— Dans certains cours de yoga on apprend les mantras, a rétorqué Carrex. Mais ce n'est pas parce qu'on répète une chose à l'infini qu'elle devient réelle.
J’étais forcé à le croire. Je lui devais bien ça. Le passé de Sheila n’appartenait qu’à elle. Je n’avais aucun droit de regard là-dessus. Quoi qu’il ait pu arriver, elle avait certainement ses raisons. Elle m’aimait, je le savais. Il s’agissait maintenant de la retrouver, de l’aider, de se débrouiller pour revenir à… je ne sais pas, moi… à nous.
Pas question de douter d’elle.
La "pièce de l'ordinateur" était l'ancienne chambre de Julie. Pendant neuf ans, elle était restée intacte, comme au jours de sa mort. Puis, sans crier gare, son père avait tout emballé et rangé. Il avait repeint les murs en blanc et acheté un bureau spécial ordinateur chez Ikea. Désormais, c'était la pièce de l'ordinateur. Certains avaient interprété cela comme un signe de fin de deuil ou, du moins, d'évolution. En vérité, il s'agissait du contraire. L'acte avait été forcé - un mourant qui veut prouver qu'il peut quitter son lit, alors que ça ne fait qu'aggraver son état. Katy n'entrait jamais dans cette pièce. Maintenant qu'il n'y restait plus aucune trace concrète de Julie, son esprit semblait se montrer plus envahissant. L'imagination se chargeait de faire vivre l'invisible.
Son jean, qui paraissait avoir été piétiné dans une prairie par un bison, bâillait à la taille, offrant sur son arrière-train la vue plongeante qui fait le charme des dépanneurs.
Les New-Yorkais marchent. ils marchent vite. Même quand ils attendent à un feu, ils ont les pieds dans les starting-blocks. Les New-Yorkais sont toujours en mouvements. Jamais immobiles. [...]
Une voiture s’est arrêtée, et une fois de plus, j’ai vu un être humain disparaître dans la nuit.
Le mur du déni commençait à s’effriter. Le chagrin m’a submergé, me coupant le souffle. […]
Le chagrin paralyse. Pas la colère. Or la colère était là aussi, guettant un exutoire.
Alors je l’ai laissée venir.
- Tu as déjà entendu l'expression : II n'y a point d'athées dans les tranchées ?
- Oui.
- Eh bien, c'est faux. C'est même tout le contraire. quand tu es dans une tranchée, quand tu es face à la mort, c'est là que tu comprends que Dieu n'existe pas. C'est ce qui te pousse à lutter pour survivre, pour respirer encore un coup. C'est ce qui te pousse à faire appel à toutes les entités possibles et imaginables - parce que tu ne veux pas mourir.
Derrière le comptoir trônaient deux jeunes anorexiques en noir, visiblement nourris aux céréales. La jeunesse éternelle. Attendez un peu ... un garçon et une fille, même s'il n'était pas facile de dire qui était qui.
Haussé un sourcil à l'adresse de Carrex.
- Et vous êtes?
- Facilement excité, a-t-il rétorqué.
- Tu veux du réconfort ? Sache-le, les gens sons des cons.