Bon, encore une fois le titre est modifié. Version originale anglaise : « The Last Thing To Burn » veut dire : la dernière chose à brûler. Ça m'énerve quand les éditeurs rajoutent « toi » ou « moi » pour faire chochotte. Ça a tendance à me révulser, mais bon, parfois…. heureusement que je cède, parce qu'il y a de magnifiques livres comme celui-là, et j'aurais pu passer à côté !
Ce livre m'a fait peur, au début. La violence d'un homme contre quelqu'un qu'il garde sous sa coupe, enfermé, lié, caché, emprisonné. Je déteste. C'est pour ça que j'ai mis tant de temps à lire « Léonie », par exemple. J'ai fini par le lire, et tant mieux : ça commence le dernier jour de sa captivité. Pour ce livre de
Will Dean, le premier chapitre m'a révulsée, aussi, et je l'ai posé une bonne quinzaine de jours avant de le reprendre (il est sorti en mai dernier en poche).
Je ne sais pas pourquoi je déteste lire des polars ou thrillers qui parlent de gens enfermés, encagés, ligotés, torturés… je ne peux pas. J'ai dû lire un truc qui m'a choquée….
Ce premier chapitre, c'est une femme qui essaie de s'enfuir. Pendant que son compagnon et geôlier est sur son tracteur dans ses terres au loin, invisible du bâtiment de ferme où elle est maintenue. Pas enchaînée, mais presque. Elle essaie de s'enfuir, mais elle est bien trop lente, à cause de sa cheville qu'il a cassée, délibérément, la première fois qu'elle a essayé de s'enfuir. Elle n'a pas le droit de sortir. Ni de parler à qui que ce soit. Elle n'a jamais pu voir de docteur, n'a pas reçu de soins, ne peut pas se « poser », elle doit travailler. Fin du chapitre, Lenn ramène Jane à la ferme, dans la petite cuisine, et pour punition elle doit choisir un des objets qui lui reste, et il va le brûler dans le poële devant elle. Il lui reste sa carte d'identité, la photo de ses parents, les lettres de sa soeur.
En fait, Jane ne s'appelle pas Jane. Elle s'appelle Than Dao. Elle vient du Vietnam. C'est lui qui a décidé de l'appeler comme ça, le premier jour, il y a sept ans. Parce que sa mère s'appelait Jane, sa première femme s'appelait Jane. Jane ne doit pas parler. Jane doit s'habiller uniquement avec les affaires de feu la mère de Lenn. C'est assez bon pour elle. Elle n'a pas de serviettes hygiéniques ni de tampons, elle doit utiliser les tissus et les épingles à nourrice qu'utilisait la mère de Jane. Elle a de la chance, parce qu'une semaine par mois elle peut dormir seule dans la petite chambre, et non dans le même lit que ce monstre. Elle n'a pas le droit de fermer les portes, même celles des toilettes et de la salle de bains. Elle n'a pas le droit de prendre 5 minutes pour elle. Elle doit cuisiner ce qu'il rapporte de la supérette du village. Exactement comme il le veut. Une mauvaise cuisson égale punition. Elle doit tout raccommoder, le gaspillage est interdit. Les restes des repas, il les amène aux cochons le soir. Elle est filmée. Il a mis des caméras partout et le soir lorsqu'il rentre, il visionne les bandes sur son ordinateur. Peu à peu, Jane/ Thanh Dao raconte comment elle est arrivée là. Par la mer. Dans un container, dans un double fond avec dix-sept autres personnes dont sa soeur
Kim-Ly. Ses parents les ont « vendues » sans le savoir : on leur promettait des études, un travail aussi. Mais elles ont juste eu le travail, pratiquement pas à manger, et les deux soeurs ont été séparées au bout de deux mois : elle a atterri ici chez Lenn, qui l'a achetée. Elle ne peut pas se sauver : ils se vengeraient sur sa soeur. Alors tous les jours, elle travaille pour Lenn, avec sa cheville en mille morceaux, elle doit supplier pour avoir un médicament anti douleurs : tous les jours il lui donne un énorme comprimé qui est un médicament vétérinaire pour cheval. Elle ne pourrait pas tenir sans ça. Ni sans les lettres de
Kim-Ly, qui est à Manchester, et qui travaille dans un magasin pour payer sa libération.
Mais un jour, Jane doit dire quelque-chose à Lenn. Même si elle n'a pas le droit de parler. Elle est enceinte. Lui n'y croit pas : il se « retire » toujours. Mais. Elle attend un enfant. Et là, les choses semblent changer.
Superbe roman, thriller, suspense, sur la force d'une femme, pour tenir, la rage de vivre. Sur les esclaves modernes , le trafic d'être humains, de migrants. À la fin du livre il y a des liens de sites pour dénoncer si l'on soupçonne que quelqu'un est victime de cette horreur. Magnifiquement écrit, sensible et d'une puissance inouie que je ne pourrai pas oublier.
Une dernière chose : les éditions Belfond n'ont sorti les autres livres de
Will Dean qu'en e-book !!! Comment je peux faire, moi, pour lire ces bouquins alors que ça m'est impossible de lire en numérique ?? On doit supplier Belfond ??
Ma note : 5 sur 5. Coup de coeur. ♥️
Lien :
https://melieetleslivres.fr/