Citations sur La passe-miroir, tome 2 : Les disparus du Clairdelune (445)
Si Ophélie avait retenu une chose dans la vie, c'était que les erreurs étaient indispensables pour se construire.
- Je vous donne rendez-vous. Un rendez-vous officiel, de futur mari à future épouse. Vous me recevez toujours ?
- Oui, oui, je vous reçois, bredouilla-t-elle. Mais enfin, pourquoi nous voir ? Je viens de vous dire...
- Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre d'être ennemis, trancha Thorn. Vous me compliquez la vie avec votre rancoeur, nous devons impérativement nous réconcilier. Je n'ai pas le droit de pénétrer dans le gynécée : retrouvez moi à l'intendance, insultez-moi, giflez-moi, cassez-moi une assiette sur la tête si ça vous chante et puis n'en parlons plus. Votre jour sera le mien. Ce jeudi m'arrangerait. Disons (...)
Suffoquée, Ophélie raccrocha le combiné avec autant de colère que si elle l'avait abattu sur le crâne de Thorn.
Les opposants les plus virulents d'une tentation en sont parfois les plus grands adeptes.
- Quand je vous ai dit que vous aviez une prédisposition surnaturelle aux catastrophes, ce n’était pas une invitation à me donner raison.
Ophélie ne put retenir ses sanglots plus longtemps. Les bras de Thorn se raidirent de surprise lorsqu’elle se cramponna à lui. Elle colla son visage contre son torse et hurla comme jamais, de toute sa vie, elle n’avait hurlé ; c’était un cri qui lui venait du plus profond des entrailles et qui remontait le long de son corps comme une tornade. Thorn la laissa sangloter, hoqueter, renifler contre son uniforme jusqu’à ce qu’elle se fût entièrement vidée de son souffle. Ils demeurèrent un long moment silencieux sur le parquet de l’Imaginoir, enveloppés par la lumière rouge des lanternes.
- Je me sens nerveuse comme une cafetière.
-Cette cousine doit mal vous connaître pour voir en moi votre faille. La vérité, c'est que vous ne vous reposez jamais sur personne.
Thorn cessa aussitôt de s'intéresser à la parade costumée et abaissa vers Ophélie son regard d'oiseau de proie.
-Vous voulez régler tous les problèmes par vous-même, poursuivit-elle d'une voix épaisse, quitte à utiliser les gens comme des pièces d'échiquier, quitte à vous faire détester du monde entier.
-Et vous, vous me détestez encore ?
-Je crois que non. Plus maintenant.
-Tant mieux, grommela Thorn entre ses dents. Parce que je ne me suis jamais donné autant de mal pour ne pas être détesté de quelqu'un.
(L'invitation)
- Quelle mine épouvantable ! C'est quoi cette cicatrice sur ta joue ? Tu as maigri, on ne te nourrit donc pas ? Et quelle ingrate tu fais ! Je viens de l'autre bout du monde pour toi et tu ne m'accueilles même pas à l'aérogare ? Deux heures que j'attends encore sur ce quai glacial que ma fille veuille montrer le bout de son nez ! Comment veux-tu que je te gronde convenablement, si je suis épuisée ?
- Bonjour, maman, expira Ophélie avec le souffle qui lui restait.
Ophélie considéra prudemment la silhouette rouge de sa mère, de l'autre côté de la carafe en cristal ; son silence n'était pas de bon augure... pas davantage, en tout cas, que ne l'aurait été une casserole oubliée sur le feu...
- Vous voulez toujours de mes opinions et de mes conseils, mademoiselle ? Voici mon opinion : vous avez urgemment besoin d'être conseillée. Et voici mon conseil : écoutez toujours mon opinion.
Thorn perdait rarement son sang-froid et il n'avait jamais levé le petit doigt pour sa tante. Le geste le plus affectueux qu'Ophélie avait surpris entre lui et Berenilde, c'était quand il lui avait tendu la salière à table.