La figure de l'enfant est indéniablement au centre
de ses derniers recueils. Il s'agit de la recherche ténue,
fragile de la présence perdue d'avant-langage,
quête marquée, nourrie de la conscience de notre
achèvement borné, de notre propre complétude.
L'enfant représente une figure de cette présence
sensible au coeur du secret, de cette énigme, de
cette déchirure de vivre.
L'enfant fait sans aucun doute figure de poète,
de sa quête et de sa requête.
Dans son dernier recueil, " l'enfant de la falaise ",
l'enfant ‒ bouche de terre ‒ est à la fois figure du
poète, expérience même du poème.
" l'enfant
bouche de terre
à l'intérieur de moi
" l'enfance n'est pas un refuge
mais elle desserre la corde étranglée du soir sur la ville
avec la nuit les mots à force d'essayer tissages incertains
béances abandons
dénouent le chant
" retrouver le goût de la terre
sous la langue les ongles
…
ne pas se laisser séparer
retrouver l'enfant
me lover contre lui dans la terre
comme le vide au creux de ma main
et c'est ma main encore
" je dis falaise et j'entends le souffle de la pierre
je ferme les yeux, elle me respire
" y a-t-il encore, toujours, une enfance au-devant de nous ?
l'enfant peut-il guérir de la douleur d'aimer ?
il dessine une plaine qui s'évase et ravit au loin l'image d'une
montagne
les pieds dans l'herbe bleue et l'eau froide fuyante
l'enfant rêve une errance
parfois les mots s'effondrent et le monde vacille
et la cité de verre, de fer, de béton, de fumées traverse et
troue le corps de l'enfant déchiré
Commenter  J’apprécie         160
Extrait 8
rechercher tout ce qui de ma chair fait corps
la respiration de la pierre
le cri de la chevêche dans la nuit qui tombe
l’empreinte des mousses des lichens comme morsure torse
et plus bas la terre la fuite des eaux toutes les eaux le sable nous emportent
l’humidité gagne mon être avec le froid la nuit
et c’est matière d’être rendu à l’éphémère dans la danse des ombres grandes et des lambeaux de lune, étranges ramures, entre les blocs, dans la combe
nuit de cris et de chants
dans l’herbe noire
contre la pierre
Extrait 6 bis
une autre image les alpages dans la lumière d’un matin d’automne
la vallée se creuse et c’est bientôt beaucoup plus qu’une ombre
vaste
et tout le ciel
les herbes
grasses encore
sèchent sur les lauzes
dans les creuses, sur les pentes accrochées entre les falaises
une paume dans la terre
contre la roche
et quoi les mots m’ont-ils donner à vivre ?
Extrait 1
y a-t-il encore, toujours, une enfance au-devant de nous ?
l’enfant peut-il guérir de la douleur d’aimer ?
il dessine une plaine qui s’évase et ravit au loin l’image d’une montagne
les pieds dans l’herbe bleue et l’eau froide fuyante
l’enfant rêve une errance
parfois les mots s’effondrent et le monde vacille
et la cité de verre, de fer, de béton, de fumées traverse et troue le corps de
l’enfant déchiré
Extrait 5
retrouver le goût de la terre
sous la langue les ongles
des mots
mon sang
ne pas se laisser séparer
retrouver l’enfant
me lover contre lui dans la terre
comme le vide au creux de ma main
et c’est ma main encore
quand si loin regarder une image
avoir bouche de terre
pour essayer encore de
creuser l’image
Extrait 9
redescendre dans la nuit
suivant le sentier entre les roches, les pâtures, les bosquets
la forêt
marcher sentir au creux du dos
le mufle de la nuit
respirer
l’humide le froid la terre les herbes sèches
la pierre à fleur de paume ronces écorces bois morts
la menthe l’ortie le serpolet
les bêtes et les branches
frémissent
et c’est comme un appel, sourd et lointain
le lourd galop du temps
UNE MONTAGNE - François Coudray
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=44910 UNE MONTAGNE François Coudray Témoignages poétiques L'écriture poétique de François Coudray nous invite...