Je suis toujours en vie. Je n’ai gardé de tout ça qu’une cicatrice au bras. Je ne suis même pas allée en prison : alors que son équipier avait failli me tuer, Elm a été généreuse et a réussi à me faire passer pour une otage de Laura.
J’ai accepté lâchement. J’avais honte, évidemment. Mais je ne pense pas que Laura aurait voulu que je me sacrifie simplement pour clamer avoir été son amie.
En échange, je me suis promis qu’un jour, je leur ferai payer. Au Bien comme au Mal, parce je crois qu’elle avait raison : les deux ne sont que les deux côtés d’une même pièce.
C’était typiquement elle, ça. C’était son but dans la vie. Pas de s’enrichir, pas de vivre heureuse. Son objectif, en résumé, c’était de faire chier le monde et de foutre le bordel, si possible avec quelques explosifs artisanaux. Plus ce qu’elle détruisait était cher et luxueux, plus ça lui plaisait. Peut-être qu’elle voyait là une sorte de vengeance sur le monde.
Dans un film, il aurait peut-être écrit le nom de l’assassin avec son sang. Et, s’il l’avait fait, ça aurait sans doute un peu accéléré l’enquête qui allait être menée.
Mais il ne s’agissait pas d’un film et il n’a pas laissé d’indices. Je ne pense pas qu’on puisse lui en vouloir. Il pensait sans doute à autre chose.
À l’heure où on parle, il doit y avoir des milliers de personnes en train de crever — au sens propre, je veux dire — de faim dans le monde. Ou du Sida. Si je devais pleurer chaque fois qu’un type que je ne connais pas meurt, je n’aurais plus une goutte d’eau dans le corps.
Il y a sans doute moins d’une milliseconde pour le faire entre deux images. C’est très court pour un homme, mais une éternité pour un ordinateur.