La neige recouvre un quartier résidentiel, de Chicago peut-être, dans une première histoire empreinte de tendresse et de sensualité (“Une petite tulipe rose”) : Myrtle vient de taper dans l'oeil de Lambert et ne sera jamais pensionnaire dans la “maison” que sa soeur lui a trouvé dans le Wisconsin. L'écrin végétal luxuriant de l'extraordinaire Fallingwater House (“
Une maison de Frank L. Wright”, titre de l'album) offre ensuite son somptueux décor à l'étudiant en littérature Buzzy venu réaliser l'interview d'une auteure à succès insaisissable dont il ne rencontrera que son assistante. Quelques notes de piano et le doigté de Lily pour sa rencontre improbable avec Chuck dans la troisième histoire (“Only love can break a heart”) avant les flamboiements automnaux, suggérant la région des Grands Lacs, qui encadrent leur descente en canoë jusqu'au défunt George... Enfin la glissade finale en roue libre sur trente-quatre lacets qui emporte les deux gamins dans leur “Maison hantée”, sur fond de soleil couchant (“L'île”), est en fin d'album un hymne épatant à l'amour des aventures illustrées.
Avec ces quatre histoires de coeurs,
Cosey fait s'épanouir l'indicible entre les êtres au mépris de l'âge et célèbre au passage, outre la nature, la musique, l'architecture et sa passion du neuvième art. Délicieuses une à une, chaque histoire déploie un paysage pour aborder les émois les plus divers. Mais flotte sur l'ensemble le souffle général d'une méditation sur le passage du temps et sur les infinies variations de l'amour porté par les interrogations mélancoliques des personnages ou par leurs plus irrépressibles élans.
Cosey scénarise des situations ordinaires ou insolites et les transforme en moments d'exception. Graphiquement c'est très réussi. Car dans les quatre récits, mouvements de l'âme et des saisons paraissent s'accorder, se questionner, se faire écho ; ils rythment un tempo de haute intensité où le trait et la couleur agissent immédiatement dans des planches splendides. Mais quelqu
e chose dépasse le graphisme et la composition, qui transcende le propos sur l'amour. L'humanisme tout à fait propre à
Cosey transparaît tout simplement dans des pages harmonieuses et jamais “gnangnan”.