Gamkar, puissance multimonde, assoit ses prodigieuses conquêtes technologiques sur l'exploitation de soleils mineurs. Lorsqu'elle les dévitalise en accaparant leur hydrogène, sans rencontrer d'obstacle du fait de la puissance de coercition dont elle dispose, elle prend soin d'exporter les populations des planètes voisines, condamnées sinon à mourir de froid, pour les relocaliser ailleurs, en veillant à les répartir au sein des univers connus.
C'est ainsi que les Phaulnes, peuple agreste vivant en harmonie avec sa planète et ayant pour ce faire volontairement choisi il y a bien longtemps de freiner son développement technique, se voit annoncer qu'il sera dépossédé de son soleil, et donc, en réalité, de sa vie, ce que la jeune Griddine refuse d'accepter …
Chez Thierry di Rollo, dont j'avais déjà beaucoup apprécié «
le temps de Palanquine », les images parlent mieux que les mots : «
le Soleil des Phaulnes » s'ouvre sur une saisissante scène de la vie quotidienne des Phaulnes, centrée sur le couple Griddine et Soem, dont l'environnement et l'existence respectueuse de la nature nous paraissent idylliques.
Dans cette scène, une autre s'incruste. Elle s'est déroulée quinze jours auparavant, quinze jours avant que se déclenche le compte à rebours de l'évacuation maintenant programmée : celle de l'arrivée de l'émissaire de Ien Éliki, omnipotent dirigeant de la Gamkar, venu informer les Phaulnes de ce qu'il s'apprête à faire. Les Phaulnes n'ont eu que leurs vaines flèches à lui opposer.
Le chapitre suivant nous amène à faire la connaissance de Hyanks et de son copilote, Vorn, un org-insecte capable de lire les pensées. Hyanks a accepté moyennant finances de convoyer une partie des expatriés. A chaque opération de ce genre, il se donne bonne conscience en effectuant les vérifications minimales quant aux conditions d'accueil des expatriés. Parmi les quinze derniers dont il a la charge, se trouve Griddine, révoltée par la dépossession de leur planète et avec elle la perte de ce qui constitue son peuple. Elle lui impose le transport de sa monture, l'imposant war-lizzard Rekk…
Le roman ne fait que commencer et déjà il nous a propulsés dans un environnement dépaysant et chaotique, en compagnie de Griddine, dont le courage égale la beauté et à laquelle on ne peut que s'attacher. de manière sous-jacente, car l'auteur ne donne pas dans le démonstratif, il soulève des questions ne pouvant nous laisser indifférents tant elles résonnent avec nos propres préoccupations : rapport au vivant (la vie des Phaulnes, un exemple en la matière), hégémonie de la science justifiant les pires exactions, turpitudes liées au commerce de grandes puissances industrielles, choix individuels (fermer ou pas les yeux, accepter ou pas ce qui semble inéluctable lorsqu'on s'avère David affrontant Goliath).
La suite n'aura rien de convenu car l'auteur s'y entend pour opérer, sans négliger son objectif initial, des changements de cap jalonnant le parcours de Griddine. Les cadres du récit, modifiés, permettent au passage de nouvelles découvertes : une forêt pensante, des échos du passé (les holums) à la troublante persistance …
«
le Soleil des Phaulnes », qui déploie en un récit court et dense la quête de Griddine, mue par la volonté de venger les siens et de stopper la marche de Gamkar, est un roman d'aventures en mode space opera prenant et tragique, au-delà de son dénouement provisoire. Un très beau texte, puissant et grave, qui allie ce que je préfère dans la science-fiction : le plaisir de l'histoire et l'intérêt des interrogations qu'elle porte.
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