmé et renforcé cette intuition.

Voilà une grossière tentative de résumer l'objet de ces travaux, que je trouve intéressants à plus d'un titre. L'autrice le dit et je le pense aussi : les élus et les intellectuels gagneraient certainement à s'inspirer de la critique ordinaire de "bon sens" pour développer leurs programmes et leurs théories de l'émancipation. La pensée critique pouvant bel et bien constituer une voie vers cette dernière qui nous est chère. En cela et parce que la critique sociale ordinaire est encore peu étudiée, je comprends véritablement le potentiel de ces travaux pour la recherche.

J'ai grandement apprécié la clarté et l'accessibilité de cet ouvrage. L'introduction permet de connaître et comprendre les notions mobilisées dans le développement, tout en faisant également état des discussions scientifiques autour de celles-ci. Dans tout cela, l'autrice prend le temps d'expliquer et de justifier à quelles définitions de ces notions elle s'est rattachée pour ces travaux (puisqu'elles évoluent avec la recherche et ses différents courants), ce qui permet aussi d'en apprendre un peu sur ce champ d'études et sur les différentes écoles de pensées qui l'investissent. L'ouvrage comporte également en annexe une notice méthodologique pour comprendre la discussion scientifique du bien-fondé des conclusions de ces travaux, mais également un tableau de synthèse des principales définitions utilisées dans l'ouvrage.

Il a également été très intéressant pour moi d'avoir cette vue d'ensemble des différents nationalismes en Russie, ainsi que des différentes critiques sociales ordinaires et de leurs conditions d'émergence. Ainsi, l'ouvrage fait état de trois grands types de nationalismes et de leurs imaginaires sociaux :
-Le nationalisme d'État, qui porte dans ses discours un désir d'unité nationale et d'appartenance à une "grande communauté"
-Un nationalisme élitiste, porteur d'une critique sociale ordinaire intellectualiste et ayant une vision élitiste de la nation
- le nationalisme populaire, dont émane la critique sociale ordinaire de bon sens, qui bénéficie d'ailleurs d'une élaboration théorique.

Avec cet ouvrage, j'ai beaucoup appris d'un pays que je connaissais surtout par la littérature des XIXe et XXe siècles. Si le texte gagne est plutôt court et synthétique, ce qui lui permet de gagner en accessibilité et que je valorise beaucoup pour la recherche, chaque sujet évoqué a de quoi remplir des volumes entiers. le travail de synthèse n'a pas dû être simple ! Cependant, avec toutes les recherches qui ont dû être effectuées pour que ce livre voie le jour, j'aurais peut-être aimé avoir un peu plus de détails, notamment concernant les entretiens menés. Pour satisfaire ma curiosité, il m'aurait bien plu d'en retrouver davantage dans le texte. C'est que l'enquête de terrain, effectuée entre 2016 et 2018 a nécessité beaucoup d'entretiens !
Fort heureusement, la bibliographie reste bien fournie, ce qui pour moi est de mise : à la fois pour la rigueur académique, mais aussi pour creuser les sujets évoqués dans ce livre, qui sera pour moi une porte d'entrée sur de nouveaux terrains d'études.
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