Mordre au travers est un recueil de nouvelles de
Virginie Despentes qui ont été écrites entre 1994 et 1999, c'est-à-dire dans les années qui suivent le succès de
Baise-moi ; années où elle publiera également les romans
Les chiennes savantes et
Les jolies choses. Il suffit de lire ces romans pour se rendre compte à quel point son écriture à changé ces 25-30 dernières années.
Avec
Mordre au travers, on est beaucoup plus dans l'esprit de
Baise-moi que dans celui de
Vernon Subutex. le propos y est rageux, désespéré, sale et violent. Les héros et héroïnes sont systématiquement des perdant-es, des pauvres, des prostituées, des perdu-es qui détruisent et s'autodétruisent. On sent la fascination de Despentes, à cette époque, pour la violence physique, les inégalités sociales, la mort aussi : presque toutes les nouvelles inclut un meurtre ou un suicide, souvent sanglant, parfois insoutenable.
Despentes joue avec les registres d'écriture. Si le ton est souvent proche de l'oralité, une oralité plus brute et moins travaillée que dans ses romans actuels, certains textes sont en vers libres, d'autres sont plus classiques.
Le résultat est assez inégal. J'ai plongé avec plaisir dans les premières nouvelles car elle décrit bien les galères quotidiennes des derniers de corvée, la rage que ça peut donner au ventre d'être intérimaire, pute, RMIste. Mais il y a trop de nouvelles qui sont extrêmement sombres. Certaines sont très difficiles à lire. Je parlais de fascination pour la mort violente : c'est vraiment ça, on a même un récit de torture, des détails de meurtres. le recueil parle de rage et de folie, de pervers et d'inégalités.
Un livre qui retourne le ventre, assez fort pour produire un malaise comme quand j'avais lu et vu
Baise-moi. Des textes qui illustrent bien dans quel état tourmenté devait être Despentes à cette période (elle s'est beaucoup assagie, voire embourgeoisée dans ses écrits et prises de position). Et en même temps tellement de noirceur que la lecture de ce bouquin m'a mis dans un mauvais mood.