Contrôler les assistés

Ces équilibres internes entre services au profit de l'agence comptable ont conduit à renforcer la place de logiques proprement comptables (éliminer les dépenses non justifiées) et financières (assurer la rentabilité des contrôles), dans un domaine qui demeurait auparavant avant tout régi selon les logiques du droit de la protection sociale portées par les services ordonnateurs (s'assurer que les bonnes prestations sont versées aux bonnes personnes).

C'est ainsi en créant une occasion de controverse suscitant des réactions attendues et l'affrontement ritualisé de positions opposées, et donc sans réel risque politique mais avec au contraire les profits associés à la dénonciation «courageuse» d'un problème «tabou», que le rapport sur les «pratiques abusives » fait de la fraude une question débattue publiquement comme jamais auparavant, ce qui ne s'est guère démenti depuis. Tout cela a préparé, accompagné ou conforté la muliplication sans précédent depuis cette période de réformes, dispositifs institutionnels, réglementations, qui font du contrôle des assistés un emblème politique en même temps qu'un instrument de durcissement de leur traitement. Dans la mesure où la commande de ce rapport obéissait essentiellement à des impératifs tenant à des rapports de forces au sein de la majorité et à la quête gouvernementale d'un soutien de I'« opinion publique», la genèse du contrôle des assistés comme mot d'ordre est ainsi politique, avant d'être gestionnaire, bureaucratique médiatique, ou liée à des organisations patronales.

C'est là aussi une des manières par laquelle la division du travail de contrôle par la spécialisation, la parcellisation et la déréalisation qui l'accompagnent remplit les conditions favorables à son durcissement. La diversification des types d'agents qui y interviennent conduit d'une autre manière à le renforcer.