C’est qu’il avait des travaux importants, dans ce carton ! Toute une série d’ébauches pour une étude qu’il comptait présenter à un éditeur ! Et les premières pages d’une bande dessinée, pour tenter de se reconvertir ! Vraiment, c’était la cerise sur le gâteau !
Comme beaucoup d’autres avant lui, il était écœuré de voir combien le milieu préférait les artistes disparus à tous ces jeunes peintres qui se battaient pour subvenir à leurs besoins, créer, et tenter de leur mieux de ne pas mourir à leur tour.
Il aimait rencontrer ces beaux hommes qui n’éprouvaient aucune honte à se montrer nus devant des dizaines de personnes, adorait s’en approcher pour les contempler et les connaître, les séduire pour enfin les ramener dans ses filets. Pour lui, c’était aussi de l’art. Le rapprochement du corps et de l’esprit. Celui du modèle et le sien, bien sûr. Il aimait prétendre qu’il n’y avait qu’ainsi qu’il pouvait entrer en osmose avec ses muses, mais il avait fini par se perdre en chemin.
Son amant était tombé amoureux de sa peinture en découvrant ses anciennes toiles et voulait absolument qu’il puisse créer de nouveau sans devoir penser à des détails purement matériels. Il était enfin heureux, à ses côtés, pour la première fois depuis bien longtemps. Il ne pensait plus à ses vieilles conquêtes ou à sa vie ratée. Mais il savait que sa carrière battait de l’aile et qu’il devrait sortir rapidement de nouvelles œuvres sous peine de sombrer dans l’oubli.
Enseigner toute la journée à des morveux pour qui la peinture n’évoquait que le bâtiment, ou les immondes graffitis gribouillés à l’extérieur des salles de cours, était loin d’être une sinécure.