C'est le drame du pont de l'Alma
Voici la suite d'« Alors, tout tombe-première partie» paru en 2021.
Tandis que le "Maître bâtisseur" poursuit les travaux de son pont gigantesque qui doit le faire entrer dans l'histoire, un autre chantier débute, destiné à l'édification d'un amphithéâtre sur les lieux d'un ancien bidonville. Mais en travaillant les fondations, les ouvriers découvrent un corps enterré depuis plusieurs années.
Ce cadavre fait partie de la longue liste des victimes des appétits immobiliers trempant dans la corruption et la magouille, qui tissent le décor de ce diptyque.
Blacksad va devoir tout à la fois, résoudre cette affaire compliquée en innocentant son ami Weekly, et se remettre de la réapparition d'Alma son amour parti brusquement, à la fin du tome 3, « L'âme rouge ».
Juan Dìaz Canales et
Juanjo Guarnido exposent une nouvelle fois l'immensité de leurs talents.
Au dessin, Guarnido semble repousser encore les limites, dans ce qui reste pourtant un exercice de style, rendant hommage aux polars des années 50.
Le scénario de
Canales est lui aussi très élaboré. Sans négliger les scènes d'humour, il entrelace habilement les évènements tragiques auxquels on assiste, d'extraits de représentation de pièces de
Shakespeare. Après «
La Tempête », «
Roméo et Juliette » et «
Macbeth » dans le 1er volume, ce sont cette fois les vers de «
Jules César » qui viennent ponctuer cette histoire de trahisons et de mensonges.
Les clins d'oeil disséminés çà et là, sont délicieux.
Ça commence avec la couverture. Au début, on se demande qui a bien pu couper l'image en laissant apparaître la main de Blacksad -ce dernier, hors-champ- tenant celle d ‘Alma. Mais quand on met côte à côte la couverture de la première partie et celle de la deuxième, tout s'éclaire !
Après Hopper dans le tome 1, c'est
Van Gogh qui est subtilement rappelé au détour de quelques cases.
Plus étonnant, une rencontre sur les toits entre Blacksad et son ami commissaire évoque immanquablement une scène de Batman. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que Guarnido joue avec ce mythe puisque déjà, dans Arctic Nation (sans doute le meilleur épisode de la série), Blacksad adoptait la pose emblématique sur son poste d'observation.
Reste le sujet toujours aussi délicat du choix de l'anthropomorphisme (ou du zoomorphisme plutôt privilégié ici). Autant, il ne pose pas de réel souci la plupart du temps, autant il apparaît problématique sur quelques séquences. Par exemple, quand Blacksad essaye de vexer l'homme (enfin, le chien) de main du méchant en lui suggérant d'aller chercher le morceau de bois qu'il s'apprête à lancer. Un chien qui se comporte comme un homme et à qui on s'adresse comme à un chien ? ! Ça ne fonctionne pas.
Pire, quand Blacksad s'élance sur un pont et que son ombre est celle d'un chat. Ou quand les mains (pattes) se terminent parfois par des griffes, parfois, non.
Bref, à un moment se pose la question de l'utilité et de la pertinence de ce choix.
C'est au fond, ma seule réserve.