Après avoir lu
l'Amant et
Moderato cantabile, j'ai voulu faire une dernière incursion dans l'univers littéraire de
Marguerite Duras, et j'ai choisi
le ravissement de Lol V. Stein, un de ses plus célèbres ouvrages, séduite que j'étais par ce titre mystérieux.
Mais de quel ravissement s'agit-il ?
Parmi tous les sens possibles de ce beau mot, on relève : perte de conscience partielle ou totale du monde extérieur.
Et on peut imaginer que c'est ce qui est arrivé à Lol V. Stein lors de ce bal au Casino de T. Beach. où cette femme, Anne-Marie Stretter a subjugué d'un regard le fiancé de Lol, a dansé avec lui la nuit entière puis est repartie le jour venant au bras de
Michaël Richardson, laissant la jeune fille en état de sidération au milieu des plantes vertes.
De prostration en crises, le temps s'écoula tuant peu à peu son amour et ses élans. Alors elle se maria, quitta la ville pendant dix ans puis y revint, y retrouva Tatiana, son amie de jeunesse totalement oubliée et fit connaissance du narrateur de cette histoire. Ce narrateur tente de comprendre Lol ; il l'invente et la réinvente au cours d'un récit déstructuré, où l'héroïne apparaît plus comme un zombie que comme une personne vivante et agissante.
On peut difficilement parler ici de roman, tant l'intrigue, si minimaliste est quasi inexistante. L'intérêt se trouve donc ailleurs .... mais où ? Telle est la question !
Cela ne peut résider que dans la manière épurée dont Madame
Duras nous conte cette histoire, sous forme d'impressions, sensations, émotions, suppositions, voire supputations émises par le narrateur.
Je l'ai entendue affirmer que parmi les écrivains, beaucoup ne savent pas ce qu'est écrire, alors qu'elle, bien entendu le sait..... C'est pourquoi sans doute elle nous inflige une succession de phrases creuses, très souvent consternantes de banalité, un chapelet quasi ininterrompu de platitudes, mais parfois excessivement travaillées, bien ciselées et dégoulinantes d'afféterie.
Ce qui compte pour elle, visiblement, c'est la phrase, son balancement, les mots choisis avec gourmandise voire maniaquerie .... et du coup, le sens importe peu et cela peut aboutir au ridicule, carrément !
Je ne puis résister au plaisir de donner quelques exemples :
page 47 : il ne reste de cette minute que son temps pur, d'une blancheur d'os.
page 48 : ç'aurait été un mot-absence, un mot-trou, creusé en son centre d'un trou, de ce trou où tous les autres mots auraient été enterrés. On n'aurait pas pu le dire, mais on aurait pu le faire résonner.
page 51 : puis, un jour ce corps infirme remue dans le ventre de Dieu.
page 62 : l'idée de ce qu'elle fait ne la traverse pas. Je crois encore que c'est la première fois, qu'elle est là sans idée d'y être, que si on la questionnait elle dirait quelle s'y repose. de la fatigue d'être arrivée là. de celle qui va suivre. D'avoir à en repartir.
Je vais cesser ici cette fastidieuse énumération.
Tout de même, son discours est parfois émaillé de quelques fulgurances stylistiques, mais trop rares pour que l'on puisse véritablement s'immerger dans l'atmosphère obsessionnelle qu'elle tente de créer, dans cette quête d'absolu où tout arrive dans la dimension du rêve, où l'on sent qu'elle cherche à capter l'éternité de l'instant.
Cela hélas est trop fugitif pour être convaincant !
Mon exploration de l'univers durassien s'arrêtera donc ici !
Et je reconnais éprouver une jubilation certaine à "exécuter" Madame
Duras, si imbue d'elle-même, dont
Pierre Desproges disait qu'elle avait écrit beaucoup de conneries et qu'elle en avait aussi filmé, avis que je partage pour avoir vu certains des outrages qu'elle a infligés au cinéma !