Une éthique nouvelle est née, celle de l'humanitaire qui transcende les clivages idéologiques et politiques au nom de l'urgence, d'un assentiment autour d'une ambulance, d'une compassion qui pousse à l'action. Incontestablement, au sortir de ces années 1970, une ère nouvelle se profile à l'horizon qui ne prétend plus au prophétisme et à la construction du monde de demain, mais qui entend panser les plaies de l'aujourd'hui avant de les penser. La figure de la victime s'en trouve transformée. Elle n'est plus le prolétaire rivé à son outil de travail ni le damné de la terre, mais le prisonnier, le torturé, l'exilé, le banni
Fasciné par la fête cubaine, Sartre revient sidéré d’avoir vu l’éclosion d’une vraie révolution, authentique, romantique, héroïque. Il multiplie les déclarations euphoriques pour vanter les mérites de ce petit paradis terrestre. Simone de Beauvoir partage cet enthousiasme sans réserve : « Assister à la lutte de 6 millions d’hommes contre l’oppression, la faim, les taudis, le chômage, l’analphabétisme, en comprendre les mécanismes, en découvrir les perspectives, ce fut une passionnante expérience95. » En rentrant à Paris, Sartre se fait le propagandiste le plus passionné de la cause cubaine sur laquelle il n’a nulle réserve, et publie son reportage dans France-Soir sous le titre « Ouragan sur le sucre » qui étonne jusqu’à sa biographe Annie Cohen-Solal qui le qualifie de mièvre : « Ces jeunes gens rendent un culte, d’ailleurs fort discret, à l’énergie tant aimée de Stendhal… Veiller est une passion… ils veillent sans motif… De tous ces veilleurs de nuit, c’est Castro le plus éveillé96. »
Socrate souligne un certain nombre d’apories de l’amitié qui en limitent sérieusement la réalité et l’extension. Il affirme la nécessité d’incarner quelques qualités conçues comme condition de possibilité de l’amitié : « Si donc tu deviens savant, tous les hommes seront pour toi des amis et des parents : car tu deviendras utile et bon. Sinon personne n’aura d’amitié pour toi, ni ton père, ni ta mère. »
Dans son cours sur Foucault, Deleuze reviendra en janvier 1986 sur la conception foucaldienne du désir/plaisir, présentant son refus de la notion de désir et son attachement à l’idée du corps et de ses plaisirs comme l’expression d’une sexualité sans sexe sur laquelle il achève son ouvrage La Volonté de savoir. Cette volonté de substituer à une conception homogène et réductrice centrée sur le sexe, une approche moléculaire de plaisirs multiformes trouve selon Deleuze sa source d’inspiration chez Proust lorsqu’il définit trois niveaux dans Sodome et Gomorrhe : celui des grands ensembles des amours hétérosexuelles ; un deuxième dans lequel le même est renvoyé au même, l’homme à l’homme, la femme à la femme.
Foucault considère de son côté que le rôle universel de l’intellectuel comme incarnation du discours de vérité est terminé dans la mesure où la démocratisation de la société a permis à chaque catégorie sociale d’exprimer au mieux ses insatisfactions sans avoir besoin des intellectuels. Le rôle de ces derniers subsiste, mais il doit se concentrer sur la lutte contre les formes de pouvoir là où ils sont, en tant qu’intellectuels, à la fois objet et instrument du pouvoir. Il appartient donc à l’intellectuel de bien délimiter le foyer de pouvoir en question et d’en faire la généalogie pour gagner en efficacité pratique.
Rencontre avec François Dosse autour de Vincennes – heurs et malheurs de l'université de tous les possibles paru aux éditions Payot.
François Dosse, né en 1950 est professeur des universités à Paris 12, maître de conférences à l'Institut d'Études Politiques de Paris, chercheur associé à l'IHTP. Il a notamment publié: Les vérités du roman, une histoire du temps présent (éditions du Cerf, 2023), Macron ou les illusions perdues (Le Passeur, 2022), Amitiés philosophiques (Odile Jacob, 2021), Pierre Vidal-Naquet, une vie (La Découverte, 2020) et La saga des intellectuels français I et II (Gallimard, 2018).
--
07/02/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
+ Lire la suite