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EAN : 978B08HDLL7S3
86 pages
(11/09/2020)
4.88/5   8 notes
Résumé :
« La seule barrière entre la souffrance et l’apaisement, entre le désespoir et la sérénité, est parfois cet homme ou cette femme en blanc au chevet d’un malade. Pourtant, cet uniforme ne dispense d’aucun devoir, ni ne protège d’aucune souffrance. »

Je travaille comme infirmier en réanimation. En quatorze ans, je suis passé par des hôpitaux de Paris, Limoges, Rennes, puis Montréal au Québec.
En 2009, à la fin d’une journée de travail plus éprou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Emmanuel Delporte, découvert par le thriller Répliques, publie en autoédition des chroniques sur son principal métier, infirmier en réanimation, sobrement intitulées Chroniques de la Réa.

Plongée dans le dur métier de soignant
Emmanuel Delporte nous transporte directement dans le quotidien, tantôt usant, tantôt frustrant d'un infirmier dans un service de réanimation. Entrées incessantes, pauses mitigées, moments stressants : on entre tout de suite dans le dur avec les premières chroniques. Puis, cela devient plus technique : apprendre à gérer ses émotions face à la mort, faire vite et parfois mal avec les patients, doser ses réactions et notamment vis-à-vis de la hiérarchie, des parents des patients. Voire philosophique : quelles limites mettre entre son empathie personnelle et les relations avec les patients ? Emmanuel Delporte balaye ainsi largement la vie des soignants, et plus particulièrement de ce lieu spécifique qu'est le service de réanimation. Plus généralement, même si ce n'est pas le but premier de ce livre, on peut y voir de larges points communs entre ce témoignage de soignant et celui que pourraient formuler un enseignant, un policier ou un pompier (la proximité avec la mort n'étant pas le point commun, mais plutôt les paradoxes entre demande de reconnaissance et manque de moyens, empathie habituelle et recul nécessaire, etc.). La question principale posée par ces chroniques peut alors être : jusqu'où est-ce une « vocation » d'être dans le service public hospitalier ?

Souffrances et joyeusetés
Le premier de ces textes avait été publié dans le journal le Monde en mars 2009 (aucun lien avec la pandémie Covid-19 donc) et l'auteur semble y avoir pris goût. Attention, ici, ce n'est pas Bernard-Henri Lévy ou un quelconque autre toutologue qui profite de la pandémie actuelle pour sortir un énième livre et parler de ce qu'il ne connaît pas. Ici, poser quelques mots sur le papier pour résumer une journée de travail ressemble assez vite à un exercice cathartique. C'est qu'il y en a de la souffrance en réanimation. Y entrer n'est pas un acte anodin et suivre cette « chronique didactique » permet de comprendre les logiques parfois complexes d'admission ou non dans ce service, ainsi que les conséquences de cette admission sur l'état physique du patient. Et, en plus, c'est vrai qu'on en apprend des termes nouveaux ; comme dans tout métier, il y a des acronymes dans tous les coins, si on s'y attarde un peu, et l'auteur s'en amuse, histoire de varier les plaisirs face à certaines situations très lourdes. Attention, nous n'avons pas ici un inventaire à la Prévert de tout ce qui peut défiler comme cas dans un service de réa, c'est avant tout un ressenti qui est proposé par l'auteur. C'est une autre vision de la médecine « moderne » que nous pouvons découvrir dans ces textes francs du collier, à lire peut-être en parallèle du livre de Sabrina Ali Benali, également sur le système hospitalier français, extrêmement efficace et efficient, mais plombé par les logiques budgétaires et managériales.

Ces Chroniques de la Réa remuent « un brin » le lecteur, mais c'est nécessaire dans cette période où nous aurions tendance à saluer les individus sans comprendre le système mis en place depuis plusieurs décennies (Sécurité Sociale efficace, mais vidée de ses moyens budgétaires).

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J'ai eu la chance de lire « Chroniques de la réa » d'Emmanuel Delporte en avant-première.
Je vous avertis : on est très, très loin du brûlot opportuniste écrit à la va-vite à l'occasion de la crise du covid (qui se sent morveux se mouche).
Bien au contraire, il s'agit d'une compilation de textes remarquables que l'auteur a écrits tout au long de ses quinze années de carrière en tant qu'infirmier, principalement en réanimation, dont certains furent publiés sur son blog ; et si un dernier chapitre (dont vous pouvez graver la conclusion en lettres d'or sur le mur de votre chambre pour que ce soit le premier truc que vous lisiez tous les matins en vous levant) a été ajouté à la dernière minute pour évoquer cette pandémie, tout le reste était déjà bouclé avant que ce gentil virus ne nous tombe sur le coin de la figure, et cela se voit.
Au fil des excellents chapitres de ce livre, tous très intenses et sans temps mort ni parent pauvre, l'auteur décortique les grands sujets de société autour desquels nous biaisons et louvoyons depuis trop longtemps. Vous savez, ces pots de pus dont il faudra pourtant bien s'occuper un jour : la vieillesse et la dépendance, la maltraitance institutionnalisée, le management hors-sol et inconscient des réalités du terrain, l'éthique et la déontologie médicales, la question brûlante de la mort dans la dignité et du suicide médicalement assisté, la fuite vers l'avant des technologies de réanimation (jusqu'où faut-il réanimer ?), la misère sociale, la relégation économique et leur cortège de conséquences terribles sur la santé…
En partant de la réalité froide et sans fard, Delporte élève le débat et se fait tour à tour psychologue, sociologue et même anthropologue, mais jamais il n'oublie de rester un « simple » infirmier en réa, pleinement conscient de ses responsabilités et devoirs, mais aussi de ses limites. On admirera plus d'une fois la droiture du bonhomme et sa volonté inflexible de ne juger personne, ni ses chefs, ni ses collègues, ni les politiques, ni les patients, tout en sachant – et en reconnaissant – que c'est objectivement impossible, et que c'est aussi une donnée à prendre en compte pour tenter de rendre l'hôpital plus humain.
Un livre lumineux et d'une incroyable humilité, écrit par un professionnel chevronné, doublé d'un type bien et triplé d'un excellent écrivain. Un livre à mettre entre toutes les mains, et qui devrait même être reconnu d'utilité publique.
En le refermant, il m'est venu cette pensée : le jour où j'aurai (moi, ou l'un de mes proches) une embolie pulmonaire, un AVC ou un arrêt cardio respiratoire, je veux que ce soit ce mec-là qui s'occupe de moi. Je lui confierais ma vie ou celle des miens sans aucune hésitation, parce que je sais qu'il ferait tout ce qui est humainement et technologiquement possible pour nous sauver. Et que s'il abandonne, ce sera parce qu'il n'y avait plus rien à faire, et/ou parce qu'il sait que ça vaut mieux pour tout le monde.
Je veux que ce soit lui, ou plus raisonnablement, quelqu'un d'autre comme lui, et je sais qu'ils sont très nombreux, même si tous n'écrivent pas aussi bien.
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Comment aborder un thème aussi délicat que l'état de l'hôpital en France à notre époque, et surtout, sans compromis ?
Si je connaissais Emmanuel Delporte grâce à ses romans et nouvelles fantastiques, je connaissais moins l'homme de métier, au coeur même du combat hospitalier. J'ai donc abordé cet ouvrage avec un certain a-priori, car je m'attendais à une lecture difficile, entre combat de société et récits plus ou moins sanglants. Il n'en est rien, bien au contraire. C'est avec facilité qu' Emmanuel Delporte nous emmène au coeur du service de Réanimation, O combien mis en avant ces derniers mois avec la pandémie de Covid19. Loin d'être une critique sans fondement du système de santé en France, il montre avec humanité le quotidien de ceux qui luttent pour sauver des vies, souvent au détriment de la leur. Au détour d'exemples concrets, Emmanuel Delporte nous dépeint le travail de ceux qui tentent l'impossible avec, souvent, les moyens du bord, qui fondent comme peau de chagrin depuis des années. Car on oublie régulièrement que ces hommes et ces femmes, mis en avant ces derniers mois, sont des êtres humains, qu'ils vivent, souffrent, aiment, et ont une famille. Comment vivre, justement, quand on est confronté au quotidien à la mort et à la maladie ? Comment ne pas avoir peur pour soi, pour ses proches, lorsque l'on s'occupe de patients contagieux ? le métier doit-il prendre le dessus sur tout le reste ?
Emmanuel Delporte nous dresse avec ses chroniques de la réa un état des lieux peu reluisant, et nous apprend à porter un regard neuf sur ceux qui se présentent souvent comme la dernière chance des patients en réanimation.

Un livre sensible, réaliste, terriblement actuel, et accessible à tous (j'ai appris pas mal de choses à sa lecture, alors que je ne suis absolument pas familier avec les termes médicaux!). Si vous souhaitez avoir un autre regard sur ces infirmiers, médecins, qui donnent leurs vies pour sauver la vôtre, n'hésitez pas ! une lecture agréable malgré le sujet qui peut paraître difficile, avec une petite touche d'humour de temps en temps, ce qui ne gâche rien !
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Je referme ce livre après avoir tourné ces pages dont la lecture faisait résonner des moments vécus. Car oui c'est bien le quotidien d'un soignant de réa qu'Emmanuel décrit ici.
Vous comprendrez peut être pourquoi un soignant de réanimation à l'hôpital ne sait pas manifester, (il commence juste à apprendre à faire grève), pourquoi il peut vous sembler froid et détaché, pourquoi il ne voit que le pire, pourquoi il rit de choses alors qu'il vous semble incongru d'en rire.....
Les médias en ont fait les gros titres , Emmanuel vous parlera avec des mots simples et drôles parfois mais toujours à propos de choses concrètes ..... de ce que vraiment nous vivons de l'intérieur.
Alors encore Merci Emmanuel pour avoir ce talent de mettre en mots ce que nous tous ,soignants, (ou une grande majorité du moins) avons dans la tête et dans le ventre.
Tellement de non dits dans ces services: avouer ne pas savoir, ou avoir mal vécu une situation ou une autre, est souvent perçu comme une faiblesse..... et dans ces services où la technicité est mise en exergue, la faiblesse relève trop de l'humain sans doute.
Merci, pour ces questions que tu m'as faites me poser.... « pourquoi nous le faisons? » me renvoie à « le faisons nous encore comme il faut »?
Le plus dur n'est pas de partir mais de rester mais jusqu'à quand tenir avant que cela ne nous dévore sans aucun sens ......
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Tout d'abord il me semble important de vous dire que ce livre se construit depuis une décennie au fil des expériences plus ou moins dures de l'auteur. Maintenant, entrons dans le vif du sujet. Qu'est-ce que j'ai bien pu penser de ce livre… et bien ça a été une expérience très enrichissante. Pourquoi me demanderez-vous ? Et bien parce qu'on sent réellement les choses se passer de l'intérieur. J'ai déjà travaillé à plusieurs reprises dans différents services d'hôpitaux, mais dans le technique. Et déjà à ce niveau on sent le manque de moyens et le fait que les grattes papiers sont là pour faire du profit et ne pas s'occuper de l'humain.
Et bien dans certaines de ces chroniques je peux vous assurer qu'on peut sentir le dysfonctionnement de ce service public. Emmanuel nous transporte dans la complexité, le sentiment du devoir accompli et parfois aussi le mal être de la profession comme dans la nouvelle Tais-toi et soigne ou IMV.

Il y a des textes qui ont eu plus d'échos en moi que d'autres. Car là où ce livre est vraiment prenant c'est qu'on s'identifie automatiquement aux personnages des récits. On se dit : « Mais oui, je pourrais être dans la même situation ». Et quand on lit les réactions des gens comme on nous les rapporte dans ces chroniques on se dit que c'est un peu exagéré. Mais c'est parce qu'on est au fond de notre canapé ou de notre fauteuil. Mettez-vous ne serait-ce que 30 secondes dans la peau des familles ou des personnels soignants et réfléchissez.
Je dois admettre que j'ai même eu les larmes qui me sont montées une fois ou deux car la situation était tellement réaliste que ça part tout seul.

Bref, grâce à cet ouvrage on voit des tranches de vie des services de la réa. Et je pense que vous pourrez chercher, ces chroniques s'appliquent à toutes les réa de France et même du Québec au vue de ce que dit l'auteur.
Je terminerais en vous disant qu'il faut avoir un immense respect pour ces personnels. Et même s'ils vous paraissent froids ou sans coeur, pensez qu'il doivent se faire une carapace pour pouvoir continuer leur travail de fourmis pour continuer à nous sauver. Emmanuel nous parle aussi sur la dernière nouvelle de la période du COVID-19. C'était beau de voir les gens applaudir ces travailleurs, mais aujourd'hui, maintenant que les choses sont dans un équilibre un peu précaire, est-ce que vous pensez toujours à eux ?
Lien : http://la-taverne-du-nain-ba..
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Je ne connais pas l'avenir. Aucun de nous ne le connaît. Mais si nous ne changeons rien [...], si les productions industrielles restent aussi délocalisées, favorisant les échanges commerciaux intercontinentaux et polluants, si la déforestation et la destruction des habitats naturels d'animaux sauvages restent aussi intenses, si les politiques publiques ne donnent pas de moyens suffisants aux hôpitaux et ne revalorisent pas les métiers des soignants, si enfin, les populations [...] ne revoient pas leur manière de penser le monde et leurs priorités, et ne travaillent pas ensemble pour créer un monde plus solidaire et réactif, qui ne dépendrait pas que d'une poignée de "héros" [...], alors j'imagine que les conditions seront réunies pour qu'une nouvelle catastrophe d'ampleur mondiale surgisse. Un "héros" [...] retournerait en première ligne sans se poser de questions. Mais un être humain de chair et de sang, conscient de sa propre vulnérabilité, père ou mère de famille, qui porterait un regard lucide sur l'institution hospitalière et sur la société dans son ensemble, pourrait légitimement se demander si ce combat, si ces risques, si cette dévotion valent vraiment les risques encourus.
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Ils le montraient du doigt, se moquaient de lui, le gros lard qui suait par tous ses pores en été, quand il faisait chaud ; il sentait fort, il arrivait à peine à se traîner jusqu'à la supérette, effort surhumain, et les gamins, ces sales gosses, l'insultaient en riant et lui jetaient de vieux mouchoirs roulés en boule. Ses yeux trop jaunes, son nez trop rouge, ses tremblements à la caisse, la monnaie qui tombait, et son humiliation, sa honte d'être si indigne de vivre, de ne pas faire partie du monde, lui étaient devenus insupportables. Alors il retournait chez lui en baissant les yeux, verrouillait la porte, et continuait à mourir, son pochon plein de bouteilles, fioles létales, poison délicieux. Personne ne le pleurerait, lui qui dès l'école primaire se faisait racketter, lui dont les élèves populaires baissaient le pantalon et dans le cartable duquel ils crachaient pour faire rire les jolies filles, celles avec lesquelles il ne partagerait jamais rien que des fantasmes vides. Une vie brisée, des tonnes de ressentiments, des regrets par kilos.
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Mais nous savons que la souffrance et la mort est pour ceux qui vivent, pour ceux qui sont encore là, sans l'autre désormais, à jamais. La douleur du cœur déchire l'âme bien plus que celle du corps. Un homme s'écroule, à genoux, tremblant, si faible, si petit face à l'inéluctable, nous prend dans ses bras, pleure, crie, et même hurle parfois. Il aurait envie de nous frapper peut-être, de se faire du mal, de rejeter sa colère et sa peine sur quelqu'un, de trouver un responsable. Mais il n'y en a aucun. "Non, il n'y avait plus rien à faire. Oui, nous avons nous tenté." Mais parfois, rien ne marche ; parfois, tout n'est pas assez. Et comment l'expliquer ? Comment l'accepter ?
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La réanimation est un service de haute technicité, mais ces moyens techniques prodigieux et récents posent de nouvelles questions, nous obligent à nous interroger sur la nature métaphysique de la vie humaine. Nous avons repoussé les frontières de la mort, et il nous faut maintenant comprendre ce qu’est la vie. La vraie question est là : en sommes-nous capables ?
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Depuis ce jour, dès que je suis heureux ou triste, mes yeux se remplissent de larmes, sans que j'y puisse rien, sans que je le veuille. Depuis ce jour, j'ai compris qu'il faut vivre, vivre sans tricher, sans se planquer. Vivre en donnant tout, et profiter de chaque instant. Parce qu'à tout moment, la vie peut reprendre ce qu'elle a donné, sans préavis.
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