Marien DefalvardMarien Defalvard (Autre)
EAN : 9782213717456
304 pages
Fayard
(06/01/2021)
4.6/5
10 notes
L'architecture
Résumé :
Arrive à Clermont-Ferrand un architecte qui, de son propre aveu, considère l'architecture comme un art mineur par rapport à la littérature. C'est pourtant bien le projet d'un bâtiment qui l'a guidé jusqu'ici. Un palais de justice. Mais les chantiers de cette envergure ne commencent jamais sans tergiversations. Et par ailleurs Clermont-Ferrand est précisément le lieu où il a passé son enfance et sa jeunesse.
Alors, entre rendez-vous à la préfecture et errances...
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"Ce sont les pages de la défaite" dit-il, nous prévient-il même, sans nous trahir. Non, ce sont les pages de l'inutile. il sera de ces livres rares que j'abandonne, pourtant j'ai avancé quelque peu dans ce livre en me disant : "mais il va lâcher son dico et nous donner une histoire lisible ?!?!" Non et re-non. Il y a deux sortes d'écrivains, ceux qui ont l'écriture pour soi, et tant pis pour le lecteur qui tombe dessus (comme ici), montrant qu'il a du vocabulaire, de la culture, du chiant à revendre. Et puis, il y a l'écrivain qui donne envie de le lire, qu'on dévore, qui peut même avoir des idées, des réflexions originales et intelligentes, parfois droles. bref ! indigeste, imbuvable. Stop.
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Voici quelques jours à peine, un joli chapelet d'andouilles radiophoniques présentant la particularité d'être composées de davantage de chaudins de blaireaux plutôt que de gras de porc, dont une parfaite idiote pigeant pour Elle (oui, une femme peut gagner ainsi sa vie, en accomplissant une aussi sale besogne qu'écrire pour un magasine comme Elle); oui, une lamentable sous-pigiste, une certaine Élisabeth Philippe qui ne sait même pas qu'un grand écrivain du nom de
Carlo Emilio Gadda...
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C'était fabuleux, cela — dans la nuit, dans la nuit paysanne et farouche, [...] dans la nuit râpeuse et calleuse comme une joute paysanne — de comprendre, de sentir, de sentir comme se font, par exemple, l'immatérialité, la profondeur des phénomènes naturels, ou bien des phénomènes de foule — quand l'opinion devient cette enclume, cette valeur d'enclume, cette masse qu'on aplatit sur la pierre — [...] l'anthropologie sournoisement matérialiste qui, comme le grand vent d'ouest, s'infiltrant sur la plaine puis se déversant sur toute la cuvette clermontoise, sur la Limagne enfin en passant par les entonnoirs de quelques cols — l'anthropologie matérialiste qui faisait son mouvement de labourage, de labourage uniforme et massif comme le vent, la nuit, l'idée simple du vent dans la nuit, et l'extinction de la dernière bougie à Saint-Aubin, du dernier espoir avec elle, et l'oubli du dernier texte d'accomplissement, du dernier château intérieur lu — un psaume, une relique — [...] ce mouvement, ce balancier irrésistible parmi la férocité de la nuit, ce mouvement seul, ce mouvement mêlé du vent régulier et du matérialisme séculier, considérés l'un et l'autre dans leur absolutisme.
Et voilà les textes effondrés, l'un après l'autre — et voilà la disparition des textes, voilà l'ensevelissement des textes dans un vide pur, une existence qui n'a pas de nom. Voilà le jour de la connaissance, de la reconnaissance de ce que les textes ont disparu — voilà le jour qu'on reconnaît, enfin (mais on le savait déjà, on le pressentait tant qu'on n'avait pas éprouvé le besoin de le reconnaître — on savait que l'air ne pouvait plus, ne pourrait plus — le pourrait-il à nouveau un jour ? rien n'était moins sûr — contenir ces textes), que les textes ont disparu. Voilà les textes perdus, inconnaissables, et rendus à l'immatérialité qui est la morale de ce monde-ci, où les textes n'ont été qu'une intrusion brusque. Aucune nostalgie protubérante enroulée le long du souvenir des textes, corde de pendu lianeuse venue viander le sentiment primitif, la prénatalité du couchant : non, il est dans l'ordre que les textes disparaissent. Qu'on fasse comme s'ils n'avaient jamais été.
À l'époque, je voyais encore des choses à sauver, savez-vous cela, Guillaume ? Je voyais simplement une chose à sauver, essentielle, qui était le monde, et qui se confondait avec ma propre existence, mon existence intime, et avec l'existence de tous les autres, sans séparation proclamée (mais avec des valeurs, du volontarisme, etc., par exemple). Ce monde a lentement, pâlement, décisivement, fermé ses portes. Il n'y a rien à sauver. On ne sauvera rien, j'en suis persuadé absolument et c'est une persuasion qui informe la chair avant de cloisonner l'esprit, de le reclure dans la claustration (eh oui). On ne sauvera rien, rien, rien. Inutile de s'agiter, inutile de quêter la valeur proclamée ou revêche, retorse de quoi que ce soit. [...] À présent, c'est moralement que je me sens un étranger parmi les êtres humains, ou vestiges d'êtres humains, qui peuplent encore, à l'état civil, mon pays — qui le fut un jour.
Il y avait pourtant eu, comme partout ailleurs, des saisons de mélancolie erratique et de vagabondages urbains, où des feuilles croupissaient dans l'eau stagnante des bassins du jardin, où les tons s'alourdissaient comme sous l'effet du mercure, où les dryades sculptées dévalaient leur blanc visqueux sous les tentures des feuilles roussies, où les reflets dans l'eau — brune, presque noire comme la saison avançait — étaient disjonctés par la mélasse : l'eau noire, cette idée couvait un rêve sommaire, un rêve de la matière réalisé, et les gouffres d'une mélancolie des premiers âges. Il y avait eu, comme partout, des saisons revêches où le parc devenait de vieil or passé, où l'eau des cruches, des bassins et des lacs de montagne s'approfondissait, où n'accostait plus aucun bateau à aucun rivage, et où un mot comme narcissisme, par exemple, ne pouvait plus être prononcé : tant l'air avait acquis d'évanescence.
C'est là que je suis né à la musique, et au poème — c'est là que je suis né au langage, seul matériel combustible que je possède encore, unique possession pas démentie ; au langage, resté ma seule autorité. Les chemins traçaient entre les herbes verticales et un peu mouillées des raffuts noirs, des bahuts noirs, sous des peupliers gris filtrant une lumière diffractée de kaléidoscope, menacés par les aplats d'un ciel de glaise bleue. Des couleurs intérieures à la terre, immobiles et patientes comme les couleurs des profondeur d'un lac, meublaient l'espace extérieur. Les fossés étaient pleins et soyeux comme un alcool de riz. Des lignes d'avions striaient le ciel de leur poudre blanche et beurrée, qui délimitaient la sensation de l'illimitation et la continuité des horizons ; le fleuve royal coulait plus loin.
Marien DEFALVARD – Des possibilités de musique sur un île paradisiaque (RTBF, 2019)
L’émission « L’île Paradisiaque », par Camille de Rijck, diffusée le 6 août 2019 sur Musiq3. Présence : le poète en personne pour parler de Narthex.
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