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Antoine Desjardins (Autre)
EAN : 9782924898871
400 pages
La Peuplade (21/01/2021)
4.26/5   146 notes
Résumé :
Soumise à la frénésie incendiaire du XXIe siècle, l’humanité voit sa relation au monde déséquilibrée et assiste avec impuissance à l’irréversible transformation de son environnement.
Explorant cette détresse existentielle à travers sept fictions compatissantes, Antoine Desjardins interroge nos paysages intérieurs profonds et agités. Comment la disparition des baleines noires affecte-t-elle la vie amoureuse d’un couple ? Que racontent les gouttes de pluie fra... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (74) Voir plus Ajouter une critique
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Mon deuxième coup de coeur de l'année revient à un recueil de nouvelles québécois. Sept nouvelles très diverses reliant intimement une angoisse existentielle individuelle à un aspect de la crise environnementale. Chacune met en scène un personnage qui doit composer avec un monde en perte de sens.

Le tour de force vient du ton choisi par l'auteur, jamais moralisateur, sans aucun surplus didactique lourdaud pour réveiller notre conscience écologique et nous éveiller aux enjeux environnementaux. Et toujours à hauteur d'hommes et de femmes, qu'il s'agisse d'un enfant, d'un adolescent, d'un fils, d'un frère, d'un grand-père. Antoine Desjardins s'abstient de donner des réponses pour laisser le lecteur chercher les siennes ou sonder son âme, réfléchir à son propre rapport au vivant.

Parmi les sept, trois m'ont particulièrement touchée :

- « A boire debout », percutante avec ses québécismes et son humour insolent, mettant en scène une très jeune cancéreux hospitalisé pour une leucémie incurable. La météo apocalyptique ( pluie diluvienne, inondations liées à la montée des eaux suite à la fonte des glaces ) est au diapason de sa rage.

- « Feu doux », bouleversant témoignage d'un grand frère qui voit son frère disparaître et se retirer du monde conventionnel pour vivre ses convictions orientées vers la décroissance. Certaines pages sur la relation fraternelle sont absolument sublimes et déchirantes.

- « Ulmus americana », tout aussi bouleversante de nostalgie et de douceur d'un petit-fils qui voit son grand-père disparaître et le laisser avec son extraordinaire orme auquel il avait consacré toute sa vie pour le protéger de la graphiose.

L'agencement des nouvelles est impeccable, avec les trois pré-citées pour ouvrir le bal, encadrer les autres et clore le recueil, le tout porté par une écriture toujours très maitrisée et déliée, pleine de vivacité et de sensibilité, s'adaptant à chaque fois au rythme et à la musique de la nouvelle concernée. Je referme ce premier roman épatée par le talent de ce jeune auteur, surtout, sans être désespérée par le chaos éco-anxiogène décrit mais au contraire réconfortée par la chaleur humaine qui se dégage de cette oeuvre intelligente et profonde.

Lu dans le cadre du collectif 68 Premières fois
https://www.facebook.com/68premieresfois/
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Un recueil de nouvelles à garder à portée de lecture, pour de temps à autre s'imprégner à nouveau de l'ambiance particulière de l'un ou l'autre texte.


Ce sont sept textes, très différents les uns des autres, dans leur longueur, le style d'écriture (ne pas s'effrayer par le joual de la première nouvelle, elle offre un exotisme transitoire, dont il faut profiter avec décontraction), les personnages variés de l'enfant au vieillard, des femmes et des hommes, aussi divers que les passants sur un trottoir, même si à chaque fois le narrateur est masculin. Mais derrière les différences, un leitmotiv, un bilan sans appel, un requiem pour une humanité prise aux pièges de son incurie.

Et malgré tout, de l'espoir derrière le chant funèbre, car chacun des personnage imagine ou met en oeuvre des solutions, à son échelle, mais avec conviction. (Sauf peut-être dans la première nouvelle, faute de possibilité pour l'enfant malade d'agir, sinon en exprimant sa colère contre l'injustice de son sort) .

C'est lumineux, autant que la couverture, malgré l'inéluctable. D'ailleurs à y bien regarder, sur cette couverture, on peut y ressentir la brûlure d'un soleil non filtré, la sécheresse d'un arbre assoiffé, et la montée des eaux .


J'ai aimé chaque texte, et eu l'impression de lire autant de romans, tant il en ressort à chaque fois une puissance narrative qui vous attire au delà des mots.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Ce recueil de nouvelles est un coffre aux trésors renfermant émotions, tendresse, humour au service de la cause écologique. Chaque nouvelle en effet, quand elle n'est pas directement liée à un problème écologique, y fait toujours allusion, comme c'est le cas dans étranger, l'histoire de cet homme qui noie son désespoir dans l'alcool, et qui se retrouve en ville, face à un coyote.

L'auteur a su enrober les grands maux de l'humanité dans des récits passionnants réveillant les émotions du lecteur :

Dans « A boire debout », il raconte la lente agonie d'un adolescent atteint de cancer, qui, pour toute distraction, écoute la radio qui lui apporte des nouvelles de notre planète, et pas de bonnes nouvelles ! Pluies, montée des eaux, populations réfugiées, disparition des ours polaires... une nouvelle triste et préoccupante, dont l'écriture relève du génie, particulièrement à la fin.

La deuxième s'intitule couplet, ce n'est pas celle que j'ai préférée : elle mêle l'histoire d'un jeune couple dont la femme attend un enfant, et la disparition des baleines noires. Si la fin pose une question concernant la mise au monde d'enfants humains qui se justifie, je l'ai trouvée assez violente et ne cadrant pas avec les personnages et l'ensemble de la nouvelle.

Feux doux, la quatrième, raconte l'histoire d'un homme attaché à son jeune frère, élève brillant, étudiant à l'avenir prometteur, si cet avenir toutefois, se place dans les normes de nos sociétés, incluant la carrière, la fortune et les relations. Mais ce frère conscient du malaise de la planète, prendra d'autres chemins...

Dans « fin du monde », notre héros, jeune adolescent, s'est approprié un beau terrain de jeu, un bois à l'état sauvage à la sortie de la ville, territoire de prédilection pour les bêtises, les cabanes, la liberté d'agir en cachette des parents, en bande de préférence... Mais à la sortie de l'hiver, il voit cet espace rasé et prêt pour la construction d'un lieu de résidence, la ville s'étend au détriment de la nature.

Dans « générale », le narrateur raconte l'histoire de sa tante Angèle qui toute sa vie, va montrer à quel point son dynamisme la porte pour défendre les oiseaux qui se sont installés sur son terrain et disparaissent soudainement.

La dernière sera celle que j'ai préférée : amour, tendresse et complicité d'un jeune homme et de son grand-père. Ce grand père qui lui raconte son arbre, un orme centenaire en danger comme les autres arbres de cette espèce, menacé par la graphiose. Dans cette nouvelle, on lira un magnifique conte du grand-père.

L'auteur, par un savant mélange d'émotions et de catastrophe écologique, semble avoir trouvé le mode d'emploi pour tirer la sonnette d'alarme et faire prendre conscience des dangers qui menacent l'humanité. Ce livre devrait donc être lu à grande échelle. Je vous recommande cette pépite !
Lien : https://1001ptitgateau.blogs..
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7 histoires qui disent la fragilité du monde

Dans ce recueil, Antoine Desjardins réussit le tour de force de raconter les maux de notre planète sans parti-pris militant, ce qui donne encore davantage de force à ses écrits.

Ce premier livre du Québécois Antoine Desjardins rassemble sept nouvelles qui, pour certaines, se rapprochent davantage d'un court roman et qui ont pour point commun de parler d'écologie et des dangers qui guettent notre planète. le tout avec beaucoup d'élégance et de finesse, presque comme en arrière-plan du récit. C'est le cas de "À boire debout" qui ouvre le livre. On y croise un garçon de 16 ans coincé au septième étage de l'hôpital de Montréal. L'étage de ceux dont l'espérance de vie est très limitée. Pour le narrateur, tout a commencé le vendredi 26 novembre 2017 en cours de biologie. Une soudaine faiblesse suivie d'une perte de connaissance. Les premiers traitements s'avèreront inefficaces. Suivront alors une batterie de tests et l'hospitalisation. «Mon corps a jamais répondu aux traitements comme prévu. Après quatre semaines de chimio, la leucémie s'était pas résorbée à leur goût. Ils ont contre-attaqué avec une nouvelle ronde de chimio, m'ont passé au micro-ondes avec leur machine intergalactique, rectifié les doses, essayé une couple de nouveaux médicaments. Ils m'ont dit leurs noms, mais à part le «Vin Christine», je les ai tous oubliés. Ils sonnaient pas mal tous comme des noms de joueurs de hockey russes.»
En attendant l'échéance, le temps se déroule au rythme des soins et des visites. Celles de la famille qui se désespère et s'épuise, y compris financièrement, allant jusqu'à provoquer un sentiment de culpabilité pour le garçon qui se dit que s'il partait plus tôt, cela arrangerait tout le monde. Celle de son infirmière préférée qui lui remonte le moral. Au fur et à mesure que son mal le ronge, des rêves de catastrophe le hantent, à l'unisson des informations qui parlent du réchauffement climatique, du détachement d'un iceberg géant ou encore d'une attaque d'ours affamés dans un village.
La seconde histoire se déroule d'abord à Cape Cod où Sam et son ami assistent au passage des baleines. Et le spectacle est au rendez-vous dans cet endroit réputé pour le ballet des cétacés. de retour à Montréal avec les images du couple formé par une baleine et son baleineau, ils se mettent à la recherche d'un appartement un peu plus grand pour pouvoir accueillir leur progéniture. Mais la crise du logement n'est pas qu'un slogan et il leur faudra se consoler en dénichant une maison à Laval-des-Rapides. C'est là que la nouvelle de la mort de «leur» baleine va les secouer. D'autant que le cas n'est pas isolé. L'activité humaine allant entrainer la fin de l'espèce. Je ne dirai rien de l'épilogue de cette sombre fable.
Dans «Étranger», on fait la connaissance d'un homme parti noyer son chagrin dans l'alcool après que sa femme l'ait quitté et qui erre passablement ivre dans le quartier où se trouve le domicile de son ex-femme. Des bruits près des sacs à ordure attirent son attention et il finit par se retrouver nez à nez avec un coyote. Une histoire de peur et là aussi un épilogue inattendu.
«Feu doux» nous est raconté par Cédric, l'aîné d'une fratrie qu'il compose avec ses deux soeurs cadettes Sophie et Maude et son frère benjamin, Louis, qui a huit ans de moins que lui et qui va s'avérer très doué. «Une fois mon frère installé en résidence et ses études subventionnées par l'université McGill, mes parents ont enfin pu souffler un peu. Toutes ces années de dur labeur, de surtemps, de dévouement, de sacrifices, n'avaient pas été vaines. Ils irradiaient de fierté. Leurs quatre enfants, des universitaires. Leur petit dernier, un génie en devenir. Chacun avait trouvé sa voie. Chaque chose avait trouvé sa place.» Sauf qu'à l'issue de ses brillantes études de Droit, il décide de faire un grand voyage. de Birmanie, il ira en Inde. Puis part en Mongolie, en Indonésie, aux Philippines, au Japon, en Nouvelle-Zélande pour atterrir en Australie. C'est alors que son aîné s'est rappelé la phrase de son prof de biologie: le génie frôle toujours la folie. Une phrase qui va le hanter, y compris lorsque Louis revient à Montréal pour se spécialiser en droit de l'environnement. Car son engagement est à mille lieues de ses capacités. Il fait dans le bénévolat et l'ascétisme avant de décider de revenir aux sources, de travailler avec et pour la nature. La question qui le taraude - autant que le lecteur - est alors. Peut-on le condamner pour cela?
«Fins du monde» tient du rite de passage pour une bande de gamins. Si leurs parents leur ont interdit de franchir le périmètre constitué par quatre blocs de béton, ils décident de franchir le boulevard et, à travers le bois, d'escalader un bâtiment en ruine. Une mission qui permet de prendre un autre statut. Mais un terrain de jeu qui va disparaître, rasé par les bulldozers pour laisser la place à un nouveau quartier. La fin de l'enfance s'accompagne ici d'un désir de vengeance, de dégrader les maisons en construction. Des expéditions qui vont mal finir...
«Générale» met en scène Angèle, la tante du narrateur. Cette dernière s'est battue contre l'érection d'un gazoduc sur les terres familiales et est devenue depuis ce combat homérique une ardente défenseuse de la nature, offrant notamment aux oiseaux un terrain favorable à la nidification. Mais un matin, les centaines d'espèces qui vivaient là ont disparu, laissant place à un silence de mort. Que s'est-il passé? Les hypothèses s'accumulent sans offrir de réponse définitive. Quel avenir se dessine-t-il?
Pour clore le livre, «Ulmus Americana», le nom scientifique de l'orme américain, raconte le lien très fort entre un grand-père et son petit-fils. Après quelque quarante années à travailler comme charpentier, le grand-père s'occupe de son petit-fils et de son orme, dont il lui raconte la légende. Un superbe conte qui va nourrir le jeune homme. Mais l'arbre est malade, victime d'un parasite qui le tue à petit feu. Comme le grand-père rongé par un cancer. Une dernière nouvelle qui fait écho à la première et boucle en quelque sorte la boucle.
Signalons pour ceux que le vocabulaire ou les expressions québécoises rebuteraient qu'il est aisé d'en comprendre le sens dans le contexte. de plus, l'éditeur a eu la bonne idée d'adjoindre un lexique à la fin du recueil.


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Ce que j'ai ressenti:

Je fais silence. Parce que je veux écouter les oiseaux, le chant des baleines, les déplacements des coyotes. Je veux entendre l'arbre, les feuilles et l'herbe qui pousse. Je veux être sûre que tout est encore là, à faire du bruit. Y prêter attention. Avant les Fins du monde. Parce qu'il y a des urgences qui crient, qui fleurissent ici ou là, Antoine Desjardins nous fait un bouquet de 7 nouvelles où l'Indice des Feux est à son point de bascule. Il fait le lien entre toutes, avec un fil conducteur de chocs et d'émotions fortes, afin de nous donner à lire, une flamboyance.

Ce recueil, c'est une urgence. de multiples urgences cachées dans le banal, dans la vie ordinaire, dans les foyers. le Maintenant, alerte. Des petites fenêtres, ici ou là, pour ressentir au plus profond, le malaise latent. J'ai peur du suicide à Feux Doux, j'ai peur de la maladie, de la vieillesse, des champignons. J'ai peur quand je vois que tout fout le camp. J'ai peur des game over, du Groenland qui se ramollit, des virus, du manque de lumière…Peut-être que vous allez croire que je suis « chicken », mais qu'importe! Je voudrais Mettre. Mon.Fucking.Cadran enfin à l'heure de nos amours, de notre environnement, du vivant sous toutes ses formes. Je voudrais ressembler à tante Angèle, être un peu de Louis, avoir la patience de Grand, voyager avec Couplet…Parce qu'on ne peut dissocier l'humain de son environnement, l'auteur prend le parti d'intégrer des notions fondamentales de ces dommages irréversibles planétaires, en écrivant avec une empathie d'une tendresse renversante, des histoires de vies ordinaires. Et il me vient comme une déchirure…J'y perds mon souffle, des larmes et des morceaux de chairs, mais j'y gagne en perspicacité, en sensibilité. C'est un impact inouï.

Je ne veux pas devenir zombie, pas laisser mourir le temps, pas plus que regarder crever la faune et la flore de cette planète. Je refuse de m'y résoudre. Je veux retrouver le lien avec le Vivant, -avant la mort-. Parce qu'on le sait que c'est inévitable, autant ne pas être dans une forteresse d'indifférence monstrueuse, autant choisir d'éteindre les feux de la destruction, autant lire ce livre. Parce que je ne veux pas me jeter contre la nostalgie d'un monde que le profit aura déchiqueté, j'aimerai brandir l'Indice des feux devant vos yeux, avant qu'on ne soit submergé d'une déferlante telle qu'on ne pourra même plus boire debout…Et tant que j'y suis, j'aimerai vous dire que je me suis pris 7 « kicks », j'en reviens « Maganée »…Mais…Avec un immense coup de coeur! À vous, maintenant, d'aller toffer les feux!

Remerciements:

Je tiens à remercier très chaleureusement Babelio ainsi que les éditions La Peuplade pour leur confiance et l'envoi de ce livre.
Lien : https://fairystelphique.word..
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critiques presse (3)
Bibliobs
18 avril 2022
Cette succession de nouvelles, venues du Québec, enchâsse les effondrements écologiques dans des vies très quotidiennes, sans pathos ni fin brûlante.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeJournaldeQuebec
01 février 2021
À la catastrophe environnementale qui guette, Antoine Desjardins associe des nouvelles débordantes d’humanité, avec malgré tout un soupçon d’espoir.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LaPresse
25 janvier 2021
Autrefois enseignant au primaire, Antoine Desjardins signe ici à La Peuplade un premier livre dense, composé de sept longues nouvelles.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (59) Voir plus Ajouter une citation
Mais j'avais l'impression de traverser l'Afghanistan dans une vieille charrette de bois déconcrissée, tirée par un âne boiteux et aveugle. Chaque bosse, chaque craque chaque ostie de nid de poule me résonnait dans la colonne, me serrait l'estomac à m'en faire grincer les dents. A un moment donné un coup pis, j'ai senti une décharge électrique me traverser les couilles. Après les muscles de mes jambes me picotaient comme si mon sang s'était transformé en Pepsi Diète, que les bulles remontaient pis venaient éclater contre l'intérieur de ma peau, sur les os de mes chevilles, de mes genoux, de mes tibias. Dire que je filais comme un tas de marde serait un bel understatement.
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A la fois empli de gratitude et gêné d’assister à un moment aussi fragile, qui aurait dû se dérouler à l’abri de mon regard, je me sentais nostalgique à l’avance, j’avais l’impression de revivre un instant qui ne pouvait être que le souvenir d’un autre, tiré d’une époque lointaine. D’un monde révolu où la nature était encore souveraine, qui ne me semblait pas pouvoir être le mien.
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Ça ne se peut pas, ça a pas d'allure, aucun sens. Être submergé, jour après jour, par des nouvelles catastrophes anticipées, de nouvelles prophéties à glacer le sang, toutes plus violentes les unes que les autres. (...) Se faire expliquer par des sommités internationales, par les gens les plus intelligents que tu peux imaginer, les élus des élus parmi la crème des bollés des écoles de bollés, que la moitié des animaux ont disparu depuis les années 1950, qu'on va bientôt manquer d'arbres, de plantes, d'abeilles, d'oxygène, de terres cultivables, de bouffe pis d'eau potable. Les écouter exposer méthodiquement que la planète fragile qui nous empêche d'être aspirés dans un vide intersidéral est sur le bord de péter comme une vieille piscine hors-terre, de tomber en miettes comme un biscuit soda trempé trop longtemps dans la soupe ; les entendre démontrer, en se basant sur des calculs rigoureusement exacts, que si on continue comme ça, la Terre s'enligne pour ressembler à Mars d'ici deux-cents ans gros max, pis qu'au point où on en est, il est pas mal déjà trop tard pour y changer quoi que ce soit. C'est comme pour les sinistrés des inondations : on peut encore sauver les meubles, mais on peut plus rien faire pour le sous-sol.
A ce point-là, les dominos se sont finalement recoupés, pis ils ont foncé tous ensemble en ligne droite, encore plus loin, vers les confins de l'absurde, quand j'ai pensé que même à ça, malgré une existence qui a aucun, mais aucun calice de bon sens, à part peut-être faire de la figuration dans l'un des deux-cents scénarios d'apocalypses possibles ; malgré tout ça, mettre son cadran.
Mettre. Son. Fucking. Cadran.
Chaque matin, se lever. Se lever pareil (...).
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il a levé les yeux de sa paperasse, en hochant la tête doucement, pis il m'a servi une couple de phrases qui goûtaient le plastique. Les virgules aux bonnes places. Des phrases certifiées par l'ordre des médecins, gonflées de compassion protocolaire. Dignes d'une album greatest hits de consolation pour mourants.
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Dehors. Je veux dehors.
Les nuages, la neige, le soleil. La lumière, la vraie lumière sur ma peau. Le givre dans mes cils. Le son de la glace écorchée quand on brake sec en patins. Le froid qui me tire les muscles des sourcils. La chaleur pesante d'une canicule. Le vert tendre des plantes au printemps. Les fleurs de toutes les couleurs. le bruit des feuilles mortes qui raclent l'asphalte en automne. Les branches des saules qui ressemblent à des mains tordues. L'odeur de bouette un peu salée du jardin après un orage. Les oiseaux. N'importe lesquels, même les pigeons déplumés, jouqués sur les fils électriques. Les courses de rollerblade au bord de la rivière. Les bateaux sur le fleuve. Les lacs miroirs. Les concours de ricochets. Le camping. La forêt. Les sous-bois pleins de champignons. L'odeur des cèdres qu'on vient de tailler. C'est weird, , mais je suis tellement à bout que même la rumeur des chars pis des dix-huit roues qui passent sur l'autoroute me manque.
Ça fait deux jours que je fouille ma mémoire, mais y a rien à faire ; je me souviens plus de ce que ça goûte, le vent. Faut que je sorte. Au plus crisse. Ici dedans, vivre, c'est pareil comme mourir, mais en plus souffrant. No way que la mort c'est aussi suffocant.
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Videos de Antoine Desjardins (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Antoine Desjardins
Dans une nature malmenée par les hommes, il ne reste parfois plus beaucoup d'options. Comment survivre lorsque l'équilibre a été rompu ? Que reste-t-il aux enfants des générations futures pour reconstruire sur les cendres d'un monde à l'agonie ? Dans ces multiples interrogations sur notre rapport à l'environnement, la littérature nous montre que tout est encore possible. Antoine Desjardins, Catherine Leroux et Matthew Neill Null
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