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EAN : 9782913372825
232 pages
La Fabrique éditions (17/10/2008)
4.39/5   28 notes
Résumé :
L’idéologie dominante nous enjoint de tolérer l’Autre. Les textes de Christine Delphy nous montrent que celui qui n’est pas un Autre, c’est l’homme, et l’homme blanc.
C’est sur la base du sexe, de l’orientation sexuelle, de la religion, de la couleur de peau et de la classe que se fait la construction sociale de l’altérité. L’Autre c’est la femme, le pédé, l’Arabe, l’indigène, le pauvre. La république libérale tolère, c’est-à-dire qu’elle tend la main, prenan... >Voir plus
Que lire après Classer, dominer : Qui sont les autres ?Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Je ne vais pas vous mentir, il y a bien plus de choses à dire sur ce livre que ce que je ne fais dans ma chronique. Mais voilà, c'est un essai et, en plus de développer des idées et de présenter des faits, comme tout autre essai, il invite à la réflexion, à se questionner et questionner le monde dans lequel nous vivons… sauf que je ne suis pas là pour vous faire une dissertation, simplement une chronique pour vous expliquer pourquoi j'ai aimé Classer, dominer – Qui sont les autres ? de Christine Delphy.
Pour commencer, si Classer, dominer a été publié en 2008, il est bon de noter qu'il s'agit d'un regroupement de textes, d'articles et de discours de Delphy rédigés ou prononcés entre 1996 et 2006, et ils reviennent sur les événements et lois qui faisaient l'actualité. de fait, ça m'a beaucoup parlé car j'ai vécu ces choses et je commençais à les comprendre, de mon jeune âge. Je pense notamment aux attentats du 11 septembre 2001 et tout ce qui en a découlé. de lire cet essai vingt ans plus tard, ça m'a permis d'avoir un recul sur les événements et plus de maturité. Je pense que pour les personnes qui étaient encore des nourrissons à l'époque, le livre va peut-être parfois paraître opaque – pas difficile à comprendre, mais d'une époque lointaine. Toutefois, je le pense accessible à toutes et tous, déjà parce que ce qui y est écrit est simple à comprendre et, à part le début où certains paragraphes méritent un peu de concentration, il se lit bien, il n'y a pas de notions abracadabrantesques… C'est le type d'essai par lequel il est simple de débuter si vous n'avez pas l'habitude de lire ce genre de livre. Et, maintenant que j'y pense, je crois que les touches de sarcasmes (très plaisantes) y sont un peu pour quelque chose, ajoutant une petite pointe d'humour à un sujet lourd.
« Qui sont les autres? » interroge le titre et Delphy y répond dès le début de l'ouvrage : ce sont les personnes qui ne sont pas dans la norme. Quelle est cette norme ? L'homme blanc hétéro (aujourd'hui, nous rajouterions « cisgenre »). Je ne me souvenais pas du résumé et j'ai été surprise que la sociologue nous y réponde si vite ; de quoi allait-elle bien pouvoir nous parler par la suite ? Eh bien elle nous donne des exemples d'oppression des Uns sur les Autres par le biais de l'actualité, que ce soit le droit des hétérosexuel·les à s'afficher en public, se marier… contrairement aux homosexuel·les (les choses ont certes évolué depuis, mais ce n'est pas encore ça), que ce soit les droits que s'octroie un pays (les Etats-Unis d'Amérique) sur des personnes qu'il emprisonne, torture, etc. (Guantanamo), que ce soit les pouvoirs des Blanc·hes sur les Noir·es, etc. Il y a énormément de sujets qui sont traités et ils sont tous très intéressants et pertinents. Si le chapitre sur les homos m'a moins passionnée que d'autres, celui sur le voile m'a beaucoup plu (rappel du contexte : au début des années 2000, l'Etat français a fait passé une loi sur le port du voile et c'était, de ce qu'il s'en disait, une question de laïcité).
Bien sûr et hélas, subir une oppression n'empêche pas d'en subir une autre (ou d'autres). Vous pouvez très bien être une femme (l'Autre des Uns, les Uns étant les hommes) et noire (les Un·es étant les Blanc·hes), etc. Classer, dominer est riche d'informations, de réflexions, et pourtant il se contente de quelques oppressions ; il n'y est pas question de classe, de validisme, etc. Si on voulait parler de tout, je pense qu'il faudrait bien dix essais de ce format, et ce ne serait probablement qu'effleurer certains points ! Cela dit, celui-ci nous permet déjà de réfléchir et rien n'empêche de s'interroger sur d'autres sujets par la suite. A dire vrai, je trouve que là est tout l'intérêt d'un essai : une fois lu, on y pense encore, on envisage différemment les choses…
Enfin, je partage avec vous une chose qui me semble essentielle de retenir de Classer, dominer : nous vivons dans un système oppressif et, par conséquent, nous ne sommes jamais neutre. Qu'on le veuille ou non, nous sommes toujours dominant·es et dominé·es.

Bonne lecture à vous, et bonne réflexion.
Lien : https://malecturotheque.word..
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Un essai très intéressant et plutôt accessible de Christine Delphy, sociologue et philosophe française féministe. On m'a beaucoup dit que son fameux "L'ennemi principal" était plutôt difficile à lire, j'essaierai bientôt pour me faire un avis...
Dans cet ouvrage qui regroupe plusieurs textes (article, conférence...), on peut sauter un chapitre, aller vers ce qui nous fait envie. La thèse principale est que le concept d' "autre" est inventé par la tradition occidentale. La haine du différent ne peut pas s'appliquer au ressenti d'une société entière : c'est une façon de cacher une division hiérarchique, de ne pas nommer des relations de pouvoir. Un groupe dominant crée toujours l' "autre", se présentant ainsi comme la norme.

Le privilège des dominants est de nommer et de classer. Ils peuvent catégoriser et asseoir ainsi différentes oppressions : sexisme, racisme, homophobie...

Christine Delphy n'a pas peur de tâcler la psychanalyse, de critiquer les défenseur-euses de l'universalisme (qui peut servir d'excuse pour attaquer ce qui est considéré comme du communautarisme), l'héritage colonialiste français (qui débouche sur un système de castes), les associations soutenues par l'institution comme Ni putes ni soumises...
Et de militer en faveur de l'action positive (appelée aussi discrimination positive), de la compatibilité des luttes (antiraciste, antisexiste...). Elle décortique longuement, dans le dernier chapitre, les débats autour du foulard ou voile en France, et toute une polémique aux relents islamophobes, qui dissimule la violence sexiste ordinaire. On aime croire que la violence sexiste est réservée aux banlieues, aux Noirs et aux Arabes, et Christine Delphy rappelle la violence sexiste ordinaire.
L'argumentation est bien maîtrisée, le ton parfois cinglant. Je n'ai pas trouvé tous ses raisonnements infaillibles mais Christine Delphy donne beaucoup à penser, et enrichit la réflexion féministe.
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Compilation de textes de Christine Delphy dans lequel l'usage d'"un style offensif, incisif et souvent drôle" rend la lecture bien plus vivante et agréable que ce qu'un livre de sociologie/philosophie classique pourrait proposer.

Sans prendre de pincettes, Christine Delphy expose les processus communs à toutes les formes de domination dans la société occidentale pour exploiter, discriminer, marginaliser celles et ceux que le groupe dominant choisit d'appeller "les autres". D'abord une brève introduction théorique dont la thèse centrale explique que la création d'une division au sein de la société s'accompagne systématiquement d'une hiérarchisation, qui est le fruit d'un processus social (et matériel) et donc ne relève pas d'une différence qui serait essentielle (c'est l'extension du marxisme aux autres formes de domination, féminisme matérialiste pour citer le courant le plus important). Puis, si vous n'êtes pas convaincu.e, la lecture de tous les textes qui suivent illustrera son propos. Des textes engagés qui permettent d'ouvrir les yeux sur la réalité que les groupes dominants veulent cacher. La force de ce livre : pousser à la réflexion, à voir plus loin que ce qu'on nous montre, à se remttre en question (car on est toujours dominant.e, coucou l'intersectionnalité) ... Lorsqu'on referme le bouquin, on comprend malheureusement qu'il serait possible d'écrire encore des centaines de textes comme Christine Delphy a osé le faire.

Merci pour ce livre enrichissant !
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
La description des légumes n’a pas les caractères d’une ordination : choux-fleurs, carottes, auber­gines, poivrons, ne sont pas distingués dans un souci hiérarchique. En revanche, quand cette caté­ gorisation est à la fois dichotomique et exhaustive, quand tous les légumes ou tous les êtres humains sont classés dans une catégorisation qui ne com­prend que deux termes, et dont aucun légume ou être humain ne peut sortir car ne pas appartenir à une catégorie implique nécessairement d’appar­tenir à l’autre, cette catégorisation est faite dans le but de les hiérarchiser : l’une des catégories est for­cément supérieure à l’autre et l’autre forcément inférieure à la première.
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Le regroupement des homos, c'est du com-mu-ta-ris-me, ni plus ni moins. Personne ne sait exactement ce que c'est - c'est la fonction du mot politique que d'être flou et plein de menaces d'autant plus terribles qu'elles sont moins précises. On craint le pire.

Un État gay en Ariège, peut-être ?

Cette hystérie est surprenante, et son prétexte plus encore. Le communautarisme, le vrai, c'est la coexistence dans un même État de règles différentes pour des segments différents de la population, qu'on appelle alors des communautés. C'est le cas au Liban, où les Druzes ont un droit civil différent des Maronites, qui ont un droit civil différent des musulmans. C'est le cas en Israël, en Inde (entre autres pays), où des « codes de statut personnel » règlent le mariage, la succession, etc., selon l'appartenance religieuse des gens. Ce n'est pas, à ma connaissance, ce que demandent les mouvements homo, ni ici ni ailleurs. En fait, ils demandent très exactement le contraire : ils demandent à ce que la loi commune leur soit appliquée ; à ce que soient abrogées les exceptions et dérogations qui les constituent en catégorie spécifique. C'est la situation présente qui constitue un communautarisme de fait ; pas leur fait, mais celui de la société qui les traite de façon discriminatoire. Et ils veulent la fin de cette situation. (p. 84-85)
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[Le « modèle français »] a érigé le genre dominant en modèle, ce qui était facile tant que celui-ci était le seul. Dans un deuxième temps, sommé par le genre dominé de lui faire une place, il lui dit : « Entrez et faites comme chez moi. » Il demande au dominé de se conformer à son modèle, d'être comme lui. C'est évidemment impossible, car les hommes ne sont des hommes que dans la mesure où ils exploitent des femmes. Les femmes ne peuvent donc pas, par définition, faire comme les hommes, 1) parce qu'elles n'ont personne à exploiter ; 2) parce qu'il faudrait qu'elles cessent d'être exploitées elles-mêmes pour pouvoir être à égalité avec les hommes, et 3) parce que si les hommes n'avaient plus de femmes à exploiter, ils ne seraient plus des hommes. C'est pourquoi les femmes ne peuvent pas être les égales des hommes tels qu'ils sont aujourd'hui, car « tels qu'ils sont aujourd'hui » présuppose la subordination des femmes. (p. 67-68)
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L’autre aspect de ce refus, c’est qu’en les nommant, l’Autre, l’inférieur, le Noir, la femme, le pédé, la gouine usurpent leur privilège. Et leur privilège, c’est justement de nommer les indivi­dus, de les rassembler en catégories indépendam­ment de ce que les intéressés disent ou veulent, de les classer. Parce que classer, c’est hiérarchiser. Parce qu’aucun nom n’est neutre: «homo­sexuelle », ce n’est pas une description, c’est le nom d’une catégorie sociale inférieure. C’est ce qu’on fait à l’Autre. C’est comme ça qu’on signale que l' Autre est Autre.
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Parce que classer, c'est hiérarchiser. Parce qu'aucun nom n'est neutre : « homosexuelle », ce n'est pas une description, c'est le nom d'une catégorie sociale inférieure. C'est ce qu'on fait à l'Autre. C'est comme ça qu'on signale que l'Autre est Autre.
Quand l'Autre rend réciproque ce processus qui est par définition non-réciproque, il/elle bouleverse la règle du jeu, il/elle met en cause au moins symboliquement l'ensemble de l'organisation sociale. Car les dominé-e-s sont dominé-e-s soi-disant en raison de leurs caractéristiques spécifiques ; mais nommer les dominants c'est les spécifier à leur tour. Et les spécifier d'une façon qui annule, toujours sur le plan symbolique, leur supériorité : car il existe une égalité formelle entre les appellations, du moins du point de vue de la prétention à l'universalité ; « blanc-he » est aussi particulier que « noir-e » ou « homosexuel-le ». Remplacer l'opposition « général » versus « spécifique » par l'opposition entre deux particularités, c'est s'attaquer au tabou des tabous, au sacré : à la mainmise des Uns sur l'universel. (p. 40)
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Videos de Christine Delphy (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christine Delphy
Il y a 50 ans, neuf féministes rendaient hommage à la femme du Soldat inconnu sous l'Arc de triomphe. Réprimées, médiatisées, elles écrivent sans le savoir l'acte de naissance du "Mouvement de libération des femmes" (MLF) qui structurera le mouvement féministe français. Des années plus tard, Christine Delphy s'en souvient.
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