HISTOIRE D’UN TAUREAU
Taureau cornu, arqué, braqué sur la surface
ensoleillée de l’arène où la lumière est si
éblouissante que l’on distingue à peine
de leurs ombres le torero, le picador et
les banderilleros,
Taureau on n’attend plus que ton bon plaisir pour
animer ce désert,
Et, ce désert animé, que ton animation pour
manifester l’homme.
Mais il existe des taureaux de nuit,
Avec la lune sur leur front,
Des taureaux noirs, des taureaux blancs
Qui galopent à fond de train dans le sommeil des
enfants,
Et dont les mugissements ébranlent les villes,
Et qui meurent dans les étoiles, lentement,
En répandant leur sang dans l’immensité du temps.
(1936)
Rêves
Poser sa tête sur un oreiller
Et sur cet oreiller dormir
Et dormant rêver
À des choses curieuses ou d’avenir,
Rêvant croire à ce qu’on rêve
Et rêvant garder la notion
De la vie qui passe sans trêve
Du soir à l’aube sans rémission.
Ceci est presque normal,
Ceci est presque délicieux
Mais je plains ceux
Qui dorment vite et mal,
Et, mal éveillés, rêvent en marchant.
Ainsi j’ai marché autrefois,
J’ai marché, agi en rêvant,
Prenant les rues pour les allées d’un bois.
Une place pour les rêves
Mais les rêves à leur place.
1936
Si nous ne dormons pas c'est pour guetter l'aurore. Qui prouvera qu'enfin nous vivons au présent.
Poésie - La voix - Robert DESNOS