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EAN : 9782226397195
320 pages
Albin Michel (29/08/2018)
4.5/5   2 notes
Résumé :
C'est dans la conjoncture de l'après Deuxième Guerre mondiale et de la conférence de Bandung (1955) qu'émerge le paradigme postcolonial, courant d'idées qui accompagne l'entrée sur la scène internationale des pays décolonisés dits du « Tiers Monde ». Dans leurs critiques de la domination occidentale, le ou les postcolonialisme(s) ont mis en avant la traite esclavagiste transatlantique et la colonisation. Progressivement, une théorie plus radicale s'est imposée : la ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Le temps de la dispute politique

Dans sa préface, Anthony Mangeon parle de regards croisés, de discussion autour de deux courants théoriques – les études postcoloniales et la pensée décoloniale -, de contours et de différences concrètes, de point de vue nuancé, de lunettes culturelles, de l'exigence d'une décolonisation à parachever, de formes de domination et de discrimination héritées de la période coloniales, de discorde, « dans quelle mesure pouvait-on opérer un véritablement décentrement vis-à-vis de la pensée occidentale, qui avait influencé les fondateurs de la critique anticoloniale eux-mêmes, pour revenir à des traditions de pensée plus autonomes, voir autochtones ; et dans quelle mesure un tel décentrement était-il envisageable ou possible, au sein de la pensée occidentale elle-même ». Je note sans m'y attarder que le choix de certains mots est au coeur de la dispute entre l'anthropologue et le philosophe. Une pensée peut-elle être nommée par une zone géo-politique ? Y-a-t-il des traditions non inventées ? le décentrement n'est-il pas simplement un « trouble » sans atteinte aux rapports sociaux et à leur imbrication ?

Le préfacier poursuit et présentent certains théoriciens décoloniaux. Je souligne que les théoriciennes sont ici absentes ; il en sera globalement de même dans l'ouvrage, les auteurs centrant leurs débats autour des rapports sociaux de classe et de « race » dans le silence des rapports sociaux de sexe.

Anthony Mangeon aborde, l'eurocentrisme et sa critique, le point de vue de « l'homme blanc occidental » compris comme « seule mesure de toute connaissance possible et universelle » dans le rejet d'autres traditions intellectuelles ou formes de connaissance, les modèles construits de « civilisation » et de « barbarie », la consubstantialité et l'interdépendance entre modernité et colonialité…

Il souligne que les deux auteurs partagent « une critique acerbe de l'eurocentrisme et de son identification abusive à l'universel », leur scepticisme « à l'encontre des prétendues « ruptures postcoloniales » ».

Il présente « une philosophie de la traduction » de Souleymane Bachir Diagne, une réflexion à la croisée des disciplines et des mondes, une double exigence d'enracinement dans des « traditions de pensée « spécifiques » » et de dialogues entre ces traditions, l'histoire du parcours de l'algèbre, le poids de la langue dans les constructions « culturelles », un « universalisme cognitif », l'art africain, la philosophie en islam, la présence ancienne et dynamique de traditions écrites en Afrique, l'hybridation, « toute civilisation humaine n'est telle que parce que métisse » (Léopold Sédar Senghor)…

Il présente « une anthropologie sans concession » de Jean-Loup Amselle, le refus de tout essentialisme, le dépassement des oppositions binaires et des hiérarchies données comme naturelles, le déploiement des identités au sein de vastes réseaux, le « continu » et sa « défaite » au profit du centrage sur le « discret » et l'« identité », le paradigme historiciste de la lutte de classe, la critique de ce qui découpe ou fragmente les corps sociaux – « entailles verticales » -, la question des rapports de force…

Deux styles de pensée, deux modes opposés d'interpellation, des échanges passionnants.

Je ne connaissais pas l'oeuvre de Souleymane Bachir Diagne. J'avais lu certains ouvrages de Jean-Loup Amselle. Je ne vais pas ici discuter des points d'accords ou de désaccords avec l'un ou l'autre. Pour le second auteur, je rappelle, en fin de note, des lectures critiques antérieures ( voir sur le blog : https://entreleslignesentrelesmots.blog/2018/12/27/le-temps-de-la-dispute-politique/).
Les mots et les concepts sont polysémiques. Ils sont utilisés de manière très variable suivant les auteurs et autrices. Sans oublier une certaine magie théâtralisée dispensant d'en faire la critique historique et située, bref d'en discuter la pertinence politique. Les débats ou les disputes ne peuvent contourner les questions de sens, pour leurs utilisateurs et utilisatrices. Iels agissent et parlent dans des rapports asymétriques de pouvoir et de domination dont on ne saurait nier ou relativiser l'importance. Des contraintes et des contradictions. Les analyses théoriques et les prises en compte de l'« épaisseur » de l'action politique nécessitent de plus historicisation et contextualisation des discours des auteurs/autrices, sans oublier ceux des lecteurs/lectrices.

Au passage, il reste prudent de vérifier, au delà des termes employés, ce que les un·es et les autres essayent d'exprimer ou de revendiquer. D'où la nécessité de présentations successives, de débats, d'interpellations, de demandes de précision… sans insultes ou caractérisations à l'emporte-pièces…

L'objet n'est donc pas le consensus mais de rendre compréhensible les termes de la dispute ou du dissensus.

Ce livre, me semble-t-il, permet de mieux comprendre – mais non d'effacer – des accords et des divergences. J'en conseille la lecture, malgré certains « énervements » possibles à certains propos…

Souleymane Bachir Diagne & Jean-Loup Amselle discutent, sans concession, de multiples sujets qui nous intéressent toustes, qui doivent, me semble-t-il, être saisis à bras-le-corps pour avoir de l'émancipation des visions les plus inclusives et les plus larges possibles.

Deux lectures sur la question de l'universel (Pour moi, la prétention des un·es à imposer leur conception de l'« universalisme » doit être combattue, probablement aussi au nom du pluriversalisme, qui ne saurait être confondu avec un relativisme « culturel »), sur les représentions figées, sur les théories postcoloniales et décoloniales, sur les droits humains, sur l'accumulation du capital, sur les religions, sur le panafricanisme, sur l'histoire « en termes de phénomènes sociaux, politiques, économiques, etc. », sur la violence de la réduction en une « essence », sur les barrières réelles et imaginaires qui fragmentent le monde…

Chacun·e trouvera, dans ces dialogues, des points d'appui pour d'autres discussions, des critiques utiles contre les prêts-à-penser, des interrogations aux ombres portées de certaines idées, des divergences (maintenues, atténuées ou exacerbées) et des convergences possibles.

J'ajoute, en forme de contrepoint, que les pratiques d'auto-organisation – y compris dans les choix de non-mixité – pour l'émancipation ne sont pas, contrairement ce que pensent certain·es, une division. Plutôt la condition d'un ancrage social solide – mais non immuable – et de possibles choix démocratiques que seule la prise en compte de toutes les déclinaisons de l'imbrication des rapports sociaux permet. La hiérarchisation des luttes en front prioritaire et en front secondaire, l'oubli ou la relativisation de certaines dominations, concourent à l'affaiblissement de toustes.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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critiques presse (3)
LaViedesIdees
03 mai 2019
Le dialogue entre le philosophe Souleymane Bachir Diagne et l’anthropologue Jean-Loup Amselle révèle la difficulté à définir, dans le monde intellectuel français, la pensée postcoloniale et décoloniale.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
NonFiction
05 novembre 2018
En quête d’Afrique(s) restitue une conversation serrée sur le thème de l’universel et sur le cortège des notions qui l’accompagnent ordinairement lorsqu’on l’applique au continent africain : le Blanc, le Noir, etc. Autant de notions souvent orientées vers une connotation essentialiste, alors qu’elles se rapportent à des phénomènes sociaux et que la construction sociale de la couleur est désormais assez bien comprise – pour s’en tenir à ce seul exemple.
Lire la critique sur le site : NonFiction
LeMonde
10 septembre 2018
Philosophie, anthropologie : le continent suscite les polémiques. « En quête d’Afrique(s) », livre de débat entre les intellectuels Souleymane Bachir Diagne et Jean-Loup Amselle, en témoigne.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Pendant longtemps, le discours colonial (sous la plume d'anthropologues "occidentaux", mais aussi d'auteurs africains) a parlé de "l'Afrique" ou de "l'Africain" en postulant une africanité partout et en tout temps identique à elle-même. C'est contre ce type de propos qu'il est souvent rappelé que "l'Afrique n'est pas un pays" ; (...).
On risque tout autant de passer de généralisations inconsidérées sur "l'Afrique" à une posture de demi-habile, dirais-je, empruntant l'expression à Blaise Pascal. Pour ce dernier, est véritablement "habile" celui qui tout en comprenant pleinement, par exemple, que le pouvoir ne tire son prestige et son efficience que de son apparence, consent cependant à s'incliner devant lui en n'en pensant pas moins, en ayant ce que Pascal appelle "une pensée de derrière" ; en revanche le demi-habile, dans la m^me situation, se dépensera en mises en questions et révoltes inutiles, comme s'il pouvait exister un pouvoir qui ne dût rien à son apparence, un pouvoir "authentique" qui se soutiendrait de lui-même en se présentant nu. De même ici le demi-habile s'interdira-t-il de parler d'Afrique : du fait que l'Afrique n'est pas un pays, il en viendra à la conclusion qu'il n'y a pas d'Afrique et qu'il est préférable de parler plutôt d'Afriques au pluriel, s'il faut nommer les réalités du continent. On en arrive à cette situation où, pour ne pas retomber dans le travers de l'essentialisme, on juxtapose jusqu'à l'absurde des singularités qu'i faut surtout se garder de subsumer sous le concept d'Afrique et d'Africain. Il n'y a pas de science du singulier, il faut le rappeler. Débusquer donc et dénoncer l'essentialisme dès que quelque chose s'énonce comme africain, par exemple l'art africain, peut conduire à s'interdire tout énoncé,qui ne soit pas au singulier. Il n'y aurait à ce compte-là que l'art de tel terroir dont on dira avec insistance qu'il est radicalement autre que celui du terroir d'à côté... L'Afrique ne serait plus qu'un conglomérat de hameaux. On aboutirait ainsi à ce paradoxe que ce serait le seul continent qu'il faudrait écrire toujours au pluriel par réaction contre l'essentialisme et indifférenciation coloniale.
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dans quelle mesure pouvait-on opérer un véritablement décentrement vis-à-vis de la pensée occidentale, qui avait influencé les fondateurs de la critique anticoloniale eux-mêmes, pour revenir à des traditions de pensée plus autonomes, voir autochtones ; et dans quelle mesure un tel décentrement était-il envisageable ou possible, au sein de la pensée occidentale elle-même
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Videos de Souleymane Bachir Diagne (17) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Souleymane Bachir Diagne
La dixième édition des "Rencontres Recherche et Création" organisées par l'Agence nationale de la recherche, dont Philosophie magazine est partenaire, s'est tenue les 10 et 11 juillet dans le cadre du Festival d'Avignon.
Durant deux jours, des chercheuses et des chercheurs de différentes disciplines sont intervenus pour présenter en une quinzaine de minutes leurs travaux, et ils ont dialogué avec les artistes programmés au Festival autour du thème retenu cette année : "La fabrique des sociétés".
Parmi eux, deux philosophes ont répondu face à la caméra aux questions de Cédric Enjalbert, rédacteur en chef adjoint de Philosophie magazine qui a pris part à ces rencontres. Il s'agit de Souleymane Bachir Diagne et de Kate Kirkpatrick.
Professeur de philosophie à Columbia University, à New York, Souleymane Bachir Diagne est un spécialiste des question de traduction et d'interculturalité. Contre les égoïsmes qui fracturent nos sociétés à l'heure où nos destins sont liés, il propose d'apprendre à agir en tant qu'espèce humaine et défend ce qu'il appelle une "politique de l'humanité". Retrouvez son entretien en vidéo.
Et pour voir la vidéo de Kate Kirkpatrick, c'est par ici : https://www.youtube.com/watch?v=JenrxcqnD6o
Journaliste : Cédric Enjalbert Réalisation : Sébastien Cotterot Montage : Ariane Nicolas
Retrouvez toutes les vidéos des Rencontres Recherche et Création, et les ouvrages des éditions précédentes en libre accès sur : https://www.recherche-creation-avignon.fr
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