Citations sur Une vie française (229)
Tous nos élans du coeur sont identiques, reproductibles, prévisibles. Passé le foudroiement initial, viennent les longues journées de l'habitude qui précèdent le couloir infini de l'ennui.
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quand l'appetit va,la lessive se fait,la vie sent bon
La vie n’était rien d𠆚utre que ce filament illusoire qui nous reliait aux autres et nous donnait à croire que, le temps d’une existence que nous pensions essentielle, nous étions simplement quelque chose plutôt que rien
Je ne porte plus de sous-vêtements depuis ma petite enfance. Ces toiles et cotons superfétatoires m'ont toujours gêné. Leur contact m'est extrêmement désagréable. Aussi je n'oublierai jamais la décharge érotique que ressentit Laure lorsqu'elle découvrit ce bien modeste particularisme. Il symbolisait pour elle une forme de disponibilité sexuelle et la changeait de ses habitudes matrimoniales, "Tu connais François, prude comme un moine. S'il pouvait, des slips, il en mettrait trois." Vivre tous les jours sans culotte était pour elle le comble du libertinage, l'alpha et l'oméga du stupre, de la luxure et de la débauche. J'étais le premier homme de cette sorte qu'elle rencontrait et cela lui fouettait littéralement le sang.
Les nuits qui précèdent la mort d'un père sont toujours étranges, irréelles, pleines de fébrilité et de confusion, peuplées de fantômes inattendus, de réminiscences incohérentes. Les flammes de la mémoire dansent dans tous les sens, dispensent leur lumière, repoussant d'heure en heure l'implacable emprise du noir. Tant de choses se mélangent que l'on finit par ne plus savoir ce que l'on souhaite vraiment, la mort en ce qu'elle apaise l'angoisse, ou simplement encore un peu de vie, parce qu'on ne sait jamais.
La politique représentait, pour elle, une activité réservée aux retraités ou aux snobs, un divertissement à mi-chemin de la philatélie et du golf. Il fallait avoir du temps, disait-elle, pour s'intéresser à des hommes qui ne s'intéressaient jamais à vous.
Durant ces longues attentes, je me disais que ces arbres devaient avoir quelque part, une mémoire, sans doute bien différente de la nôtre, mais capable d'enregistrer l'histoire de leur pré, les fréquences bavardes des villes lointaines. Il ne faisait pour moi aucun doute qu'ils possédaient aussi une intelligence du monde tout aussi subtile que celle dont nous nous prévalons. Comme nous, ils avaient pour mission de construire leur destinée à partir de rien, d'un hasard et d'une nécessité combinée, d'une simple graine transportée par le vent ou un oiseau, et ensuite de s'accommoder du sel de la terre et des eaux de la pluie.
Fourmis agitées, nous nous démenions pour trouver une place en ce monde. Les arbres ne devaient rien comprendre à notre espèce. Petits mammifères agressifs à la maigre espérance de vie, nous combattions sans cesse et tombions inexorablement à leurs pieds sans jamais prendre racine nulle part.
Rien n'est plus terrible qu'un 24 décembre dans une clinique psychiatrique, lorsque tombe la nuit et que s'allument les quelques guirlandes dont se pare l'institution. Même les repas de fête que l'on s'efforce, en cette soirée, de servir aux malades ont un côté tragique, dérisoire.
Lorsque le vent s'engouffrait dans la forêt, on aurait dit soudain qu'une marée d'équinoxe battait au cœur des bois, que les forges de la mer ronflaient à deux pas.