Les premiers romans, c'est rarement facile à évaluer, à commenter, à critiquer. C'est rarement parfaitement maitrisé un premier roman, il y a nécessairement des choses qui clochent, des choses qui agacent, mais la question est de savoir si « cette » voix nous parle, ou tout au moins, nous porte.
On peut dire que
François-Xavier Delmas, dans
Ma vie de saint, a quelque chose qui fait qu'on le suit, avec attention, dans cette quête quelque peu étrange de partir à la recherche des morceaux du saint Francisco Javier, éparpillés un peu partout. Xavier écrit l'histoire du saint homme, sous le conseil de son père, lancé comme ça pendant un repas. L'idée des reliques lui vient de sa grand-mère et de son goût pour les miettes.
S'il est dit en 4e de couverture que « le narrateur s'en fiche » de la vie du saint, je nuancerai et dirai que cette histoire est malgré tout essentielle, car tout le récit est construit autour. Même s'il est vrai que cet « illustre homonyme » lui sert principalement à parler de lui-même, de sa relation à son père, sa mère, ses frères aînés, ses tantes excentriques, ses hommes qui ne s'intéressent pas à lui, et autres réflexions personnelles, c'est par la vie du saint homme, par le voyage qu'il entreprend que tous les souvenirs et les souffrances de Xavier réapparaissent. C'est par des digressions permanentes, que Xavier tissent le fil de son récit. Et il faut le dire, c'est plutôt bien fait. Xavier entremêle avec habileté les faits historiques liés avec Francisco au 16e siècle, avec une anecdote sur lui-même, en y ajoutant un commentaire sur la situation actuelle en Inde,... Avec des phrases incisives, il parvient à créer du rythme, on suit comment ça se passe dans sa tête. Il y a aussi l'humour. On retrouve plusieurs passages drôlatiques, un humour assez particulier, je vous l'accorde, avec nonchalance, l'air de rien, et où il se moque souvent de lui-même.
Certains aspects en revanche sont plus faibles, moins aboutis. D'abord, il y a la ligne directrice du récit, en crescendo. Si cette idée n'est pas mauvaise en soi, et même qu'au contraire, le crescendo fonctionne bien en littérature, formule gagnante, ici la formule est peut-être trop apparente, voire trop mécanique. le début tout le monde est gentil, une famille respectable de Neuilly, un Xavier pur et chaste, mais au fur et à mesure tout devient sombre, tordu, déchiré, à l'image de la fervente fidèle qui arrache et avale deux doigts de pied du saint homme.
Dans la première partie, il m'a semblé que plusieurs détails sonnaient faux, étaient en trop, comme si le fait de donner des détails insignifiants rendaient le récit plus vrai. Certains se veulent drôles, sont là pour nous faire rire, sans pourtant vraiment y arriver.
Au milieu du récit, lorsque Xavier est bien parti, dans une chapelle perdue en Inde, ou sur une plage, et qu'on a compris que cette histoire de partir à la recherche des os, ça l'arrange, ça lui permet de prendre la fuite, il s'adonne à une nouvelle digression, plus importante que les autres, celle du cinéma l'Atlas. Sans trop en dire, ce cinéma particulier, où certains travestis font le bien, « délivrez-nous du mal » ou « ceci est mon corps », on sent que le récit change de registre, que le Xavier nous cachait bien son jeu, derrière cette vie sage et rangée.
Par contre, la déception est grande lorsque les quelques pages suivantes nous livrent une morale teintée d'exotisme assez primaire. Francisco va en Inde avec l'idée de faire le bien, d'indiquer la bonne direction à prendre, quitte à piétiner les autres dieux, alors que Xavier veut faire le contraire, se laisser guider par ce pays qui le passionne. Il ne veut pas dire aux Indiens comment vivre, mais l'inverse, que ce peuple vienne l'éclairer.
Dans les dernières pages, malgré tout, comme une éclaircie, Xavier parvient à dessiner une relation père-fils touchante parce que tout en nuances, avec ses paradoxes et ses contradictions. On ferme le livre et on se dit que la douceur ne se trouve pas toujours où on l'attend.