Anita Desai, son nom ne révèle pas d'emblée ses origines, est née en 1937 d'un père bengali et d'une mère allemande. La plupart de ses livres évoquent l'Inde et mettent souvent en scène des personnages en quête du sens de leur existence, quand ils ne sont pas restés totalement en marge de la vie sociale et de ses exigences. Pour ce roman, elle a choisi un autre arrière-plan à l'histoire qu'elle nous conte : le Mexique.
Eric, un étudiant en 3ᵉ cycle à Boston, peine à travailler sur le livre pour lequel il a reçu une bourse. Quand sa compagne Emily l'informe qu'elle doit partir plusieurs mois au Yucatan pour des travaux de recherche sur le paludisme, il se raccroche à ce voyage avec l'espoir de relancer son intérêt pour son propre projet. Conscient qu'il ne peut suivre sur le terrain Emily et ses collègues, il décide de se rendre dans la Sierra Madre occidentale. Au début du XXe siècle, dans cette région minière, son grand-père et d'autres mineurs cornouaillais avaient été recrutés pour exploiter une mine d'argent. le jeune homme arrive donc dans une petite ville à l'état de quasi-abandon la veille du "Dia de los Muertos". Il s'est souvenu que son père est né dans cette bourgade et que sa grand-mère y est enterrée.
Anita Desai nous entraîne dans un récit à la fois poétique, fantastique et initiatique. Faut-il croire aux revenants ? En fait, ne sont-ils pas les souvenirs que les vivants refusent d'évoquer et qui les hantent année après année ? Il est difficile d'exister pleinement en ignorant – volontairement ou pas – les liens qui nous rattachent à ceux qui nous ont précédés ou accompagnés. Ainsi, Eric est un somnambule parmi ses congénères, il ne trouve sa place ni au sein de sa famille ni auprès d'Emily, maladroit à nouer des contacts et incapable de mettre des mots sur ce qu'il veut. Sa quête, vague, informulée, se fait presque malgré lui, initiée par un ténu souvenir d'enfance lors d'un séjour en Cornouailles.
L'écriture d'
Anita Desai est empreinte de douceur pour accompagner des êtres au bord du vacillement, comme Eric ou sa grand-mère Betty
Jennings dont nous découvrons l'existence fugace. Mais, sa plume sait aussi se faire ironique et cruelle pour montrer le dessèchement des êtres et l'impasse où les conduit leur froide intransigeance. Doña Vera a pris fait et cause pour les Indiens huichols et tourné le dos à un passé peu glorieux, mais cela ne l'empêche pas de bannir toute empathie et générosité à l'égard de la plupart de ses congénères. Elle vit une réconciliation impossible avec le genre humain, faute d'avoir exorcisé ses propres faiblesses. Son âme tourmentée convoque les fantômes du passé.
Une poésie lumineuse affleure sous les mots de l'écrivaine, pour accompagner la magie de la métamorphose et la réconciliation du coeur et de la mémoire.