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écriture belle, juste et limpide. le travail à la chaine décrit minutieusement, la banalité du racisme , époque trouble et l'amour dans tout cela, qui ne discrimine pas.
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Publié en 1967, ce roman obtient le Prix Fémina puis donne lieu, deux ans plus tard, à la réalisation d'un film éponyme par Michel Drach, le rôle d'Élise étant tenu par sa compagne, l'actrice Marie-José Nat. Livre et film rencontrent un vrai succès, nous sommes tout près encore de ce que les médias de l'époque s'obstineront à appeler les « événements d'Algérie », combien de temps faudra-t-il pour qu'on ose enfin parler de « guerre » et même de « sale guerre » ?

Le thème est âpre et riche à la fois : Élise s'ennuie à Bordeaux, elle veut « monter » à Paris comme on disait alors et réalise son désir via l'embauche, au nez et à la barbe de candidats algériens, dans une usine, à la chaîne, debout des heures durant dans le bruit et la promiscuité. Elle a été recommandée par Lucien, son frère, parti avant elle et qui manque sans cesse d'argent. Il milite, apprend l'anglais, découvre les civilisations orientales, veut s'immerger dans le monde ouvrier : tout une époque ! L'auteur dépeint avec précision la vie à l'usine, les amitiés, la méfiance, l'exploitation des ouvriers, maghrébins et ou français, la solidarité.
Élise va nouer une amitié tendre avec un ouvrier algérien Arezki et, avec lui, découvrir la dure condition des immigrés algériens en France. L'heure est à la lutte pour l'indépendance en Algérie, le FLN pratique la terreur, les attentas se multiplient, la police sévit, brutalise, tue aussi. La Seine a charrié des corps parmi lesquels, peut-être celui d'Arezki, disparu. Lucien aussi disparaît. Époque de troubles où les Parisiens ont peur, ne savent pas forcément qui croire, s'attendant à tous moments à ce qu'une explosion ne secoue leur quartier.

J'ai vécu cette époque et me rappelle bien les défilés sur le boulevard proche de chez mes parents, leur peur que notre voisin, Français d'Algérie commerçant, ne soit plastiqué et nous avec, qui vivions juste au-dessus de sa boutique. Je me rappelle ces Algériens venus s'installer en France pour y travailler et dont on se moquait à cause leur accent, de leur « couffin » pour les courses, ces sourires contraints qui ne demandaient qu'à s'ouvrir pour nous, ces insultes racistes commençant en général par « sale ». Et aussi ces nouvelles camarades de classe qui arrivaient en plein milieu de l'année, chassées avec leur parents d'une Algérie qu'elles prenaient pour leur pays. Trop de larmes, trop d'offenses, trop de rancoeurs et d'incompréhension dont on n'a toujours pas fini de payer le prix.
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souvenir lointain et scolaire - histoire d'amour entre une française et un algérien
le prof nous avait dit de faire un résumé- j'y ai passé une bonne partie de la nuit,
le prof m'a dit de faire un résumé du résumé
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Elise décide de quitter Bordeaux pour rejoindre son frère Lucien à Paris et l'aider à s'installer, pour le moment rien d'extraordinaire. Sauf que la vie est parcourue d'imprévus et d'aventures !
Elle n'a pas assez de sous pour rentrer à Paris. Lucien lui propose de venir à l'usine où il travaille afin de gagner un peu d'argent pour payer son retour.
C'est là que je suis rentré dans l'histoire accompagnant Elise dans son usine. Nous sommes dans la période de la guerre d'Algérie, Lucien soutient le FLN.
La vie étant parcourue de rencontres (Charles Pépin ne nous dira pas le contraire ) Elise est intriguée par Areski, personnage singulier de nationalité algérienne qui travaille dans la même chaîne de production. Et quand on rencontre un personnage remarquable par sa différence, on creuse un peu, on échange, on dialogue et là ! Je vous le donne en mille, arrive ce que l'on pressent : Elise tombe amoureuse d'Areski.
Elle ne choisit pas la facilité Elise, une française avec un algérien dans les années 60 qui plus est membre du FLN, ce n'est pas gagné ! D'autant que leur intimité ne peut s'exercer que dans les lieux publics. Mais l'amour ne commande pas. Elle vit alors de l'intérieur les rafles, les perquisitions et les conditions de travail de l'usine dans les années cinquante- soixante.
Evidemment il faut contextualiser ce récit, se replacer dans cette année-là. J'ai trouvé les personnages attachants, on a envie de parler avec eux, d'échanger, de les écouter pour les aider à échapper à leur solitude.
Je retrouve dans ces attitudes les résignations des romans De Balzac, mais pas les luttes ouvertes et les combats de Zola. Les revendications sont retenues, on est dans le maquis des années 60 mais le milieu est hostile car la France n'est pas unie contre un ennemi, mais divisée.
Ce livre a reçu le prix Femina, les mots sont justes, c'est bien écrit. Il fait partie de notre histoire.
À lire et découvrir pour ceux nés bien après cette époque.
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"La vraie vie est si souvent celle qu'on ne vit pas."
Oscar Wilde, "Rose-Leaf and Apple-Leaf, L'Envoi"

"Surtout ne pas penser. Comme on dit "Surtout ne pas bouger" à un blessé aux membres brisés. Ne pas penser. Repousser les images, toujours les mêmes, celles d'hier, du temps qui ne reviendra plus. Ne pas penser. Ne pas reprendre les dernières phrases de la conversation, les mots que la séparation a rendu définitifs, se dire qu'il fait doux pour la saison, que les gens d'en face rentrent bien tard ; s'éparpiller dans les détails, se pencher, s'intéresser au spectacle de la rue."

C'est à la lumière de ces premières phrases qu'il faut lire le 1er roman de Claire Etcherelli paru en 1967 et récompensé par le prix Femina. "Élise ou la vraie vie" est le récit a posteriori de ce "temps qui ne reviendra plus", ces quelques mois qu'Élise Letellier va passer à Paris où elle est partie rejoindre Lucien, son frère. Ce judicieux parti-pris narratif évite l'écueil d'un ton impersonnel et froid et, bien au contraire, enrichit le récit d'une belle humanité, celle qui colore et donne du sens aux souvenirs, fussent-ils douloureux.

Roman autant d'apprentissage que social, récit en partie autobiographique, "Élise ou la vraie vie" emprunte à certains récits De Balzac ou encore de Zola, ainsi qu'à la vie de son autrice. L'histoire en est simple, prévisible même diront certains. Élise, jeune provinciale tranquille, presque trop effacée, coincée à Bordeaux dans une modeste maison entre sa grand-mère et son frère, va monter à Paris dans l'espoir d'y vivre enfin la vraie vie.

"Comment passe une vie que l'on regarde passer."

Cette vie étriquée de "provinciaux minables. Isolés, gauches, pauvres de la pauvreté qui se cache", engourdie par la grisaille du quotidien, la sage Élise la laisse derrière elle dans un mouvement d'une audace folle dont, au regard des premières pages, on la croyait bien incapable. En un rien de temps, voilà la grand-mère placée dans une maison de repos, ses bijoux, mis au clou pour payer le voyage et les premiers jours dans la capitale en attendant de décrocher un emploi.

À Paris, bien vite, les rêves se cognent à la réalité. La vraie vie, ce n'est pas ce que vantait son frère, ce bon à rien exalté, mari et père abject, beau parleur enfiévré et ouvrier médiocre (dont je ne parlerai guère, tant il ne mérite ni mon encre ni mon papier, enfin… façon d'écrire !), non, la vraie vie, ce sont des journées à travailler à la chaîne de l'atelier 76 du constructeur automobile

"Les machines, les marteaux, les outils, les moteurs de la chaîne, les scies mêlaient leurs bruits infernaux et ce vacarme insupportable, fait de grondements, de sifflements, de sons aigus, déchirants pour l'oreille, me sembla tellement inhumain que je crus qu'il s'agissait d'un accident, que, ces bruits ne s'accordant pas ensemble, certains allaient cesser."

des nuits à dormir dans un foyer après avoir dû abandonner la chambre à la petite amie de ce frère adultère, des trajets en bus, seule évasion tangible bien qu'illusoire :

"J'avais cinquante minutes d'irréalité. Je m'enfermais pour cinquante minutes avec des phrases, des mots, des images. Un lambeau de brume, une déchirure du ciel les exhumaient de ma mémoire. Pendant cinquante minutes je me dérobais. La vraie vie, mon frère, je te retiens ! Cinquante minutes de bonheur qui n'est que rêve. Mortel réveil, porte De Choisy. Une odeur d'usine avant même d'y pénétrer. Trois minutes de vestiaires et des heures de chaîne. La chaîne, ô le mot juste... Attachés à nos places. Sans comprendre et sans voir. Et dépendant les uns des autres. Mais la fraternité, ce sera pour tout à l'heure."

Les jours passent et Élise, par-delà l'épuisement, l'abattement, l'hébétude aussi, se rend compte qu'elle partage plus avec ces travailleurs immigrés qu'elle ne l'aurait cru, à commencer par une même aspiration.
Elle

"Comme elle était douce, celle d'avant, la vie un peu floue, loin de la vérité sordide. Elle était simple, animale, riche en imaginations. Je disais "un jour..." et cela me suffisait."

comme eux

"Un seul mot était inconnu ici, celui de désespoir. Tous disaient… "un jour…" et aucun ne doutait. le présent s'était la lutte pour la survie."

ont ces mêmes mots à la bouche - "un jour" - ce jour où vivre ne sera plus survivre.

Au milieu de cadences impossibles à tenir, du bruit assourdissant de la chaîne, de celui, libérateur, des sirènes qui gueulent que la journée est finie, Élise rencontre Arezki, un Algérien sombre et économe de ses mots. Dans la France de la guerre d'Algérie, faisant fi des quolibets, des regards lourds de désapprobation, des menaces implicites, sifflées dents serrées, ils vont peu à peu s'apprivoiser, au hasard de rencontres, de déambulations dans Paris, craintifs qu'une rafle de police ne vienne vérifier la détention du précieux sésame, le bulletin de paie.

"Et moi, ce soir, je me sens et je sens l'existence de cette ville, au-delà d'Arezki mais à travers lui, polie par l'ombre qui s'ouvre devant nous."

La relation qui se noue entre Élise, "vulnérable [aux] images de la vie tranquille, droite, simple", et Areski offre les meilleures pages de ce roman.

"Nous savourions jusqu'à l'usure ces plaisirs modestes qui nous étaient permis."

En effet, je ne cacherai pas que les longues et répétitives descriptions du travail harassant à l'atelier 76 pèsent sur la narration, bien que cela parte de la meilleure des intentions, je n'en doute pas. En nous immergeant dans le quotidien de ces ouvriers privés d'horizon des heures durant, dans la violence latente du racisme ambiant, en nous fatiguant à leurs côtés de ces gestes mécaniques répétés jusqu'à l'abêtissement, Claire Etcherelli montre combien ces heures passées à la chaîne qui "détruisent le plus harmonieux des visages" sont abrutissantes, épuisantes, déshumanisantes. Mais, pour habile que soit le procédé, à trop vouloir le pousser, l'autrice "s'éparpille dans les détails" et perd en conviction ce que la lectrice que je suis gagne en lassitude, et il a fallu que je me fasse violence pour ne pas tourner à une cadence infernale ces pages-là.

C'est d'autant plus dommage que c'est dans les non-dits, dans ce qui git sous les mots, que Claire Etcherelli excelle. Son écriture est belle et sensible, sans pathos ni grandiloquence. Elle éclaire par sa justesse un quotidien blafard, celui des bonheurs fugaces et des inquiétudes prégnantes.

"Ces soirées inachevées, nos conversations interrompues et l'inquiétude - ne pas savoir, le laisser derrière moi, attendre jusqu'au lendemain pour m'assurer que rien de grave ne s'était produit - m'attachèrent profondément à lui selon le phénomène banal qui nous rend plus cher ce qui est fuyant."

Les phrases sont d'une musicalité et d'un rythme poétiques rares, tels ces alexandrins aux deux hémistiches parfaits, où la pudeur de l'abandon

"Je connus le plaisir de donner du plaisir."

rivalise avec la détermination digne de l'ultime phrase

"Je me retire en moi mais je n'y mourrai pas."

Pour Élise, de retour à Bordeaux dans la maison familiale après qu'Arezki a été arrêté au cours une rafle, "la vraie vie aura duré neuf mois", le temps qu'il faut aux femmes pour mettre au monde un enfant, le temps qu'il lui aura fallu pour naître au monde.

"Élise ou la vraie vie", c'est d'abord, pour moi, le film de Michel Drach vu à la télévision, dont je garde encore un souvenir vif. C'est aussi l'une des rares fois - à y bien réfléchir peut-être la seule - où j'ai vu le film avant de lire le livre. Je préfère être celle qui met les images sur les mots ; cette impression, un peu sotte, que le cinéaste me vole quelque chose en m'imposant sa vision du texte.
Ce n'est que plus tard, en cours de français, que j'ai découvert le roman de Claire Etcherelli. Je ne sais pas si je serais allée vers lui sans cette obligation qui m'était faite. L'adolescente que j'étais était alors prise par d'autres préoccupations que celles-là. Mes lectures étaient tout autres et, il me faut bien le confesser, je ne faisais pas grand cas des 1ers romans.

"Élise ou la vraie vie" est le choix d'Anaïs Llobet pour la sélection anniversaire 5 ans des #68premieresfois.
Lien : https://www.calliope-petrich..
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J'ai lu ce livre il y a de nombreuses années, lorsque j'étais jeune. Je me souviens de la description du travail à la chaîne dans une usine d'automobiles, de l'épuisement d'Elise après ces premières journées. de l'ambiance tendue entre ouvriers français et algériens, de l'amour naissant entre Elise et Arezki, de la suspicion des tiers à l'égard de leur relation - lorsqu'Arezki dit à un camarade algérien qu'Elise est avec eux, celui-ci lui répond : "elle est avec toi" -, de leurs promenades dans Paris, de la passion d'Arezki, autodidacte, pour la géographie, d'Elise divisant sa vie en jours fastes et gris selon qu'ils sont ou non agrémentés d'une promenade avec Arezki, du contrôle de police subi alors que tous deux se retrouvent pour la première fois seuls dans la chambre d'Arezki - qui a acheté pour Elise un couvre-lit sentant le neuf - de l'humiliation éprouvée, le policier contraignant Arezki à se déshabiller complètement, du geste de consolation d'Elise qui embrasse les mains de son ami.

Une oeuvre poignante et qui m'a marquée.
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Une belle et tragique histoire d'amour entre un Algérien et une Française dans le Paris de 1957, malade de racisme.
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Avis mitigé après la lecture de 'Elise ou la vraie vie' de Claire Etcherelli. J'ai apprécié le contexte qui nous plonge dans le monde ouvrier de 1957 et 58 en pleine guerre d'Algérie. J'ai été prise par la violence du racisme qui s'exprime sans complexe à l'encontre des algériens. Je me suis aussi étonnée finalement que l'on s'étonne aujourd'hui de la violence raciste de la police en France comme si l'on avait oublié cette période pourtant récente où la répression de la police était particulièrement injuste, violente et raciste. J'ai eu du mal en revanche à ressentir de l'empathie pour la narratrice, la trouvant souvent passive notamment par rapport à son frère qu'elle adore alors qu'il est franchement détestable ; elle ne décrit aucun moment où il apparaît affectueux ou ne serait-ce que sympa, ce qui nous ferait partager son attachement. Et c'est regrettable puisque ce frère est un personnage central du roman et a une grande influence sur l'héroïne.
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Que dire qui n'a déjà été si bien dit... Élise et Arezki, c'est une histoire d'amour qui nous emporte et nous fait rêver. J'ai espéré avec Élise, j'ai ressenti en même temps qu'elle ses espoirs et malheurs, ses hauts et ses bas.
L'autrice parvient à nous dire l'essentiel en des phrases très succinctes. Nous comprenons ce qu'il y a à comprendre. En plus de ces passages, il y a des descriptions détaillées du monde ouvrier, du racisme. L'alternance entre les deux styles est très forte.
J'ai adoré ce livre, il gagne à être plus connu et lu.
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Un livre qui nous fait découvrir la vie des ouvriers dans la Paris des années 60, en pleine guerre d'Algérie, au travers des yeux d'Elise, qui tombera amoureuse d'un Algérien.

Un livre sans fard, âpre et qui prend aux tripes.
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