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3,36

sur 578 notes
Quel drôle de roman !
Du pur Echenoz, pour celles et ceux qui connaissent déjà son verbe.
Une étonnante découverte pour moi, qui jamais n'avais laissé mes yeux s'attarder entre les pages des romans de ce brillant écrivain maintes fois primé.

Quel drôle de roman, donc !
Empli d'absurde et de rebondissements,
de mensonges et de tromperies,
de poésie et de cadavres.
J'y ai même trouvé çà et là quelques cheveux de Boris Vian.

Une écriture exceptionnelle, maîtrisée et drolatique,
des personnages aux patronymes délicieux et caricaturaux à souhait,
une succession d'évènements s'apparentant davantage à des apartés de l'auteur qu'à de véritables péripéties,
et les Editions de Minuit tout de même!
le tout cuisiné en un simulacre de polar d'une précieuse légèreté.

En effet, la carrière de Gérard Fulmard n'a pas assez retenu l'attention du public. Peut-être était-il temps qu'on en dresse les grandes lignes.
Après des expériences diverses et peu couronnées de succès, Fulmard s'est retrouvé enrôlé au titre d'homme de main dans un parti politique mineur où s'aiguisent, comme partout, les complots et les passions.
Autant dire qu'il a mis les pieds dans un drame. Et croire, comme il l'a fait, qu'il est tombé là par hasard, c'est oublier que le hasard est souvent l'ignorance des causes.

S'il est à peu près certain que ce roman ne restera pas gravé dans ma mémoire comme nombre de ceux qui ont fait de moi la lectrice que je suis, je crois qu'il est absolument nécessaire
de continuer à mettre sur un piédestal les auteurs (et leurs livres) capables de nous procurer un tel plaisir de lecture, immédiat, vif et intelligent,
de continuer à encenser les écrivains aptes à nouer un brin d'absurde sur le mouchoir de nos vie,
en transformant le monde en un jeu dont ils ignorent eux-mêmes les règles.

Alors oui, Vie de Gérard Fulmard n'a rien de la grande saga romanesque tant aimée,
son protagoniste a tout de l'antihéros, du raté, du paumé, du terriblement commun,
son intrigue relève plus de l'art du loufoque que du scénario solidement bâti et intrigant,
mais quand le tout se trouve mené par une main de maître, orchestrant son roman pour le seul plaisir de la belle lecture,
on dit oui et trois fois oui et l'on se réjouit de découvrir les autres pépites crachées par la plume de Jean Echenoz.
Lien : https://www.mespetiteschroni..
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Paradoxe echenozien : autant le livre se lit avec un plaisir évident, autant (comme quelques autres ouvrages de l'auteur déjà) il risque fort de tomber rapidement dans les oubliettes de ma mémoire. Pourtant, le personnage de Gérard Fulmard, véritable archétype du héros à la Jean Echenoz, a tout pour marquer les esprits. Un homme plutôt ridicule, sans relief, un ancien steward qui tente une reconversion et ouvre un cabinet d'il ne sait même pas quoi exactement : détective privé ? Si les clients le souhaitent, pourquoi pas, il deviendra détective privé… Jean Echenoz nous narre avec un réel plaisir les mésaventures du bonhomme, tout le monde sachant d'emblée que ses agissements sont vouées à l'échec. Approché par un parti politique (la Fédération Populaire Indépendante), il se retrouve bien malgré lui mêlé à une véritable lutte de succession au sein de ce parti. Là encore, Jean Echenoz se fait un malin plaisir de nous présenter les différents acteurs d'un mouvement politique sans réelle importance, ni influence. Un parti qui d'ailleurs n'a pas vraiment de ligne directrice très claire (en gros ni gauche, ni droite, ni centre…), seules semblent dominer les ridicules ambitions personnelles. Sans oublier les désirs des différents protagonistes qui se révèlent autrement plus importants que les idées. Et il n'y a rien à redire quant à la virtuosité de l'auteur (mot souvent évoqué dans les nombreuses critiques du livre). L'homme joue avec ses personnages et avec ses lecteurs de façon magistrale. Jouant avec les mots, les inventant au besoin, avec humour et un recul qui lui permet de regarder de haut la commedia dell'arte qu'il anime. Mais la forme ne prend-elle pas trop d'importance aux dépens de fond ? le FPI est finalement un stéréotype facile du parti politique lambda et les personnages n'ont guère de relief. Que reste-t-il donc une fois la 236e page terminée ? Une sensation de plaisir de lecture évident, mais aussi cette impression que ce roman ne nous a guère apporté plus. Et qu'il nous faudra attendre le prochain pour retrouver ces quelques heures de plaisir.
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Mon sentiment à l'égard des livres d'Echenoz est toujours ambivalent.
Son style, somptueux, n'appartient qu'à lui et fonctionne comme une sorte de piège qui se referme sur le lecteur, qui l'embobine lentement. Il a des trouvailles géniales, comme : « Je ressemble à n'importe qui en moins bien », ses descriptions sont superbes et originales, avec des images qui font mouche comme :
« À ses pieds, au premier plan, verticalement délimité par le ruban gris fer du pont de Bir-Hakeim et celui bistre et blanc du pont de Grenelle, horizontalement par les cordons de quais liserés d'immeubles beiges à moulures et corniches, constructions galonnées de feuillus roussâtres, le foulard brun de la Seine s'écoule immobilement, divisé en deux pans que passemente le fil gris de l'île aux Cygnes, là-dessus la tour Nelson et ses voisines couchent de longs rectangles d'ombre. Au-delà de ce cadre, la perspective urbaine a l'air d'un grand lit plus ou moins fait sur lequel s'accumule un fouillis d'étoffes diverses, châles de pierre et plaids en béton, écharpes d'étages et froncis de balcons, jetés de terrasses sur camaïeu froissé de draps clairs, patchwork de couvertures pâles à carreaux de zinc, de plomb, d'ardoise – et plus loin encore, au bord de l'horizon, la ville prend un tour portuaire sur une mer floue de banlieues étales, bornée par le donjon de l'hôtel Hyatt Regency qui lui tiendrait lieu de phare. » J'adore la confusion que la métaphore filée instaure entre les matériaux de construction et le tissu !
Mais sa constante ironie finit par être agaçante, et je n'aime pas non plus sa façon – il est vrai à la mode – de ne pas finir.
En l'occurrence, je trouve qu'il aurait dû davantage centrer son récit sur le magnifique anti-héros Gérard Fulmard. Les développements sur le petit parti politique et son personnel me paraissent longuets et pas très intéressants.
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Voici l'histoire du peu reluisant Gérard Fulmard, steward renvoyé pour d'obscures raisons, enclin à une heureuse reconversion professionnelle : d'abord comme nouveau détective autoproclamé, puis en tant qu'homme de main à l'insu de son plein gré pour le compte d'un parti politique (FPI) qu'on semble reconnaître.

Quand je vois la note moyenne de ce livre (3 et des poussières) en comparaison de dithyrambes unanimes qui encensent les romans de plage, les polars nordiques et les romances fadasses qui culminent à 4,8/5, je me dis que la lecture va mal. Style brillant et d'une inventivité folle, humour partout, aisance, ironie, des phrases comme de l'orfèvrerie et une histoire dont on se fout complètement qui en devient captivante par le talent de Jean Echenoz et son personnage inimitable, le trop sous-estimé Gérard Fulmard de la rue Erlanger.

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Prenez un homme moyennement maladroit, nourrissez le de polars et de films noirs qui lui feront croire que le métier de détective ne tient qu'à deux ou trois ficelles et à une secrétaire.
Ajoutez-y un passé trouble qui l'a mis au ban de son travail.
Faites-lui perdre ses repères en lui enlevant sa mère et son supermarché.
Enfin, plongez-le dans une soupe de requins en lutte pour le pouvoir au sein de leur parti et vous obtiendrez « Vie de Gérard Fulmard ».

L'histoire en elle-même n'a rien de très original mais raconté dans un format court, ce petit défaut reste acceptable.
Ce qui fait la force de roman, c'est le style de Jean Echenoz. Des phrases très travaillées (la, il me manque les outils littéraires pour vous décrire la façon dont Jean Echenoz triture ses phrases, y mettant au milieu ce qu'on s'attendrait à y trouver à la fin, y intégrant quelques digressions) mais qui restent pourtant d'une lecture très fluide.
Sous des apparences de distance vis-à-vis de son personnage, Echenoz nous promène entre le rire face à l'improbable et la pitié face à la solitude de Gérard Fulmard.
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« Vie de Gérard Fulmard », unanimement reconnu et validé par la critique, paraît être un « électron littéraire libre ». Jean Echenoz promène le lecteur dans un scénario improbable qui emprunte les chemins du thriller. Gérard Fulmard, ancien steward au chômage, endosse le costume de détective privé. Personnage décalé, sans prise sur la réalité, il se regarde agir. La toile de fond politique est sordide : complots, règlements de compte, faux enlèvement… illustrent une peinture sociétale peu reluisante .
Jean Echenoz rompt le récit par des anecdotes insolites, inattendues qui éloignent le lecteur des parcours habituels. Humour, fantaisie , digressions donnent rythme et malice à la lecture. le style est incisif, la précision et les ruptures renforcent le décalage entre l'intrigue et le vécu du personnage.
Au final, un bon moment de lecture avec l' impression d'un exercice de style « plaisant et distractif ».

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Un brillant exercice de style dans le genre politico-policier. Les descriptions sont des merveilles de précision terminologique en même temps que d'ironie. Cette maîtrise de la langue, ces trouvailles foisonnantes procurent un plaisir irrésistible qui semble couler de source : l'objet du récit finit par disparaître pour ne laisser que la littérature - bien que l'intrigue se poursuive pour nous accompagner jusqu'à la fin. Dans la démarche, je vois une parenté avec Richard Brautigan et son « Privé à Babylone » anti-héros, lui aussi. Un thème comme « le succès de la Pêche à la truite en Amérique » en version française n'aurait sans doute pas déplu à Echenoz. Mais son style est bien le sien et sans doute le meilleur antidote à la problématique qui fut fatale à Richard Brautigan « écrivain poussé au suicide ou un suicidaire devenu écrivain ?»
On lui pardonne (presque) d'avoir cité dans un interview le Voyage au bout de la nuit de Céline comme « chef-d'oeuvre qui vous est tombé des mains ».
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Avec cette vie de Gérard Fulmard, Jean Echenoz nous éblouit encore une fois par son incroyable talent de jongleur de la langue française. Dès la première phrase, le ton est donné : l'incipit nous plonge in medias res dans une affaire aussi étrange que ridiculement ordinaire. Car tout l'art d'Echenoz est justement là, rendre extraordinaire le minuscule, rendre belles les nuances de gris des bords de Seine, rendre piquantes les pathétiques veuleries des magouilles politiques, faire surgir la beauté dans la description de ce à côté de quoi l'on passe tous les jours...
Gérard Fulmard était là depuis toujours et on ne le voyait pas.
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Nous voici donc embarqué dans la vie de Gerard Fulmard, petit type minable qui ressemble à n'importe qui en moins bien.
Alors qu'un ancien lanceur soviétique de vingt tonnes vient de s'écraser sur le centre commercial à trois cent mètres de chez lui, Gerard loin de se complaire dans son statut de demandeur d'emploi décide de monter son entreprise : le Cabinet Fulmard Assistance.
Après avoir décidé que son cabinet serait finalement un cabinet de détective privé, Gérard se fait engager par son psychiatre, membre d'un parti politique mineur pour régler quelques détails encombrants.

Encensé par la critique et par ma libraire j'avais hâte de lire ce livre pour enfin découvrir la prose de monsieur Jean Echenoz.
Il nous livre ici le récit rocambolesque des errances d'un héros sans saveur évoluant dans les entrailles d'un parti politique médiocre.
Camouflé par un langage soutenu et un vocabulaire alambiqué, Echenoz, se hasarde à jeter un oeil critique sur la sphère politique et l'égo des élus qui y siègent.

Trêve de périphrases, j'ai été séduite par les cinq premiers chapitres puis le charme a progressivement fondu comme neige au soleil.

Ne versons pas non plus dans l'inconvenant, la forme est grandiose, un réel hommage à la langue française. Mais le fond… d'un vide abyssal.

Bref, ce n'était pas pour moi. Echec et mat.
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Évidemment le patronyme du narrateur principal de l'histoire annonce la couleur: anti-héros, ironie et exagérations sont au rendez-vous pour créer des situations burlesques mais pas si irréalistes que cela. Si l'on sourit beaucoup à la lecture de ce roman c'est avant tout parce qu'on y reconnaît totalement les dérives de notre société politique et médiatique qui sert de terrain de jeu à Echenoz. Car enfin son récit est bien avant tout un jeu : le vocabulaire, la construction des dialogues dans la sphère du parti (dont l'utilisation des noms propres), les descriptions de Paris, ses interpellations au lecteur, les références historiques : en entremêlant le vrai et le faux, Echenoz s'amuse et nous épate par tant d'intelligence littéraire.
Lien : https://yaourtlivres.canalbl..
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