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EAN : 9782868696403
333 pages
Actes Sud (10/08/1993)
4.5/5   2 notes
Résumé :

De la fin du XIXe siècle à l'aube de la Première Guerre mondiale, une célébration de la Sardaigne à travers le combat d'un homme pour les gens et les forêts de sa commune.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
En poursuivant mes tris et rangements d'hiver...je retrouve une publication des éditions Actes Sud, d'un écrivain sarde... que j'ai lu dans la fin des années 1990... qui m'avait transportée !! le souvenir d'un personnage extraordinaire, Angelo, petit garçon pauvre, élevé par sa seule mère , qui deviendra un homme engagé... passionné par les arbres... et par un projet plus grand que lui: sauver le patrimoine forestier de sa région natale...dans une Sardaigne, île écrasée par l'oppression d'une Italie centraliste, au capitalisme naissant, faisant payer un lourd tribut de bois aux sardes pour alimenter les fonderies royales de l'état italien...

Une envie soudaine de relecture...surtout que je constate avec tristesse qu'aucune chronique ou critique ne fait "vivre" ce roman magnifique, sur Babelio...Alors je m'empresse dans ma relecture...

Un intérêt de longue date pour la Sardaigne, la terre d'une des premières femmes Prix Nobel de Littérature, Grazzia Deledda...

Angelo hérite de l'avocat du village, vieil homme qui l'avait pris sous son aile.Les contestations tempétueuses des neveux et nièces, et famille diverse décidera la Mère d'Angelo, Sofia, de ne garder pour son fils qu'une partie de cet héritage: la demeure principale du vieil avocat ainsi qu' une oliveraie... qu'Angelo vénérait...
Car grâce au vieil avocat, Don Francesco, notre héros a depuis tout jeune, une passion dévorante pour les arbres !

Ce qui lui occasionnera des déchirements , des doutes avec le premier poste qu'il doit accepter: assister un ingénieur des eaux et forêts, travaillant pour les fonderies royales d'Italie, pour lequel il doit surveiller la coupe d' arbres, afin de fournir le combustible-bois... pour ce "satané dévoreur de " gouvernement italien !!!

"Encore du combustible, encore des arbres coupés, brûlés. Angelo eut un coup au coeur, comme s'il se fut agi de brûler des hommes. Il aimait trop les arbres pour se résigner "(...) (p. 83)

On sent affleurer au fil des lignes l'amour de l'auteur tant pour son île...que sa colère face aux injustices sociales criantes, la pauvreté de la Sardaigne ponctionnée par le gouvernement italien...

Un magnifique roman à la fois réaliste et poétique... de très beaux passages sur la nature et les arbres, l'amour fusionnel et intense entre une mère et son fils unique... de multiples détails et descriptifs des traditions, usages et superstitions sardes...


"Le garçon marchait dans l'oliveraie silencieuse ,et, tout en marchant, il comptait les oliviers. A les voir de la route, on avait l'impression qu'ils étaient tous identiques, mais maintenant au contraire, pour la première fois, il s'apercevait qu'ils étaient différents. Chacun avait une
physionomie particulière, comme les hommes. Si vous regardez de loin les gens qui se pressent sur une place, ou une procession qui vient à votre rencontre, il vous semble qu'ils sont tous identiques : si, au contraire, vous vous mêlez à eux, vous vous apercevez qu'ils se ressemblent, mais, que dans leur ressemblance, ils sont différents. C'était la même chose
pour ces arbres dont il percevait le silence, non comme on perçoit le silence des choses, mais comme on perçoit le silence des personnes qui se taisent et pensent. (p. 61)

Nous accompagnons le parcours d'Angelo, de ses plus jeunes années au crépuscule de sa vie... de petit garçon pauvre... il s'instruira, se battra contre toutes les injustices, deviendra maire de sa commune durant plus de 20 années, qu'il modernisera et développera, en étant aussi équitable que possible..refusant toute violence.
Respecté par tous, agaçant les anciens riches, qui ne peuvent plus exploiter sans vergogne leurs "journaliers" ni déboisé sauvagement le patrimoine forestier , Angelo Uras... un idéaliste auquel on s'attache au fil de ses combats...eut une existence très honorablement remplie... refusant de s'enrichir aux dépens des autres!!...

"- Vous tous, continua Sante, vous détestez la violence et pour vous, les armements ne sont pas violence. Les autres subissent, émigrent, ne votent pas parce qu'ils sont indigents et analphabètes, et s'ils se rassemblent sur la place pour faire valoir leurs droits, on leur tire dessus. Vous, Angelo Uras, vous êtes un homme juste, vous administrez ce village comme s'il s'agissait de votre propre bien, comme un père de famille, mais cela ne suffit pas pour changer le monde. Et le monde a besoin d'être changé. Les droits
sont les mêmes pour tous. Et pour ces droits je suis prêt aussi à la violence." (p. 308)

Une lecture qui m'avait marquée il y a plus de 20 ans...que je redécouvre avec un oeil différent et et un intérêt démultiplié; tant les thèmes abordés sont d'une actualité encore plus brûlante aujourd'hui : la déforestation, le respect de la nature et de l'environnement, les méfaits indéniables de toute colonisation,les dégâts d'un capitalisme à outrance, etc.Un roman polyphonique, social , "écologiste" avant la lettre , nous faisant aborder,
de surcroît, de façon plaisante l'histoire de la Sardaigne, la mentalité sarde, et la politique italienne de l'époque !!...Un très, très riche roman...dont je ne peux que "louer" l'extrême qualité littéraire et humaine !...

***Seul infime reproche : un lexique en fin de volume , pour les termes sardes, en italique, non traduits...aurait été bienvenu !


© Soazic Boucard- Février 2019


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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
Je ne crois pas que le monde ouvrier puisse obtenir justice en utilisant la violence. Moi, je déteste la violence.
-Je le sais, fit Sante en détachant ses yeux de ceux d'Angelo et en regardant le ciel vide, et je sais aussi que vous me comprenez et que vous êtes un peu de mon côté. Les travailleurs, vous les traitez bien, vous les payez et vous les nourrissez. Mais votre horreur de la violence ne vous empêche pas d'admettre la guerre, de payer l'armée pour qu'elle aille tuer des mineurs et conquérir des colonies.
- Mais toutes les puissances européennes...essaya de protester Angelo.
-Je connais l'argument et je me sens solidaire du Négus et de tous les peuples colonisés: eux sont colonisés, en Afrique, en Asie, ou ailleurs; moi je suis colonisé ici. Vous êtes un homme honnête, tout ce que peut espérer de mieux ce sale pays, mais vous êtes lié à votre classe et...vos biens. (p. 307)
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Cela s'était produit (...) pour la pinède, au point que les enfants de l'école prirent l'engagement, après que les premiers pins furent plantés autour de la petite église du Carmelo, de les arroser tous les jours. A la sortie de l'école, on les voyait en file indienne, un petit broc de terre à la main, monter vers l'église pour arroser les pins. Chaque enfant avait son arbre et l'aidait à pousser en l'arrosant. Même Angelo n'en avait pas espéré autant. Lui, Angelo, n'avait jamais tenu de meeting, mais il avait toujours su choisir les mots justes, le ton juste, et il avait eu l'idée du jeu des petits brocs d'eau, idée que le directeur de l'école primaire avait trouvée géniale.
- Une idée, avait-il dit, que seul un pédagogue professionnel aurait pu avoir. (p. 317)
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Cette confiance lui faisait plaisir, lui procurait une joie intime presque exaltante, mais en même temps le blessait parce qu'elle l'obligeait à se considérer du côté de ceux qui commandent, et il en avait honte au point qu'il ne pouvait soutenir le regard des vieux ouvriers qui le fixaient pensifs, le menton posé sur le manche rugueux de la pelle ou du pic. Mais le travail avançait bien.(p. 91)
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Le garçon marchait dans l'oliveraie silencieuse ,et, tout en marchant, il comptait les oliviers. A les voir de la route, on avait l'impression qu'ils étaient tous identiques, mais maintenant au contraire, pour la première fois, il s'apercevait qu'ils étaient différents. Chacun avait une physionomie particulière, comme les hommes. Si vous regardez de loin les gens qui se pressent sur une place, ou une procession qui vient à votre rencontre, il vous semble qu'ils sont tous identiques : si, au contraire, vous vous mêlez à eux, vous vous apercevez qu'ils se ressemblent, mais, que dans leur ressemblance, ils sont différents. C'était la même chose pour ces arbres dont il percevait le silence, non comme on perçoit le silence des choses, mais comme on perçoit le silence des personnes qui se taisent et pensent. (p. 61)
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(...) et on entendait le bruit sourd et continu des petites meules en pierre dont sont équipées les deux mille cinq cents maisons de Norbio. Ces meules très anciennes, qui n'ont pas changé de forme depuis l'époque des -***nuragbi- et sont presque un symbole de l'immuabilité des formes, en Parte d'Ispi, sont actionnées par les petites ânes aux yeux bandés qui tournent éternellement en rond, transformant le blé en farine, grain après grain. (p. 142)

[*** en Sardaigne, tours de forme conique, vestiges de l'âge du bronze ]
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