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sur 3988 notes
Certaines personnes ont la faculté de lire dans votre esprit ou de voir l'avenir. Mais a toutes ces personnes en répond une autre qui peut bloquer leurs pouvoirs. Glen Runcintre en a fait son busness. Il est donc propriétaire d'une firme qui emploie des anti psys. Sa société en déclin , du a la disparition de nombreux psys est mandé sur la lune pour un travail. C'est donc accompagné de Joe Chips son meilleurs testeur et d'anti psys qu'il va se retrouver dans une affaire étrange.

J'ai littéralement dévoré ce roman et j'ai été complètement été bluffée.
L'auteur nous montre un futur probable lié a une société de consommation qui en demande toujours plus et ou la moindre chose se monnaie. le capitalisme en prend pour son grade.
Mais Philip K Dick ne s'arrete pas là dans ses idées ; c'est aussi toute un questionnement lié a la vie dans l'au delà et à la mort.
Le tout mené de main de maître avec une imagination débordante.
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L'un des plus grands romans de science-fiction, tout simplement.
Ubik, c'est l'histoire d'une descente aux enfers, celle de Joe Chip, archétype du héros dickien, en butte à l'hostilité du monde dès le début du roman car confronté à une porte récalcitrante qui refuse de le laisser sortir de chez lui !
Joe Chip travaille pour une société new-yorkaise spécialisée dans la lutte contre l'espionnage industriel et commercial, Runciter Associates. Cette société emploie des « anti-psy » , recrutés après que Joe en a évalué les capacités, pour détecter les télépathes qui s'introduisent dans certaines entreprises afin d'en découvrir les secrets.
Glen Runciter, Joe et une équipe d'une dizaine d'anti-psy se rendent sur la Lune où une firme a fait appel à leurs services, mais rien ne se passe comme prévu : Runciter meurt à la suite d'un événement dramatique, Joe et les anti-psy reviennent sur Terre avec son cadavre.
A partir de là, tout se déglingue : certains objets subissent de troublantes métamorphoses, Joe reçoit des messages confus qui semblent provenir de Runciter ( ! ), des collègues de Joe meurent d'une manière atroce et inexplicable, et Joe lui-même s'affaiblit dangereusement… Seuls semblent pouvoir lui redonner un peu de vitalité les fameux produits Ubik, tels une moderne eau de jouvence, mais ceux-ci sont particulièrement difficiles à trouver en dépit d'une publicité omniprésente (Ubik vient du latin « ubique » qui veut dire partout !).
Evidemment, le lecteur aura droit à des révélations à la fin du roman, et ces révélations seront vertigineuses et terrifiantes…
On trouve dans ce livre la plupart des grands thèmes de l'oeuvre de Philip K. Dick (un héros dépassé par les événements et qui doit en comprendre le sens pour survivre, un univers en proie à l'entropie, une réalité mouvante et incertaine…), et la maîtrise narrative d'un écrivain au sommet de son art romanesque leur confère une intensité dramatique exceptionnelle.
Indispensable.
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- Google, dit moi, que faut-il lire en science-fiction ?
- Ubik, me dit-il, va faire un tour sur Babelio. Des lecteurs savent en parler.
- Babelio késako ?
- Babelio dis-moi monsieur Babelio : qu'est ce que c'est Ubik ?
- Ubik est un livre qu'il convient d'avoir lu, regarde la note, regarde le nombre de lecteurs. Trouve-le et fais-toi une idée.
J'ai mis le temps à le trouver, un an en fait…mais je l'ai lu et j'ai compris.
Ubik est la panacée universelle. Tout est Ubik. Ubik est partout, Ubik est en vous. Vous n'en sortirez plus. Ubik ne cessera de vous tourmenter, vous appellera sans discontinuer : telle la boite de jeu dans "Jumanji".
Bienheureux ceux qui ne possède pas Ubik : vous pouvez continuer comme si de rien n'était. Pour les autres le temps s'est arrêté, au pire il commence à régresser.
Tout est payant maintenant, dans cet univers ultra capitaliste : le frigo, la télé, la porte d'entrée … foutue porte d'entrée !
Nous consultons les morts maintenus dans une semi-vie, leurs points de vue pèsent sur notre société.
Nous utilisons des télépathes pour espionner la concurrence, bien que celle-ci se serve d'anti-télépathes, la guerre est sans merci.
J'ai eu du mal à entrer, le passage était exigu, mais à force de me tortiller, j'ai fini par y arriver. J'ai rampé dans un boyau sombre et étroit, me demandant ce que je faisais là. J'ai relu quelques critiques espérant trouver le bon chemin, j'ai découvert que d'autres lecteurs avaient déjà succombé. Puis à force de progresser, le tunnel s'est évasé, je me suis mis à genoux, quelques chandelles au mur l'éclairait, me laissant deviner des fresques incomparables. Je me suis enfin redressé, progressant à demi-courbé, la lumière était plus vive et je découvrais un autre univers que le mien : une richesse de couleurs et des traits au-delà du commun. Enfin la lumière est devenue d'une incroyable intensité et j'ai commencé de courir au petit trop, ne sachant plus ou regarder. J'avais hâte de découvrir cette panacée. Alors j'ai accéléré ... accéléré ... de plus en plus vite ... au sprint ... j'ai continué à courir comme un dératé ... je devenais un être de lumière ... J'entrais dans la vérité ... C'est là que tout à explosé.
Mille mercis à Lyoko, Liligalipette, Myrtille81, Loreleirocks et Ambages … pour leurs magnifiques critiques qui m'ont permis de me maintenir à flots lors du démarrage de ce livre.
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« Joe avait l'impression d'être comme un papillon de nuit et de se heurter vainement contre la vitre de la réalité – une réalité qu'il ne faisait qu'entr'apercevoir de l'extérieur. »

Le lecteur, à l'instar du héros dickien Joe Chip, se heurte vainement dans ce livre à la réalité, poursuivant inlassablement une chimère en perpétuel mouvement qui lui échappe comme une ombre à mesure qu'il s'en approche. Bousculé dans ses certitudes, croyant enfin, au terme de tâtonnements et d'errements angoissés, saisir une infime parcelle de vérité, il voit celle-ci s'évanouir avant même d'avoir eu le temps de savourer sa maigre victoire. Telle est l'expérience que vit le lecteur de Ubik, renvoyé au niveau des personnages, aussi paumé et perplexe qu'eux, et c'est ce qui fait de cette lecture une expérience sidérante et inoubliable.

Philip K.Dick, dont la soeur jumelle Jane est morte quelques semaines après la naissance, a toute sa vie été hanté par la mort. Pas étonnant qu'il ait inspiré des écrivains qui creusent inlassablement cette question, comme Don DeLillo, dont j'ai eu l'occasion, en chroniquant Bruit de fond, de pointer les similitudes avec Ubik, comme Houellebecq, ou Emmanuel Carrère qui lui consacra une biographie, Je suis vivant et vous êtes morts, et comme tant d'autres encore.
Mais chez Dick, dont la vie psychique extrêmement tourmentée l'a mené à plusieurs reprises aux portes de la mort, cette angoisse prend une tournure assez inhabituelle, se transformant en un rapport schizophrène au réel. Comme le souligne Carrère, autre grand écrivain à la vie psychique tourmentée, de ce côté-ci du miroir, Philip est vivant et sa soeur Jane est morte. Mais de l'autre, c'est le contraire. Il est mort et Jane « se penche anxieusement sur le miroir où habite son petit frère. » Qui peut dire de quel côté du miroir se situe la réalité ? Et c'est cette interrogation vertigineuse qui traverse tout le livre, un livre qu'on serait bien en peine de réduire à un genre. Tout le monde s'accorde à dire que Ubik est un livre de science-fiction, écrit à la fin des années soixante, à une époque où la science-fiction était à peine considérée comme de la littérature. Mais Ubik est aussi un livre philosophique réinterprétant le mythe de la caverne de Platon, un livre métaphysique posant plus de questions qu'il n'apporte de réponses, un livre mystique — l'on peut s'interroger sans fin sur la signification profonde du vaporisateur miracle qui donne son titre au livre — une critique acerbe de la société de consommation… Ubik est le chef-d'oeuvre de Dick, Ubik est un chef-d'oeuvre tout court, Ubik est un livre culte, Ubik est un immense classique de la littérature américaine. Ubik est vertigineux, un puits sans fond, un labyrinthe dans lequel le lecteur aventureux se perd… Bref, Ubik est plus grand que Ubik.

Au début du livre, pourtant, rien ne laisse présager la déflagration qui va suivre. le livre démarre assez classiquement avec la mise en place d'un monde bien réel, le nôtre, plus précisément celui de Dick transposé deux bonnes décennies plus loin dans le temps, en 1992.
Le héros, Joe Chip, impécunieux notoire entretenant une relation chancelante avec le réel, travaille pour une entreprise dirigée par un énergique vieillard, Glenn Runciter, dont la mission est de protéger les lieux sensibles et les cerveaux infiltrés par les psis — télépathes et précogs. Les entreprises comme celles de Glenn Runciter luttent contre des forces insaisissables qui menacent la survie de l'humanité, en ne pouvant compter que sur les aptitudes inégales de leurs agents et sur l'aide dérisoire de flash publicitaires en forme de campagnes de prévention :
«  « Protégez votre vie privée », martelaient-elles toutes les heures et sur tous les supports. « En ce moment même, un inconnu tente peut-être de lire dans vos pensées ! Êtes-vous certain d'y être vraiment seul ? » »
Toute ressemblance avec notre monde interconnecté truffé de cookies et de virus délétères est bien entendu fortuite.
Dans ce monde aux contours bien réels, j'insiste, les morts ne sont pas tout à fait morts, mais maintenus dans un état de semi vie dans un caisson cryogénique. Dans ce monde toujours, les objets de consommation courante sont tous payants et ont la détestable habitude de réclamer leur dû en l'assortissant de remontrances, voire de menaces quand l'infortuné ne s'exécute pas sur le champ. Ainsi l'éternel impécunieux Joe Chip dépense-t-il beaucoup d'énergie à tenter de faire fonctionner les appareils électroménagers qui peuplent son conapt (appartement), en pure perte, d'ailleurs. Cela donne lieu à des scènes hilarantes parfaitement absurdes qui, là encore, ne sont pas sans présenter de troublantes similitudes avec notre monde.

Donc, jusqu'ici, la réalité, bien qu'un peu bizarre, paraît avoir des contours assez nettement définis. Jusqu'à ce que Glenn Runciter accepte une délicate mission sur la lune à la demande d'un multi-milliardaire qui semble être une préfiguration d'Elon Musk. Il s'y rend avec Joe Chip et onze de ses meilleurs agents afin de nettoyer le site prétendument infiltré par des psis. La mission ne se passe pas tout à fait comme prévu…
À partir de là, par petites touches d'abord, le réel voit ses contours se flouter. Des objets de la vie courante sont soudain frappés de sénescence….
« Somnambulesque, submergé par la douleur sourde et persistante du trauma, il sortit de sa poche une cigarette tordue et l'alluma. le tabac était sec, insipide. Il s'émietta entre ses doigts. »
…. tandis que l'insaisissable Glenn Runciter se met à apparaître sous les formes les plus inattendues : c'est sa voix sans aucun doute que Joe Chip entend dans le combiné du téléphone; c'est son nom qui apparaît brusquement dans une publicité sur une boîte d'allumettes; c'est son effigie qui remplace celle de Walt Disney sur une pièce de cinquante cents…
Puis, à mesure que le roman avance, enfin si l'on peut dire, le temps part littéralement en lambeaux, une bouffée de 1939 dérivant en 1992, à moins que ce ne soit l'inverse, tandis que les personnages luttent de façon de plus en plus désespérée contre l'entropie et la mort :
« L'incertitude, la lente avancée de l'entropie, c'est cela, le processus à l'oeuvre ; et la plaine de glace en est la conséquence. Quand je fermerai les yeux pour la dernière fois, l'univers disparaîtra. »

J'ai songé en relisant ce livre au film « Mulholland Drive » de David Lynch. Tant qu'on ne détient pas la clé, en l'occurrence celle qui nous permet de comprendre que ce que nous voyons à l'écran, à partir d'un moment donné, n'est plus la réalité, mais ce que l'héroïne du film, gavée de barbituriques, vit en rêve, on ne comprend absolument rien. C'est la même chose dans Ubik. Sans la clé de décryptage, on ne peut qu'avancer à tâtons, à l'instar du héros, dans ce monde de cauchemar. La tension monte, le parcours du héros relève à la fois du jeu de piste et de la course contre la montre. L'angoisse qui saisit le lecteur serait insoutenable s'il n'y avaient ces bouffées d'humour absurde qui le sauvent de l'asphyxie. Ainsi, alors que Joe Chip parvient à rejoindre son conapt où tous les objets ont régressé à un stade antérieur, l'exaspérante porte d'entrée, elle, n'a pas changé d'un iota, persistant à réclamer son dû avec une égale insistance : « Cinq cents, s'il vous plaît ».

Alors, où sommes-nous? Si le monde halluciné de Ubik semble tout droit sorti d'un mauvais rêve ou d'un bad trip, nous pressentons que ce n'est pas cela, la clé. Joe Chip n'est pas en train de dormir et nous ne sommes pas dans son rêve. Trop simple. Alors, quoi?
Peut-être que l'une des clés se cache dans le graffiti découvert par Joe Chip dans les toilettes de l'entreprise de Glenn Runciter ?

« Sautez dans l'urinoir pour y chercher de l'or.
Je suis vivant et vous êtes morts »

Et peut-être pas.
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Alors ça c'est du lourd... du très lourd même cet Ubik!

Roman de science-fiction écrit au milieu du siècle dernier par le génial Philippe K. Dick. On est là aussi comme Orwell dans de l'anticipationniste avec une critique sociétale ici plutôt économique (il faut une piece de 50c pour ouvrir la porte de son propre appartement!) sans que cela ne prenne cependant le pas sur le roman en lui même qui reste un roman de science fiction absolument génial.

A lire ABSOLUMENT!!
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Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Ubik, et le Verbe était Ubik. D'ailleurs Jacques Chancel n'a-t-il pas cité cette phrase qui l'a rendu célèbre : « Et Ubik dans tout ça ? »
J'ai trois bonnes raisons qui me font penser que Ubik n'est pas vraiment un pur récit de SF. Voici ma démonstration implacable... Tout d'abord, j'ai presque compris ce dont parle ce roman. Deuzio, j'ai vraiment aimé. Et enfin, j'ai très envie de vous en parler.
Presque compris... Et c'est dans ce "presque" que viennent tous les vertiges d'un lecteur ahuri.
Alors ? On y va ? Vous me suivez... ?
Mais voilà, je suis cependant bien embarrassé pour poser des mots ce soir... J'ai l'impression qu'il me faut user d'ellipses, d'images, de métaphores, d'allégories, de tours et de détours, autant de ponts et de passerelles pour vous inviter vers mon ressenti...
J'aime qu'un livre me résiste un peu, mais pas trop non plus... J'aime qu'un ou deux personnages se détache, pas vraiment le beau héros, mais celui pris à la gorge, happé par quelque chose qui le dépasse, de plus grand que lui, l'étonnement est son chemin, bref quelqu'un à qui je voudrais ressembler. Ici c'est Joe Chip. J'aime qu'un personnage qui paraît sympathique, s'avère méchant, ou l'inverse d'ailleurs... Et se transforme surtout en cours de route. Ici ne serait-ce pas la belle et mystérieuse Pat Conley ? J'aime qu'un personnage qu'on croit mort redevienne vivant. Ici ne serait-ce pas Glen Runciter ?
Je n'aime pas les personnes enfermées dans leurs certitudes. Tenez, au hasard, prenons deux catégories bien distinctes : les vivants d'un côté et les morts de l'autre. Chaque catégorie revendique de manière ostentatoire son identité communautaire qui lui est propre, posant une frontière claire et non négociable avec l'autre comme s'il n'y avait pas le moindre dialogue possible. Posez la question à un vivant, il vous répondra bêtement une réponse de vivant, disant le sens d'être vivant. Posez la même question à un mort, je vous fiche mon billet que la réponse sera exactement la même, c'est-à-dire le sens d'être mort... Et voilà que la richesse de ce récit nous ouvre un autre espace, ou peut-être de multiples autres espaces... Il introduit ici le stade ou le concept, - je ne sais pas comment on peut le désigner, de semi-vie, la possibilité d'arrêter l'agonie de quelqu'un, la possibilité de basculer en enfer aussi...
Ici des femmes des hommes luttent, se protègent contre des ennemis. Nous sommes déjà dans un futur, - j'allais dire à venir, ou peut-être déjà passé. 1992... Oui, car ce livre a été écrit par Philip K. Dick en 1969... Mais peut-être qu'il est préférable avant toute chose que je vous parle un peu de la trame du roman, non ? ...
L'histoire est toute simple, enfin c'est une expression, hein ! Nous sommes dans le futur. Deux sociétés s'affrontent : celle des psys, c'est-à-dire ceux qui viennent vous espionner dans vos affaires et qu'on appelle aussi des télépathes, et les anti-psys qui vous protègent, ces deux sociétés mènent une lutte sans merci l'une contre l'autre dans un monde ultracapitaliste saturé de spots publicitaires aussi loufoques qu'inquiétants, où l'objectif est de tuer l'adversaire.
Tous les lieux communs de la SF sont présents dans les tous premiers chapitres : les machines remplacent les employés, l'humanité a établi des colonies spatiales sur Mars et sur la Lune, on met une heure pour aller sur la Lune, des portes ou des cafetières demandent à être payées pour s'ouvrir ou fonctionner et se fâchent lorsqu'on ne satisfait pas à leurs exigences, on parle à des gens qui sont morts ou en semi-vie...
Nous faisons la connaissance de Glen Runciter, le patron de la firme Runciter Associates, qui emploie des neutraliseurs pour empêcher des télépathes d'espionner les entreprises ou les particuliers.
Mais voilà qu'un complot est ourdi, qui va mener à un attentat visant à tuer Glen Runciter ainsi que ses meilleurs anti-psys. L'attentat a lieu au cours d'une expédition sur la Lune où Runciter est tué.
Joe Chip l'adjoint de Runciter prend alors le relais des opérations et va devenir le personnage principal du récit...
Et c'est là, à ce moment précis, que le roman bifurque, bascule dans tout autre chose et c'est là que j'ai commencé à me dire : tiens, ce roman me plaît.
N'avez-vous jamais senti parfois que c'est dans ces bifurcations que l'existence devient plus palpitante ? Tous comme nos lectures, d'ailleurs.
Et dans cette bifurcation du texte, tandis que Joe Chip commence à perdre pied, à douter, le temps se met à se détériorer. On n'est plus dans la perspective d'un temps universel qui coulerait comme un long fleuve tranquille d'amont en aval, cadencé par le rythme monotone des heures, des jours, des saisons...
On entre dans un processus qui n'est pas seulement irréversible mais qui devient follement réversible, qui reflue en arrière et c'est autour de ce point de bascule que la SF s'arrête ici, que le monde d'Ubik commence et que se construit alors tout le roman.
Des univers bifurquent sans cesse en effet comme dans le film Citizen Kane.
Chaque territoire ici est le contrepoint d'un autre : le réel et le rêve, les vivants et les morts, l'intérieur et l'extérieur, l'absurde et l'angoissant, le passé et le futur... Entre les deux, il y a le présent comme une frontière, comme un passage ténu pas plus large que le chas d'une aiguille...
L'intérieur ou l'extérieur... Ce texte est un miroir, un vertige abyssal sur nos abymes, je me demandais de quel côté du miroir je me situais.
Être un lecteur de SF, - surtout lorsque la SF est pour moi une façon d'entrer dans une zone totale de non-confort, est-ce ressembler aux phalènes, aux insectes de nuit qui se heurtent aux vitres des fenêtres ? Est-ce se heurter aux chimères de la réalité ? Vient alors l'effet aquarium... Et c'est là que la puissance du récit se propulse en posant des questions métaphysiques : sommes-nous vivants ou morts ? Sommes-nous observants ou observés ?
Dans cette immersion, je me suis reconnu dans le personnage de Joe Chip, je le tenais ici enfin mon alter ego...
Le lecteur que j'étais était ramené brutalement à ce que ressentait Joe Chip. C'est l'une des forces et des vertus du roman. Je tâtonnais entre errements, erreurs et errances, je me perdais pour mon plus grand plaisir, j'ouvrais des pages comme des portes d'où surgissaient des vides béants. J'entrais dans une expérience nouvelle et inspirante pour moi...
Une phrase vint comme un écho inlassable, comme une déflagration qui se propulsait à travers les pages :
« Je suis vivant et vous êtes morts ».
Ce livre me semble davantage un récit métaphysique qu'un roman SF.
Ubik propose un monde où il est possible de penser sans exister.
Douter du monde nouveau, du monde à venir.
On ne peut alors sortir de ce rêve que de manière kafkaïenne, comme dans le Château...
J'ai avancé dans ce roman comme on avance devant l'horizon, sachant que tenter de se rapprocher de l'horizon c'était toujours s'en éloigner...
« L'infini c'est ce que je ne peux pas penser », dit Descartes, la porte de sortie est Dieu selon Descartes. Chez Philip K. Dick, cette porte de sortie devient elle-même infinie. La sortie se transforme en labyrinthe : on ne sait plus où on se trouve, jusqu'à la fin, jusqu'à cette page finale.
Philip K. Dick est un visionnaire. Avant l'heure il invente déjà ici les réseaux sociaux, GAFAM, Mediapart, Elon Musk, l'exploitation faite des données personnelles, notre société de surconsommation, bref ! tous les charmes de notre monde moderne... Peut-être que Philip K. Dick a inventé le premier fake new... Mais ce n'est pas pour cela qu'il faut aimer ce roman.
C'est pour autre chose...
C'est un roman labyrinthique qui ne cesse d'ouvrir des portes sur des vertiges chaque fois un peu plus grands et c'est en cela que ce roman m'a fasciné.
Ubik s'est révélé pour moi être un roman vertigineux, déstabilisant, irrésistible et angoissant.
Dire que j'ai tout compris serait une fanfaronnade. Dire que je n'ai rien compris serait une erreur. Entre les deux, j'ai entrevu une porte entrouverte ou passe un rayon de lumière dans lequel je me faufile ce soir pour vous écrire.

« Votre existence est monotone ? Vous souffrez d'ennui ? Vos lectures ne vous transportent plus ? Alors, c'est que vous n'avez pas encore lu le roman Ubik ! Avec Ubik, le roman-culte de Philip K. Dick, venez éprouver votre système limbique. Attention, à utiliser exclusivement selon le mode d'emploi et avec précaution ! »

Un grand merci à toi Anna qui a su m'encourager à entrer dans cette zone de non-confort qui se présentait à moi. Ta critique a été une aide précieuse, ainsi qu'un itinéraire salvateur...
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Dans sa firme, Glen Runcinter emploie des anti-psys : ils sont capables de contrer les pouvoirs des télépathes et des précogs. Son meilleur élément, c'est Joe Chip, un testeur surdoué continuellement fauché. « le facteur anti-psy est une restauration naturelle de l'équilibre écologique. » (p. 38) L'arrivée de Patricia Conley, une anti-précog au niveau jamais vu pourrait bien mettre en danger la firme. Peut-être est-elle un agent d'Hollis. Lors d'un voyage sur la Lune, l'équipe de Glen est attaquée. Désormais, c'est l'existence et le temps qui semblent menacés. « Est-ce que le monde entier va se mettre à mourir de faim à cause de l'explosion d'une bombe sur la Lune ? » (p. 156)

Joe Chip doit comprendre pourquoi les choses pourrissent, pourquoi il est le seul à pouvoir entrer en contact avec Glen, comment disparaissent les membres de l'expédition lunaire et pourquoi il passe de 1992 à 1939. « Nous ne sommes allés nulle part. […] Nous sommes là où nous avons toujours été. Mais pour une certaine raison – une parmi plusieurs possibles – la réalité a reculé, elle a perdu son support, son assise et elle reflué vers des formes antérieures. » (p. 205)

Voilà, je ne vous en dis pas plus et je cache délibérément plusieurs éléments fondamentaux de l'intrigue. Sachez seulement qu'Ubik est partout, qu'il a toujours été là et qu'il peut tout. Et les publicités liminaires à chaque chapitre se chargeront de vous rappeler qu'Ubik est un produit universel. Alors, mettez un peu d'Ubik dans vos lectures. Attention, Ubik est à utiliser conformément au mode d'emploi.
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Avant de lire « Ubik », roman publié en 1969 et considéré comme le chef d'oeuvre de Philip K.Dick, mon appréhension de l'univers du célèbre auteur de Science-Fiction se limitait à Blade Runner, le film culte des années quatre-vingts où Harrison Ford pourchassait des androïdes.

Et pourtant, dès la première page, j'ai été emporté par le tourbillon vibrionnant de l'intrigue, j'ai plongé dans le vortex qui conduit les protagonistes dans un improbable voyage temporel aux allures cauchemardesques.

L'auteur situe son intrigue en 1992, dans un monde où règnent la technologie et l'argent. le héros impécunieux du roman, Joe Chip, aussi paranoïaque et désabusé que tenace, travaille pour la société Runciter Associates, spécialisée dans la chasse de télépathes.

Ella, la femme du dirigeant Glen Runciter est maintenue en demi-vie dans un Moratorium situé en Suisse. Si le corps de la jeune femme repose dans un cercueil transparent, elle a conservé une forme de conscience et est en mesure de communiquer avec son mari, qui la consulte dès lors que l'avenir de l'entreprise est en jeu.

Runciter se voit proposer un contrat mirifique par le richissime Stanton Mick, qui évoque une sorte d'avatar prémonitoire d'Ellon Musk, dont l'objet est de sécuriser des installations lunaires mises en danger par l'intrusion de dangereux télépathes. Incapable de résister à la tentation du contrat du siècle, Runciter monte une équipe de onze traqueurs de télépathes dirigée par Joe Chip, et y intègre la mystérieuse Pat Conley qui prétend être en mesure de modifier le passé récent.

Las, rien ne se passe comme prévu, et le cauchemar éveillé commence, emportant ses protagonistes dans un voyage temporel à rebours qui les conduira dans « le piège final des réalités ».

Les chapitres du roman foisonnant de Philip K.Dick sont parsemés de publicités pour des articles Ubiks toujours différents. Comme leur nom évoquant le principe d'ubiquité l'indique, les Ubiks sont partout et peuvent être compris comme une manière de dénoncer la dérive d'un système capitaliste dévoré par le mercantilisme. Si l'humanité n'a pas encore envahi la lune, l'auteur voit juste en anticipant la domination à venir du néo-libéralisme et la naissance d'un monde où l'argent est roi.

La demi-vie dans laquelle est plongée Ella évoque « Ravage » de Barjavel, où un culte est voué aux morts qui sont conservés après réduction dans la maison familiale. « Ravage », comme « Ubik » refusent l'enterrement, c'est à dire la disparition définitive des morts. Philip K.Dick va encore plus loin que Barjavel en imaginant une conscience léthargique qu'il est possible d'animer ponctuellement afin d'entrer en contact avec les vivants, ainsi qu'une forme de « vie intermédiaire » au travers des possibles interactions entre les demi-vivants placés dans un même Moratorium.

Métaphore d'un monde agonisant, dévoré par le mercantilisme et la technologie, labyrinthe existentiel, « Ubik » questionne l'hubris d'une civilisation à la dérive qui refuse la mort et préfère maintenir les mourants dans un état de conscience léthargique absolument terrifiant.

Proposant une trame romanesque qui s'apparente à un R(ubik)'s cube, et offre plusieurs grilles de lectures, dont aucune ne semble totalement rationnelle, le roman culte de Philip K.Dick nous plonge dans un cauchemar vertigineux dont on a hâte de s'éveiller.
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Ubik est considéré comme un chef-d'oeuvre de la science-fiction et comme le chef-d'oeuvre de Philip K. DIck. Et ce grâce à son point vue unique sur notre réalité et notre société, et à la substance insaisissable de son récit.

Dans le futur imaginé par K. Dick, des entreprises spécialisées agissent afin de neutraliser les pouvoirs psis développés par certaines personnes, qui leur permettent notamment de lire dans les pensées d'autres individus et donc d'être nuisibles.
Joe Chip est un employé de l'une de ces entreprises. Il est l'archétype du héros dickien: une personne douée mais qui ne peut pas sauver le monde car sa porte d'entrée refuse de le laisser sortir si elle n'est pas payée.

Il est envoyé en mission sur la Lune avec les meilleurs anti-psis, mais comme dans tous les romans de K. Dick, l'histoire ne suit jamais son cours normal. Alors que l'enjeu du livre devait être de démanteler une entreprise de psis, la problématique sera de retrouver dans quelle réalité Joe Chip se trouve, et pour le lecteur de comprendre ce qu'est Ubik, omniprésent mais mystérieux.

K. Dick se démarque, et particulièrement dans Ubik, par sa capacité à utiliser la littérature comme support de ses propres questionnements. Il y ajoute en plus les traits divertissants et passionnants du roman et de la science-fiction ce qui permet de faire adhérer le lecteur à son oeuvre.
Il ne suffit pas seulement de trouver un sens caché à ses livres, ni de voir sa prise de drogue comme l'unique conséquence de sa façon d'écrire et de raconter des histoires. Les récits de K. Dick parviennent à transmettre la substance des mondes qu'il entrevoit et à plonger lecteur dans une méfiance, un scepticisme envers chaque action ou parole des personnages du roman. Ce doute permanent mène au questionnement puis à la réflexion, et sert ainsi d'outil civilisateur et anti-obscurantiste.

Du point de vue de la forme, Philip K. Dick est un génie de l'écriture et parvient à décrire ses mondes tout en respectant le divertissement essentiel au roman, dans un style très agréable qui procure une facilité de lecture plaisante.

K. Dick sait également garder une grande continuité et une cohérence très harmonieuse entre chacun de ses livres. En gardant les mêmes éléments de décors, de langage et un archétype de ses personnages, tout ses romans semblent se placer dans le même univers. Seul le scénario et l'identité des personnages varient entre chaque récit. Ainsi retrouve-t-on toujours le même vocabulaire technique du futur: conapt, vidphone, précog, homéojournal, semi-vie… Ces constantes sont une des forces de K. Dick, qui permet d'inscrire et de relier chacune de ses oeuvres au sein de son oeuvre globale.
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Roman qui, s'il fut novateur à une certaine époque, nous plonge dans un univers SF dans lequel on est aujourd'hui tout de suite à l'aise : des télep, des précogs, des maisons connectées et équipées à la même sauce... Sans smartphone pour les commander, mais de la visio déjà (vidphone). En toile de fond, la bagarre entre deux sociétés pour dominer un marché, des employés névrosés, bref presque du classique, mais que l'auteur laissera tomber au milieu du roman. Si bien qu'après une longue mise en bouche narrative, on se demande où il veut en venir et même s'il sait lui-même où il nous emmène. Car c'est un peu l'appréhension de ce genre de classique encensé par l'ex intelligentsia : peut-on, si on est doté d'un esprit modeste, entrer dans le jeu narratif... faire autre chose que se vanter de l'avoir lu et d'avoir adoooréééé... comme touuuuut le monde...
Et bien, M. Dick réussit à nous prendre au piège de son histoire aux temporalités altérées. En surprenant peut être un peu moins qu'à l'origine, il nous entraîne dans le ballet de ces personnages improbables plongés en « semi-vie » et nous fait réfléchir au sens de la vie, de la mort...
Mais à la fin, quand même, l'affreuse sensation d'inabouti que je redoutais... Je crois qu'ainsi, il se moque de nous. En le cherchant heureusement.
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