L'histoire est d'une parfaite simplicité : un homme d'une cinquantaire d'années vit seul dans son petit chalet au milieu de la forêt, quelque part dans le Maine. Son seul compagnon est son chien Hobbes. Ses journées s'étirent, immuables et paisibles : lire au coin du feu (Julius possède 3282 livres), s'occuper de Hobbes, nourrir les oiseaux du jardin, planter des fleurs... bref, une petite vie qui semblerait monotone mais qui lui convient parfaitement. Sans la présence des chasseurs qui envahissent les bois à chaque saison, ce serait presque le paradis.
Un jour d'hiver, Julius entend des coups de fusil bien près de sa maison. Et quelques heures plus tard, il trouve le cadavre de son chien. Abattu à bout portant.
Que se passe-t-il dans la tête de cet homme si paisible ? La mort de son chien le fait vaciller, c'est son petit univers qui s'écroule, c'est à nouveau la solitude qui va s'installer... Un tel crime peut-il rester impuni ? Sûrement pas. Pour Julius l'heure de la vengeance à sonné...
J'ai lu ici et là, notamment de la part de critiques professionnels que Julius se transforme en tueur fou. Je ne suis pas tout à fait d'accord...
Curieusement, et malgré les actes de Julius, une sorte de connivence s'installe avec le lecteur. J'ai fini par me mettre à la place de Julius et comprendre son geste. Une empathie certaine. Y a-t-il de la folie dans sa décision ? Je n'en suis pas certaine... La fin du roman, qui m'a un peu dérangée, me conforte dans ma pensée. C'est là d'ailleurs la grande force du roman. car si l'auteur nous livre quelques éléments de la vie de Julius, et notamment ses rapports avec son père, le spectre des guerres passées, la rencontre avec Claire, il évite de tomber dans le piège de l'explication psychologique. La vengeance de Julius est simplement décrite, l'écrivain ne juge pas son personnage, il se borne à nous le montrer agissant en accord avec ses propres principes et sa logique. L'homme et la nature se confondent, glacé et hostile mais empreint d'une certaine pureté.
L'atmosphère du roman rappelle à la fois
Rick Bass (dans
Winter) car la nature y est merveilleusement décrite ainsi que le quotidien de Julius, qui vit en harmonie avec la forêt et les saisons. Et puis j'ai évidemment pensé à
Edward Abbey car la décision de Julius, excessive et lourde de conséquences, n'est pas sans évoquer certains passages de romans d'Abbey.
Le wilderness contre la civilisation ? Ce qui est certain, c'est que par delà les actes de cet homme solitaire, c'est ce constat qui s'impose. Dans une interview,
Jim Harrison a dit, en parlant de sa magnifique nouvelle,
Légendes d'automne, que si on gratte un tout petit peu le vernis de la civilisation d'un homme, on retrouve rapidement le primitif qui sommeille. Julius lit beaucoup, surtout de la poésie, mais aussi
Shakespeare. Dans les oeuvres du grand écrivain anglais, la vengeance est omniprésente. Et n'oublions pas que le nom du chien, Hobbes, est celui du philosophe à qui l'on doit cette affirmation : "l'homme est un loup pour l'homme". le choix du nom n'est donc pas innocent... Car à bien y réfléchir, et si l'on se place du point de vue de Julius, ce n'est pas lui le barbare, mais bien ces envahisseurs, ces chasseurs assoiffés de sang, qui imposent leur loi et bouleversent sa vie.
Voilà, que dire de plus ? C'est un beau roman qui donne à réfléchir sur la nature humaine, et dans lequel on sent passer le souffle du vent et l'âpreté de l'hiver.
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