Spoilers.
Une collaboration entre l'écrivain Philippe Barbeau et
Christian Couty, professeur d'histoire-géographie. Si la démarche est louable (devoir de mémoire), je ne peux m'empêcher d'être déçue par ce récit qui pêche par de nombreuses faiblesses :
- beaucoup d'occurrences de noms propres (les villageois ou figures publiques) au début du livre qui tombent en cascade. On a le boulanger, le facteur, le tenancier de bar, etc. On comprend pourquoi à la fin : il s'agit de véritables personnes qui ont existé à l'époque. Ok, c'est intéressant, malheureusement ça manque de travail d'écriture, il ne suffit pas de balancer des noms à la chaîne pour faire exister des personnages, tout ceci reste trop superficiel et ne rend pas ces gens présents.
- un souci de précision exagéré quant à la description des lieux. Comme pour le point précédent, l'auteur est passionné par son pays du Loir-et-Cher et on voit bien qu'il y a une recherche pour faire exister Noyers, seulement là encore, citer à la chaîne des noms de moulin, de rivière, de lieu-dit, etc. est contreproductif. Trop, c'est trop, je n'arrivais pas à visualiser. Cela fait sûrement plaisir aux personnes qui connaissent ces endroits, mais pour le lecteur étranger, ça tombe à plat et rend la lecture confuse.
- les personnages ne sont pas assez développés dans leur personnalité (à part Jules à la limite) ainsi que leurs relations. La relation épistolaire entre le héros Jules et son frère Charles, parti au combat, est la seule plutôt réussie. Mais quand Charles meurt au début du livre, la mère Marie tombe dans l'apathie et cesse de parler à son fils. C'est une réaction face au deuil qui aurait mérité un travail plus approfondi car elle passe inaperçue, Marie sort de l'histoire (sauf de brèves allusions), ce qui est dommage. L'amitié naissante entre Jules et l'infirmier américain John est peu convaincante et laisse de marbre. Les premiers élans amoureux de Jules envers son amie d'enfance Anne sont eux plutôt réussis, on a de la peine pour lui qui découvre que John et Anne s'aiment.
- l'intrigue manque de peps, il n'y a pas vraiment d'histoire, pas de péripéties. Certes, on sent qu'il faut coller à la réalité historique, mais on se heurte à une contradiction : il faut quand même faire un livre, un roman, une fiction, plaisants à lire. Mais on a assez peu de dialogues et l'histoire est essentiellement composée de descriptions qui donnent au récit un aspect trop documentaire à mon goût. D'ailleurs, je regrette qu'on ne voie pas plus de soldats américains, à part John et deux ou trois autres soldats à peine évoqués, c'est tout. Cette base américaine comptait apparemment 30.000 personnes, c'est énorme mais à part quelques anecdotes (la boulangerie qui tourne à plein régime, l'animation dans les rues) l'impact que ça a pu avoir sur la petite ville de Noyers n'est pas assez bien rendu je pense.
Bref, un livre pas désagréable mais sans atout majeur. J'ai néanmoins apprécié quand après l'armistice on parle de la grippe espagnole puis des incidents liés au racisme dans les rangs américains, mais c'est vraiment trop survolé.