Une stimulante réflexion sur ce que les chiffres et les codes du langage informatique banalisé qui déteint sur l'ensemble de la vie nous font, en surface et en profondeur. Davantage une indication de pistes qu'une analyse aboutie, toutefois.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/05/31/note-de-lecture-
lqi-notre-langue-quotidienne-informatisee-yann-diener/
Psychanalyste, déjà auteur de « On agite un enfant » (La Fabrique, 2011) et de «
Des histoires chiffonnées » (Gallimard, 2019), par ailleurs chroniqueur pour
Charlie Hebdo,
Yann Diener nous offrait en février 2022 ce «
LQI – Notre Langue Quotidienne Informatisée », publié aux
Belles Lettres. L'intention en est passionnante : tenter de décoder comment, pourquoi et avec quels effets le langage (ou les langages) de l'informatique, de ses origines à sa banalisation profuse contemporaine, oriente nos modes de de pensée, d'une manière à la fois de plus en plus intime et de plus en plus automatique.
Cette centaine de pages fourmille de remarques réellement intéressantes, et indique plusieurs ébauches d'analyses comme autant de voies que l'on souhaiterait bien voir creusées. Mais dans le propos lui-même,
Yann Diener ne parvient pas à (ou ne souhaite pas) émuler la rigueur d'historiens (rudement formés au contact de la micro-histoire chère à
Carlo Ginzburg) tels que
Christian Ingrao ou
Johann Chapoutot qui, lorsqu'ils évoquent des convergences ou des accointances entre certaines données du nazisme et certains faits très contemporains, le pratiquent avec la prudence du véritable historien et la modestie des véritables enquêteurs qui savent exactement ce que coûte et vaut une hypothèse de travail – alors que la convocation ici de la « L.T.I. » de
Victor Klemperer est plus largement péremptoire. Il ne déploie pas non plus le type de ferveur documentariste qui habite un
Neal Stephenson lorsqu'il se lance à l'assaut du lien immatériel entre cryptographie de la deuxième guerre mondiale et capital-risque d'aujourd'hui («
Cryptonomicon », 1999), ni le brio à la fois rageur et incisif d'une
Sandra Lucbert lorsqu'elle décortique les langues boisées du management contemporain («
Personne ne sort les fusils », 2020) ou de la dette-prétexte («
le ministère des contes publics », 2021), ni le sens poétique malicieux d'un Hugues Leroy lorsqu'il se penche, dans le numéro 1 de la revue
La Moitié du Fourbi, « Sur les vertus de la concision dans certains textes que personne ne lit ». Oscillant souvent entre le si lapidaire qu'il en devient caricatural et le (trop) faussement naïf, le texte bouillonne, mais nous laisse largement sur notre faim, sans doute installé trop confortablement dans sa tonalité dominante de billet d'humeur plutôt que d'enquête authentiquement construite.
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