Ce livre, dont les critiques des médias laissent espérer un éclairage fort des raisons des difficultés que rencontre l'Islam pour moderniser sa pensée, déçoit beaucoup cet espoir.
L'auteur a une certes très grande connaissance des courants qui se sont affrontés au cours des siècles sur la question de savoir si la raison pouvait avoir une place pour asseoir les comportements dans la société Islamique, mais dans ces richesse d'informations, on ne discerne pas bien ce qui peut éclairer sur les difficultés d'adaptation à la modernité telle qu'on la conçoit en occident.
Il est vrai, et ce n'est déjà pas mal, que le lecteur trouve des précisions passionnantes sur le virage crucial anti Mutazalite du 9° siècle qui a mis le monde islamique sur la pente d'un blocage du droit d'interprétation d'une manière qui, jusque ici, s'avère apparemment difficile à renverser pour entrer dans le champ de l'acceptation de la modernité.
De même, certains passages sont très instructifs sur ce thème, comme une très intéressante discussion sur le virage ˝ Ghazali ˝ et les antagonismes avec la pensée d'Averroès, et surtout on trouve dans les derniers chapitres une présentation de quelques penseurs ˝ réformistes ˝ (même si Diagne récuse le terme) et leurs bases de légitimation coranique.
Mais rien, malheureusement sur ce à quoi leur pensée s'est heurtée, et ce qui fait que l'orientation qu'ils préconisaient a été finalement mise en échec, notamment par des courants de pensée devenus bien plus prégnants aujourd'hui dans le monde musulman comme celle des frères musulmans ; et à cet égard, on peut regretter le fait que le livre n'évoque pas du tout le créateur de ce mouvement, ben Bassa et la manière dont son mouvement a pu se créer une telle influence.
Donc le lecteur n'est pas très avancé dans la réponse à ses interrogations sur les raisons mêmes des difficultés de l'Islam d'aujourd'hui à affronter la modernité, et les chances qu'il a de les surmonter, contrairement à ce que laissent penser les critiques de la presse.
Il reste que le lecteur s'enrichit d'éléments de ce débat, à partir des sources mêmes du Coran. Dommage que le livre ne le guide pas davantage sur ce que l'on peut en tirer, en terme d'espoirs de cette modernisation de l'Islam, indispensable si l'on veut éviter d'avoir, dans nos pays d'occident, à l'avenir, une coexistence de groupes avec une vision du monde incompatible.
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La dixième édition des "Rencontres Recherche et Création" organisées par l'Agence nationale de la recherche, dont Philosophie magazine est partenaire, s'est tenue les 10 et 11 juillet dans le cadre du Festival d'Avignon.
Durant deux jours, des chercheuses et des chercheurs de différentes disciplines sont intervenus pour présenter en une quinzaine de minutes leurs travaux, et ils ont dialogué avec les artistes programmés au Festival autour du thème retenu cette année : "La fabrique des sociétés".
Parmi eux, deux philosophes ont répondu face à la caméra aux questions de Cédric Enjalbert, rédacteur en chef adjoint de Philosophie magazine qui a pris part à ces rencontres. Il s'agit de Souleymane Bachir Diagne et de Kate Kirkpatrick.
Professeur de philosophie à Columbia University, à New York, Souleymane Bachir Diagne est un spécialiste des question de traduction et d'interculturalité. Contre les égoïsmes qui fracturent nos sociétés à l'heure où nos destins sont liés, il propose d'apprendre à agir en tant qu'espèce humaine et défend ce qu'il appelle une "politique de l'humanité". Retrouvez son entretien en vidéo.
Et pour voir la vidéo de Kate Kirkpatrick, c'est par ici :
https://www.youtube.com/watch?v=JenrxcqnD6o
Journaliste : Cédric Enjalbert
Réalisation : Sébastien Cotterot
Montage : Ariane Nicolas
Retrouvez toutes les vidéos des Rencontres Recherche et Création, et les ouvrages des éditions précédentes en libre accès sur :
https://www.recherche-creation-avignon.fr
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