Le coaching très en vogue consiste à mobiliser les ressources intérieures d'une personne pour atteindre des objectifs. Venu du sport, il s'est étendu à tous les domaines, professionnel et santé. Proche de la psychologie positive et au service du libéralisme, il empêche de se rebeller, incite à la résignation, à adhérer aux valeurs ambiantes qu'il empêche de remettre en cause.
Les auteurs invitent à s'en détacher et critiquent sa vision réductrice, trop pragmatique et manipulatrice de l'Homme.
Dans nos sociétés contemporaines sans repères, les coachs sont là selon les auteurs pour adapter l'homme à la société. La dépression n'est plus liée à une faute mais à une inadaptation. le coaching favorise la normalisation conformiste des masses au détriment de l'intériorité.
Cette responsabilisation de l'individu culpabilise ceux qui ne s'adaptent pas à la société, à la vie professionnelle, voire les malades puisqu'ils sont déficients et ne parviennent à trouver en eux les ressources dont ils disposent pourtant pour surmonter leurs difficultés.
Commenter  J’apprécie         80
Il n'est pas de pire moyen pour combattre le coaching que de dire qu'il faut faire acte de vigilance contre ses mésusages, comme s'il existait une essence pure du coaching seulement souillée de l'extérieur par quelques imposteurs. Nous préconisons, quant à nous, le rejet en bloc de cette soupe sportive remixée à la sauce managériale. Il faut attaquer le mal à la racine en identifiant les foyers pestilentiels de son extension, les croyances collectives dont tirent profit nos nouveaux directeurs de conscience...
La mort de dieu fut la naissance des coachs. C'est à ces grands frères au jargon infantilisant que revient le soin de dire le sens de la souffrance, sa cause efficiente ou sa finalité. L fragilité des repères éthiques et l'absence de valeurs sociales fortes, le fait qu'il faille pour chacun "s'assumer" en s'inventant sa propre identité multiplient les causes d'angoisse en intensifiant ce besoin d'aller chercher auprès d'un Autre le savoir sur soi, sur sa condition et son destin.
La maximisation des potentialités des individus creuse le vide d'une intériorité exsangue qui ne parvient plus à penser la vie QU'EN termes de valeur ajoutée, de plue value, de calculs d'intérêts, de pertes et profits, le tout sur fond d'une aliénation radicale du rapport avec l'autre par l'obsession de la stratégie gagnante ("bâtir son capital réputation").
Cet alignement pur et simple de l'hôpital sur le modèle de l'entreprise aboutit, qu'on le veuille ou non, à faire de la santé un produit comme un autre et à indifférencier l'activité hospitalière dans l'univers des sociétés de services en général. En assurant le passage de la gestion administrative à la gestion de soi, de la rentabilité économique à la rentabilité psychique, le coaching-santé parachève un mouvement de désacralisation de l'hôpital dont nous n'avons pas encore réussi à prendre toute la mesure.
Cette psychiatrisation du quotidien supposait un démantèlement des catégories psychiatriques traditionnelles organisées autour de la névrose et de la folie. Les "troubles du comportement" ont remplacé les figures de la psychopathologie. Ce que l'on perd en rigueur conceptuelle, on le gagne en flexibilité pragmatique. Ainsi s'ouvre un champ de thérapies molles (le contrôle social) pour des pathologie flexibles.
Né en 1953 à Fort-de-France, prix Goncourt en 1992 pour « Texaco », Patrick Chamoiseau est l'auteur d'une oeuvre narrative et théorique majeure où se mêlent imaginaire foisonnant et conscience politique. Les enjeux de la littérature contemporaine sont aussi au coeur de sa réflexion. Dans son dernier ouvrage « le Conteur, la Nuit et le Panier », il nous convie dans son atelier d'écrivain, observe les mystères de la création en mettant en lumière l'épaisse matière qui constitue l'oralité du conteur créole.
Au cours de ce grand entretien, Patrick Chamoiseau nous emmène à la Martinique, terreau fertile de son oeuvre, île où s'est inscrit en lui, très jeune, l'écartèlement entre le créole et la langue française, mais aussi tout le tragique de cette terre de souffrances qui porte l'histoire douloureuse des esclaves. Il revient sur ses lectures d'enfance, sa fascination pour les livres et les bibliothèques, son goût pour l'histoire, et s'attarde aussi sur des passions qu'on lui connaît moins : le dessin, la bande dessinée et la science-fiction. Il convoque, bien sûr, quelques-unes des grandes figures littéraires et intellectuelles qui le portent, Rabelais, Victor Segalen, Aimé Césaire et Édouard Glissant.
Patrick Chamoiseau dialogue avec le psychanalyste Roland Gori avec qui il évoque une autre forme d'esclavagisme, celle de notre société capitaliste dominée par un langage numérique, dont l'art et le conte pourrait être la porte de sortie.
C'est la comédienne Yasmina Ho-You-Fat qui fait entendre sur la scène du conservatoire les textes de ce grand écrivain penseur de notre monde, que nous sommes heureux d'accueillir.
Un grand entretien animé par Gladys Marivat et enregistré en public le 29 mai 2022 au conservatoire Pierre Barbizet, à Marseille, lors de la sixième édition du festival Oh les beaux jours !
À lire :
« le Conteur, la Nuit et le Panier », Seuil, 2021.
« Manifestes », avec Édouard Glissant, éditions de la Découverte, 2021.
« Frères migrants », Seuil, 2017.
« Texaco », Gallimard, 1992.
À écouter :
« Baudelaire jazz. Méditations poétiques et musicales avec Raphaël Imbert », Seuil, 2022.
Podcasts & replay sur http://ohlesbeauxjours.fr
#OhLesBeauxJours #OLBJ20
+ Lire la suite