La Veuve est la troisième pièce écrite par
Pierre Corneille. Cette comédie date de 1632 et suit le ratage qu'avait été
Clitandre (avis personnel). Vu la qualité de la présente pièce, on peut dire que voilà l'auteur relancé.
Corneille joue ici avec l'éloignement qui peut exister entre le sentiment ressenti et le sentiment déclaré. Il met en scène deux couples qui se tourne autour. le premier, Clarice – la fameuse veuve – et Philiste, éprouve une attirance forte et partagée mais joue l'indifférence, la retenue (je connais, j'ai beaucoup pratiqué). A l'opposé le second, Doris – soeur de Philiste – et Alcidon – ami de Philiste – en fait des kilos de vers amourachés alors qu'il n'y a rien derrière la façade, ni l'un ni l'autre n'éprouvant autre chose que de l'indifférence, voire du mépris.
Et tout le début joue sur ce contraste. le comportement de façade est suivi de la déclaration des véritables sentiments à soi-même ou à un tiers. Philiste se meurt d'amour, Alcidon n'est qu'un ambitieux qui veut se placer. La suite dévoile les véritables intentions de ce dernier, le complot qu'il a monté avec la nourrice de Clarice (un véritable stratège de palais celle-là). Alcidon est en fait amoureux de Clarice, lui aussi, et n'a de cesse de pousser son « ami » Philiste à retenir ses sentiments loin de sa bouche. Il s'est rapproché de Doris pour donner le change. Tout ce qu'il raconte sonne faux et l'on finit par ne plus savoir s'il croit lui-même à ses mensonges.
L'action déboule. Sous l'idée de la nourrice, Alcidon décide d'enlever Clarice pour l'éloigner définitivement de Philiste. Pour ce faire il fait appel à un ami, Célidan, que l'on perçoit au début comme un naïf, un pion sans intérêt.
Mais on est vite trompé. C'est lui qui coupera le noeud gordien, dévoilera la fourberie d'Alcidon, rapprochera Clarice et Philiste et libèrera Doris des mariages imposés en devenant son amoureux. Ce personnage essentiel, qui apparaît assez tard dans la pièce, est avec le stratège-nourrice le plus intéressant de la pièce.
Les vers se lisent toujours avec ce plaisir jouissif où le rythme de l'alexandrin s'associe merveilleusement avec le sens des phrases. Dans son Examen, écrit des années plus tard, passe du temps à se justifier des dérives de la pièce par rapport aux canons d'unités de lieu et de temps. Je l'avoue, ce débat me chaud très peu. Si je trouve l'exercice de style du respect des canons intéressant intellectuellement, je n'apprécie pas de le voir transformé en dogme quasi-religieux par les académiciens du temps. Enfin, il s'agit d'un avis contemporain sur une époque qui n'en a que faire.