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EAN : 9782070369690
306 pages
Gallimard (14/05/1977)
3.74/5   31 notes
Résumé :
Il n'y a plus de tours d'ivoire où s'enfermer, mais il y a encore des îles où l'on goûte un répit.
L'Adriatique et la mer Egée en comptent quelques centaines. Environ quatre-vingts d'entre elles sont dignes d'attention par leur passé ou leur présent, belles ou froides, vivantes ou mourantes. De Spetsai à Patmos, en passant par Rhodes, Corfou, Lesbos, Skyros, Paros, Antiparos, Naxos, Chypre, Hydra, Kalymnos et Léros, l'auteur du taxi mauve a réuni une gerbe d'... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Le Rendez-vous de Patmos / Michel Déon (1919-2016) Académie Française.
Il existait encore, au moment où Michel Déon écrivit ce récit c'est à dire en 1971, des îles où l'on pouvait goûter paix et répit. Patmos dans l'archipel du Dodécanèse en faisait partie, tout comme Rhodes où commence le livre.
J'ai eu la chance de connaître personnellement ces deux îles en 1967 et j'avais été émerveillé. À Patmos, nous étions trois étrangers seulement, un suédois et une anglaise, deux de mes amis. Durant une semaine nous avons vécu auprès de la population des petites fêtes vespérales au son du bouzouki entre deux verres d'ouzo, et parcouru les chemins pentus de l'île montant depuis le port de Skala jusqu'au monastère de Saint Christodule. Pas d'hôtel à l'époque, nous vivions chez l'habitant moyennant une petite rétribution. Laissant mes amis à Patmos, j'ai rejoint Rhodes sur un ferry qui datait …Rhodes, une île paradisiaque, avec son histoire mixte gréco-turque et ses minarets, ses murailles fortifications, ses vallées, celle de Pétaloudès où voletaient des myriades de papillons, que j'ai parcourue en Coccinelle VW durant des jours, avec en point d'orgue la petite crique de Lindos dominée par une antique acropole. Seul en plein mois de juillet ! Quelle belle époque ! Aujourd'hui, des milliers de touristes sont déversés chaque jour par des villes flottantes.
Michel Déon nous fait part dans son livre de ses craintes sur ce point précis, lui qui a choisi en son temps de vivre sur l'île de Spetsai.
Après Rhodes, Michel Déon nous emmène à Corfou en nous rappelant l'Odyssée d'Homère et le naufrage d'Ulysse rejeté sur le rivage de l'île par une tempête. Baignant dans la mythologie grecque, il nous fait visiter l'île où Ulysse connut un amour sans lendemain, celui de Nausicaa, la belle princesse phéacienne fille d'Alcinoos.
« Partout des anses, des ports naturels, des prairies où paissent des moutons, des vignes étagées dans la montagne, des villages aux treilles de pampres, des plages solitaires où les troncs morts caressés par la mer dressent leurs branchent lisses et grises, et une population gaie, au visage ouvert, qui marche à grands pas sur les routes ombrées. Ulysse découvre tout cela que nous découvrions, nous, trois mille ans après lui… Nausicaa, comment ne serait-elle pas amoureuse d'Ulysse auréolé de sa légende, unique rescapé d'une aventure sans pareille ? Il est beau, il n'a pas d'âge…Un jeune coeur dont c'est le premier émoi se doit de succomber à tant de lauriers et de charme. »
Mais sa patrie Ithaque et le foyer conjugal avec sa fidèle Pénélope attendent le héros. L'aventure avec Nausicaa est terminée, elle a tenu en quelques mots et s'est conclue par un regard.
C'est le retour à Spetsai après une traversée de l'Argolide avec de nombreuses anecdotes que Déon sait nous distiller avec jubilation. Comme celles d'aventurières échouées dans un village et celles pittoresques de Grecs avec qui l'auteur sympathise.
L'arrivée à Lesbos où Déon veut séjourner suscite un certain désenchantement ; ce n'est déjà plus vraiment la Grèce, l'Asie est proche. La rencontre de quelques femmes excentriques à Mytilène venues avec l'intention d'honorer la mémoire de Sappho fait bien sourire l'auteur. Sappho, cette poétesse grecque du VIIe siècle avant J.C. dont les écrits manifestaient son attirance pour les jeunes filles.
Visite à Skyros où Thésée a trouvé la mort, tué par Lycomède. Visite de Paros et Antiparos puis Naxos aux hôtels douteux. Heureusement en Grèce, les légendes ne cessent de distraire de la réalité quand elle n'est pas celle qu'on voudrait. À Corfou, on va sur les pas d'Ulysse et de Nausicaa, à Skyros on visite le port naturel d'où embarqua Achille en partance pour la guerre de Troie, à Kos on se répète le serment d'Hippocrate, à Naxos on songe à Ariane abandonnée par son amant Thésée. Et puis pour Michel Déon, il y a les rencontres avec la population toujours enrichissante d'anecdotes souvent incroyables.
le retour à Spetsai puis le départ pour Chypre, l'île coupée en deux où règne un climat malsain entre Grecs et Turcs. Visite à Hydra et Kalimnos la bleue, Leros la jaune et arrivée à Patmos une des plus belles île du Dodécanèse. Dès l'arrivée le regard est attiré sur les hauteurs par le monastère de Saint Christodule dominant le petit port de Skala.
Michel Déon nous livre des réflexions personnelles tout au long du livre, par exemple sur la littérature française : « Elle a d'exquis raffinements dont on ne se lasse pas, un sens de l'économie des mots qui n'appartient qu'à elle, mais il lui est venu un fâcheux goût pour la politique et elle est d'usage à peu près strictement interne, ce qui n'est pas un vice mais une limitation. »
du monastère la vue est somptueuse avec les toits plats, les ruelles dallées, les escaliers plongeant dans la blancheur, le quai de Skala avec les caïques se balançant au grès de la houle qui entre dans la rade attisée par le meltem, ce vent dur venu du nord. La grotte de Saint Jean se trouve non loin de là. Pour l'auteur, cette venue à Patmos est comme un aboutissement : « Patmos que je désirais connaître depuis des années, Patmos devenait un de ces rendez-vous fatals comme je les aime, une de ces rencontres qui exaltent. »
Puis c'est retour à Rhodes. La boucle égéenne est accomplie. Que de souvenirs évoqués par l'auteur au cours de ces 330 pages magnifiques, avec en filigrane le parfum des îles et la simplicité de ses habitants. Mais Michel Déon a peur déjà à l'époque des hordes de touristes qui passent à toute vitesse sans rien connaître, sans rien découvrir, sans contact véritable avec la population. Quant à l'inépuisable roman des dieux et des héros, ils n'en n'imaginent même pas l'existence. Michel Déon plus tard partira pour d'autres cieux, l'Irlande. C'est à Galway en 2016 qu'il est mort à l'âge de 97 ans.
Un très beau récit à lire et relire.
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"Là, plus qu'en aucun endroit du monde, j'ai mûri", déclare Michel Déon. Il parle de la Grèce, bien sur, et plus particulièrement des îles grecques... dont Spetsai. Grand voyageur , mais grec par le coeur, Michel Déon nous livre son expérience à travers ce premier séjour "au balcon de Spetsai", tout en mettant en garde contre l'immobilier agressif qui pourrait bien dénaturer toute chose en Grèce.
Un récit tendre et amer de la part un esthète... Un indispensable pour goûter la délicate léthargie des îles grecques, si l'on excepte les plus connues.
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Michel Déon est un auteur passé de mode et je ne sais pas s'il passera d'autres décennies. Et c'est bien dommage, cet ensemble de nouvelles, quasi autobiographique, parle du temps qui passe, des mondes disparues d'hier et d'avant-hier. Une grande mélancolie s'en dégage, une réflexion sur la beauté, toujours éphémère... en tous cas un beau voyage dans une Grèce disparue des années 50 ou 60, mené par un érudit sensible qui cherche, sans doute, à fuir un monde moderne par trop insatisfaisant.
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Après des semaines de vagabondage dans les Sporades du sud et le Dodécanèse, Rhodes avait offert des baignoires, des portes qui se fermaient, des moustiquaires et, dans nos verres, des vins moins rustiques. Nous avions aussi, malheureusement, retrouvé des touristes, spectacle décourageant qui rabattait sur nous, comme des bouffées d'Europe, la laideur et la bêtise.
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…Et le pays où j’ai trouvé le plus de respect pour l’esprit est l’Amérique.
- Vous vous moquez de moi.
- Je n’oserai pas. Depuis quarante ans, les poètes ont été Whitman, T.S. Eliot, Frost, Ezra Pound, les écrivains Faulkner, Dos Pasos, Henry Miller, Scott Fitzgerald, Hemingway. La littérature française a d’exquis raffinements dont on ne se lasse pas, un sens de l’économie des mots qui n’appartient qu’à elle, mais il lui est venu un fâcheux goût pour la politique et elle est d’usage à peu près strictement interne, ce qui n’est pas un vice mais une limitation. (…)
La littérature française est une littérature pour aujourd’hui encore, à l’extrême limite, mais elle n’est pas une littérature pour les lendemains qu’on nous prépare. Son impuissance à prendre la mesure de l’avenir est d’ailleurs telle qu’elle se rue sur toutes les innovations destinées à épater le bourgeois, s’en grise et commet une erreur formidable : elle supprime l’homme alors qu’il n’y a que lui qui nous intéresse, il n’y a que lui dont le sort nous bouleverse, il n’y a que lui qu’il faudrait sauver.
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L’incompréhensible est qu’à travers ces couches et ces couches superposées, une flamme ait continué de brûler et que le berger dans la montagne s’appelle Léonidas, le jardinier de nos voisins Epaminondas, un garçon de café Alcibiade, que les petites filles qui viennent jouer avec Alice répondent, même avec des diminutifs, aux nom d’Andromaque, Antigone, Iphigénie. Combien de Français se prénomment Vercingétorix, Mérovée ou Clovis ?
Protester ? L’humanité ne fait que protester depuis son enfance, contre la tyrannie et la liberté, les vrais ou les faux dieux, l’intelligence ou la bêtise, la vérité ou le mensonge. Et si elle cesse un jour c’est qu’elle aura été condamnée aux travaux forcés en silence. Rien n’a donc plus d’importance que d’aimer sa vie et la protéger. Il n’y a pas d’autre attitude possible et peu importe qu’elle arrête ou accélère la marche du monde, cette glissade vers les abîmes selon les uns, cette montée vers le progrès selon les autres.
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Patmos, que je désirais connaître depuis des années, que des contrariétés diverses avaient éloignées de nos périples méditerranéens, Patmos devenait un de ces rendez-vous fatals comme je les aime, une de ces rencontres qui exaltent. Retards, indécisions, s’étaient habilement conjugués pour que je n’arrive pas ici un jour plus tôt, ni un jour plus tard.
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Ce cube hideux surmonté de son ostentatoire cabinet, je l’avais cru d’abord l’œuvre de quelque quincaillier athénien enrichi, mais non, il appartenait à un architecte qu’on voyait le jour se prélasser avec une satisfaction évidente devant son hangar. De notre maison, nous ne pouvions pas le voir. Des arbres cachaient ce chef-d’œuvre d’imbécilité prétentieuse, et le golfe déployait de la pointe sud de l’île jusqu’au môle sa splendeur sauvage. Ce qui restait m’émerveillait chaque matin, m’émerveille à l’instant où je lève la tête. La fragilité de cette beauté, l’intuition que l’on a de son saccage proche, la font encore plus aimer.
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Videos de Michel Déon (23) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Michel Déon
Des messages portés par les nuages : lettres à des amis Jean d'Ormesson Jean-Luc Barré, Martin Veber Éditions Bouquins
Recueil de lettres reflétant la grande diversité des correspondants de l'écrivain français : Marguerite Duras, Michel Déon, Raymond Aron, Jacques de Lacretelle, Jean-François Brisson, Roger Callois, Jeanne Hersch, Claude Lévi-Strauss, Simone Veil, Michel Debré, entre autres. Un dévoilement des jugements littéraires de l'auteur, de ses admirations, de son intimité et de son engagement d'écrivain. ©Electre 2021
https://www.laprocure.com/messages-portes-nuages-lettres-amis-jean-ormesson/9782221250051.html
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