C'est un récit en partie biographique qui a beaucoup plu au moment de sa sortie.
Colette est devenue la première femme de lettres en France, elle qui en tant que femme a dû se battre pour se faire un nom en littérature car les moeurs au début du siècle dernier étaient encore très machistes dans notre pays. J'ai vu récemment le film sur sa vie ou plutôt sur une partie de sa vie qui porte sur son premier mariage. Sa relation avec Willie est en demi-teinte : d'un côté, il l'a poussé à écrire, développer ses talents en lui donnant accès, grâce à son propre statut social, à une maison d'édition mais d'un autre côté, il a voulu vampiriser son oeuvre en s'en attribuant la paternité et en osant vendre ses droits d'auteurs. C'est bien par lui qu'elle parvient à publier des oeuvres mais pour les signer de son propre nom, elle a dû lui faire un procès qui n'est d'ailleurs pas montré dans le film. Leurs rapports affectifs, eux, sont plus banals en ayant évolué de l'amour à la déception, de la passion à l'amertume en passant par la tromperie. Sauf que
Colette montre déjà du caractère et elle fait rapidement une crise à son époux avant de connaître aussi une première puis deuxième aventure qu'elle choisit parmi les femmes.
Autrement pour en venir au sujet même du livre.
Claudine à l'école mêle selon moi, une part de vécu à l'imaginaire comme c'est souvent le cas mais l'originalité vient davantage du ton de l'oeuvre et du sujet choisi : un témoignage sur la vie de l'école. A priori, un sujet ingrat car peu romanesque et plutôt du style didactique mais qui, grâce au ton de l'auteure, trouve une fraîcheur, une vivacité surprenante.
Dans la première partie,
Colette met surtout l'accent sur les relations qui se tissent entre les personnages, entre Claudine et ses 2 professeurs, entre Claudine et quelques élèves (en particulier Lucie) ou encore entre les professeurs et des membres du corps politique. Les histoires d'amour qui se nouent autour du personnage d'Aimée Lanthenay occupent la première place. D'abord avec Claudine avec qui elle flirte plutôt que de lui enseigner l'anglais et ensuite avec Mlle Sergent qui est au fond sa seule collègue. Une liaison homosexuelle qui aurait pu faire jaser, être sujet à scandale et sanction surtout après, lorsque bien des gens l'apprennent et qu'un prétendant haut-placé dans le village voit ainsi ses projets de mariage contrecarrer. Mais non, avec
Colette et le traitement frais qu'elle en fait, la gravité des faits s'estompe et c'est plutôt le rire qui l'emporte. Il n'y aurait pas eu ensuite de plainte déposée et de renvoi pour Mlle Sergent et Mlle Lanthenay. Quand on songe que cette histoire se rapporte à la fin du XIX siècle et que les femmes n'avaient encore que peu de droits (le féminisme date du siècle suivant), peut-on croire en la réalité de ces faits ? A moins que ce ne soit vraiment le statut rare et considéré de professeur qui a alors joué un rôle de bouclier associé au caractère indulgent du prétendant floué.
La seconde partie, elle, met l'accent sur l'examen à proprement parler du brevet élémentaire. On découvre alors que les élèves étaient nourris et logés au moment des examens qui se produisaient dans une autre ville, qu'ils étaient accompagnés d'un professeur de leur propre école. La tension est là en partie palpable avec des épreuves qui se passent dans un décor austère, face à un jury composé que d'hommes en noir qui posent des questions à priori pointues pour l'époque. Étonnant de voir que la réussite des examens donne lieu ensuite à une cérémonie officielle où un ministre même du gouvernement se déplace dans un petit village pour assister à cette fête et faire un discours. Impensable de nos jours ! Certainement que Claudine a dû faire partie des élèves qui ont vécu les tout premiers temps de l'école de la République.
Enfin, pour ce qui est du portrait de Claudine elle-même. Il correspond bien au ton de l'oeuvre : vif, espiègle, impertinent avec un regard piquant sur les êtres humains. Comme beaucoup de femmes, on voit que l'amour joue un rôle important mais Claudine tient compte d'autres types de relation comme l'amitié en demi-teinte qu'elle noue avec Lucie, une fille qui tantôt l'agace, tantôt l'intéresse mais bien d'autres perso passent sous son regard à la fois léger et mordant.
Autrement pour conclure, ce livre a selon moi une valeur historique intéressante car il parle des premiers temps de l'école républicaine sous un angle plus vivant, animée et ce d'autant plus que choisir ce sujet pour un travail d'écriture, c'est rare. C'est aussi un récit biographique, un témoignage vécu même s'il ne faut pas prendre pour argent comptant tout ce qui est rapporté car l'auteure a pris pas mal de liberté avec sa propre expérience.