L'Immortel /
Alphonse Daudet
À travers le professeur Léonard Astier-Réhu, un auvergnat solide et têtu, nous découvrons dans ce récit les coulisses de l'
Académie Française du temps de Daudet qui s'est souvent plu à alimenter la polémique qui a toujours mis aux prises les tenants de la liberté en Art et les représentants de l'esprit réactionnaire de l'Académie.
Astier-Réhu, né en 1816 dans le Puy de Dôme, consacra toute sa vie d'érudit à trouver le moyen de faire partie de la vénérable Coupole. Il y parvint et poursuivit une carrière d'essayiste et de collectionneur de vieux papiers et autres manuscrits antiques qui lui réservèrent par la suite bien des surprises.
le fils, Paul, 28 ans est plutôt du genre cancre volontaire, désireux de se lancer dans la vie pour brasser des affaires. Il vise aussi un bon parti en la personne de la princesse Colette de Rosen usant de sa grâce militaire et de sa jeunesse élégante, ainsi que de sa gaieté et de son esprit blagueur dont il a su avec soin rentrer les griffes. Conquérir la belle Colette, jeune veuve riche n'est pas une sinécure et Paul se voit contraint de faire appel une fois encore à sa mère pour éponger ses dettes, ce qui nous vaut quelques chapitres savoureux dans lesquels s'exprime Adélaïde Astier-Réhu, une femme dont la vie ressemble à un roman sans amour comme le sont tant d'existences de femmes. Paul est son héros qui joue les premiers rôles, et c'est à lui et lui seul qu'elle doit les seules vraies émotions de sa vie, les délicieuses angoisses de l'attente, les pâleurs, les froids, les brûlures, les intuitions.
Mais la belle Colette échappe à Paul et il tente alors de séduire la belle et riche duchesse Antonia Padovani de 25 ans son aînée, toute récente veuve qui se laisse embarquer dans une dernière aventure.
On fait aussi la connaissance de Abel de Freydet, jeune écrivain à qui le vieux Astier en bon mentor donne quelques conseils pour entrer à l'académie, et notamment celui qui est le plus important : se montrer pour être vu en fréquentant les milieux académiques.
Devenu secrétaire perpétuel de l'Académie, Astier-Rehu ne réalise pas car pour lui « c'est un titre auquel ses yeux n'étaient pas encore faits et qui l'éblouissait chaque fois, comme la cour toute blanche de soleil devant ses fenêtres, l'immense seconde cour de l'Institut, recueillie, majestueuse, à peine traversée de quelques cris de moineaux et d'hirondelles, solennisé par un buste en bronze de Minerve, et ses dix bornes alignées contre le mur du fond que dominait la gigantesque cheminée d'appel de la Monnaie toute voisine. » Admirons au passage le style d'
Alphonse Daudet.
On découvre dans ce roman satirique un
Alphonse Daudet beaucoup moins connu que celui des
Lettres de mon Moulin, un romancier et un polémiste au ton bien plus acide et ironique teinté d'un humour féroce. « Au fond, ces gens se sentent finis, en train de moisir sous leur coupole…L'Académie est un goût qui se perd, une ambition passée de mode…Son succès n'est qu'une apparence… Encore si ça donnait du talent, si ceux qui en ont ne le perdaient pas une fois là !...L'Académie, un leurre, un mirage ! Faites votre route et votre oeuvre, en dehors d'elle…Idole creuse, religion qui ne console pas. Les grandes misères de la vie vous assaillent là comme ailleurs…»